Genk et puis rien

Le Guinéen est enfin rétabli et prépare son retour aux Emirats Arabes Unis.

Sa valise est prête. Le Guinéen Souleymane Oulare, 30 ans, est pressé. Il vient de signer un contrat d’un an à Abou Dhabi, le club de George Weah. Il lui reste une demi-heure pour l’interview et les photos. « Si tout va bien, je peux encore évoluer au plus haut niveau trois ou quatre ans »….

« C’est une chance de prouver que je suis complètement rétabli après un an d’inactivité. C’est aussi intéressant financièrement », explique-t-il dans le couloir. « Je pouvais rejoindre le Rapid Bucarest, qu’entraîne Mirca Rednic et où jouent Roberto Bisconti et Manu Godfroid, mais c’était financièrement moins attrayant. Je dois penser à l’avenir de ma famille ».

En 1999, vous avez été élu Footballeur Pro de l’Année. Pourquoi n’êtes-vous pas venu à la remise du trophée?

Souleymane Oulare : Je pensais que ce serait comme au Soulier d’Or, qui ne s’était pas déroulé honnêtement. 1999 a été une année fantastique pour moi mais au Soulier d’Or, on a sous-estimé ma performance en finale de la Coupe et contre Duisburg, où j’ai chaque fois délivré deux assists et marqué deux buts.

Comment l’expliquez-vous?

Branko Strupar, qui n’a même pas joué la finale, avait manifesté son intérêt pour l’équipe nationale. On a voté pour lui afin de l’encourager et de le remercier de la sympathie qu’il éprouvait pour la Belgique.

Il a fait campagne en disant »J’ai été meilleur qu’Oulare ».

Je préfère que les gens parlent de moi plutôt que de faire ma publicité moi-même.

Même si ça vous a coûté le Soulier d’Or?

Les journalistes ne s’intéressent donc pas exclusivement aux prestations sportives? J’attache plus d’importance au Trophée du Footballeur Pro qu’au Soulier d’Or car ce sont vos collègues, vos concurrents, qui vous élisent, comme les défenseurs contre lesquels vous avez joué. Ils savent de quoi ils parlent.

Branko Strupar et vous n’avez guère été performants, ensuite. Aimé Anthuenis aurait-il trop exigé de son duo d’attaque?

Je crains que oui. Les deux dernières années à Genk, nous devions toujours jouer, même blessés. Je le regrette un peu. Durant la saison du titre, j’ai joué quatre mois sans m’entraîner, à cause d’une blessure. Je devais subir une arthroscopie à la cheville droite mais l’entraîneur ne voulait pas car il avait besoin de moi. Je l’ai payé ensuite.

En voulez-vous à Aimé Anthuenis?

Pas vraiment car il a fait beaucoup pour moi. Nous nous sommes connus à Waregem. Nous étions tous deux des anonymes. Nous avons fait carrière ensemble. Il a été élu Entraîneur de l’Année alors que j’ai été Joueur Pro.

éa en valait-il la peine?

Oui, peut-être bien. Nous avons gagné tout ce qui était possible en Belgique. J’ai tout donné pour Genk. Continuer à marquer, même blessé, est agréable. Davantage que d’être sur la touche à cause de cette blessure. J’ai même disputé le tout dernier match de la saison, à Harelbeke. Sinon, je ne sais pas si nous aurions été champions car j’ai marqué le premier but et Thordur Gudjonsson a inscrit le sien sur une de mes passes. Dois-je nourrir des regrets? J’aurais pu dire à l’entraîneur: -Non, je me fais soigner. Mais ce n’est pas chaque année qu’on est champion! Pas de foot pendant quatre ans

Mais pendant quatre ans, vous n’avez pratiquement plus joué…

C’est exact. Sans ce problème, j’aurai sans doute rejoint un grand club européen. J’intéressais beaucoup de monde, jusqu’à ce qu’on découvre que ma cheville était raide. Après les tests médicaux, Metz a refusé de prendre des risques, comme Stuttgart. Là, j’avais mêmesigné un contrat qui, le lendemain, a été annulé. Le seul club qui ait accepté de prendre ce risque, c’était Fenerbahçe.

Que rêver encore, quand on touche 20% d’un transfert de 3,1 millions d’euros?

Pardon, je n’ai pas eu ces 20%. Genk a tout empoché. Je n’ai pas voulu faire de vagues, de peur que le transfert ne capote. J’étais heureux d’avoir trouvé un club et je ne voulais pas compromettre ce transfert.

Combien gagniez-vous à Fenerbahce ?

Un million de dollars nets par an, tout compris. Fenerbahçe est le club le plus riche de Turquie mais pas le plus facile. Les supporters sont tellement fanatiques qu’ils exigent la victoire chaque semaine. Si vous perdez, vous pouvez vous attendre à des moments difficiles. Parfois, on frappe même les joueurs. Notre gardien, qui est aussi celui de l’équipe nationale turque, a été tellement rossé qu’il a été indisponible deux semaines. Nous nous étions fait éliminer par un club de D3.

Un journaliste turc a écrit que vous étiez fichu.

Là n’était pas le problème car j’avais fait nettoyer mon articulation avec succès. J’ai joué 14 ou 15 matches et inscrit sept buts. Mais on n’a pas respecté les échéances de paiement. J’ai dû attendre quatre mois avant de toucher mon argent. J’ai refusé de jouer jusqu’à ce que le président me donne un chèque de 100.000 dollars dans le vestiaire. Alors, j’ai enfilé mon maillot et marqué deux buts. Ensuite, il s’est avéré que c’était un chèque non couvert. J’ai dit au président: -Si vous ne me payez pas immédiatement, je montre ce chèque à un avocat et vous volez en prison. Il m’a alors donné 100.000 dollars en échange de ce chèque. Il m’en devait encore 150.000 mais après moult discussions, ils m’ont rendu ma liberté en échange de ce montant. Je suis parti à Las Palmas. J’y ai disputé 19 matches, marqué six buts en championnat et deux en coupe, mais le club avait des problèmes financiers aussI. Je n’ai pas été payé pendant six mois. Je n’y suis resté que sept mois. Il n’a que 30 ans après tout

Anderlecht s’est alors manifesté. Aimé Anthuenis croyait donc encore en vous et en vos aptitudes physiques?

Oui, s’il était toujours entraîneur de club, peu importe où, il me voudrait toujours.

Pourquoi votre transfert à Anderlecht ne s’est-il pas réalisé?

Ce n’était pas inintéressant financièrement mais il ne voulait me donner qu’un contrat de six mois. Je désirais au moins un an pour faire mes preuves.

Il avait des doutes quant à votre guérison?

Apparemment.

Pourquoi avez-vous choisi Stoke City, en D3 anglaise?

Pourquoi pas? Il était en tête et pouvait donc briguer la D2. J’avais aussi la possibilité d’aller au Rapid Vienne, que Lothar Matthäus entraînait. J’avais même signé un pré-contrat mais je pouvais gagner trois fois plus à Stoke. Malheureusement, des problèmes de santé m’ont empêché de beaucoup jouer. J’ai eu des ennuis après trois semaines d’entraînement. Une thrombose pulmonaire.

Comment expliquez-vous ça?

Les médecins m’ont dit que c’était à cause de mes nombreux voyages, d’un pays, d’un continent à l’autre. J’ai été hospitalisé neuf jours puis j’ai suivi un traitement de trois mois.

Puis ce fut le tour de vos abdominaux.

Oui. J’ai dû être opéré d’une pubalgie après trois matches. A Louvain, le médecin m’a dit que je devais m’attendre à cinq mois de rééducation très progressive, sans toucher à mes limites. Quand j’ai repris avec le groupe, au bout de trois mois, l’entraîneur et la direction ont voulu que je joue. J’ai essayé en Réserves mais j’avais mal. Je n’étais pas encore prêt. Comme la saison était presque finie et que mon contrat arrivait à échéance, nous avons décidé de nous séparer. J’ai pu me soigner auprès de ma famille en Belgique.

Comment va votre cheville?

Bien. Je m’entraîne sans bandage depuis deux ans. Je n’ai plus de problèmes.Fâché sur les managers

Qu’espérez-vous encore de votre carrière?

Je n’ai que 30 ans. Si tout va bien, je peux encore jouer trois ou quatre ans au meilleur niveau. Le championnat des Emirats ne reprend que le 15 juillet. L’essentiel est que je puisse effectuer une préparation normale.

Votre famille vous accompagne-t-elle à Abou Dhabi?

Non, ma femme reste ici avec nos trois enfants. Déménager chaque année d’un pays à l’autre n’est pas bon pour eux. Depuis que j’ai quitté le RC Genk, j’ai conservé une adresse en Belgique. Je suis d’abord resté domicilié à Genk et maintenant, j’ai acheté une villa à Grimbergen. C’est proche de l’aéroport et en Communauté Flamande. Je veux que mes enfants soient bilingues. Ils parlent déjà bien le néerlandais alors qu’à la maison, nous parlons français.

Que comptez-vous faire ensuite pour gagner votre vie?

Je n’y ai jamais pensé. Peut-être des affaires entre la Belgique et la Guinée. Quand j’arrêterai, j’aurai le temps de me retourner. J’ai acheté un immeuble de dix appartements et un restaurant près de la gare du Midi. éa me rapporte 5.000 euros par mois.

Qui s’occupe de vos finances?

Nous. Ma femme surtout, elle gère l’immobilier. Un footballeur qui gagne bien sa vie doit être très prudent. J’ai déjà perdu de l’argent en me faisant arnaquer. Une fois, j’ai donné 75.000 euros à un Guinéen pour une affaire à Dakar, mais je n’ai plus revu mon argent.

Dans le cercle des managers, vous avez la réputation de ne pas être fiable. Vous ne respecteriez pas des conventions écrites.

(Il rit). J’ai longtemps été fâché sur les managers. C’est pour ça que je leur ai distribué des signatures comme des autographes aux supporters. Evidemment, les papiers que je signais ne signifiaient qu’une chose: les managers avaient le droit de me représenter auprès d’un club (il rit). Le problème, c’est que la plupart des managers ne font pas bien leur boulot. Il est évidemment facile de travailler pour un joueur qui a déjà fait ses preuves. Dès qu’ils ont votre signature, vous n’entendez plus rien. Ils attendent qu’un club se manifeste et réclament l’affaire. C’est trop facile. Ce sont des profiteurs.

Christian Vandenabeele

« Les deux dernières années à Genk, Strupar et moi devions toujours jouer, même blessés »

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