Genk bat Anderlecht

Six mois après le Mondial, le point sur l’exploitation commerciale de de Ki-Hyeon Seol et Takayuki Suzuki, héros orientaux du tournoi?

La réponse de Robert Raes,le responsable de la cellule sportive de Genk, fuse quand on lui demande si Takayuki Suzuki n’est pas qu’un instrument de marketing pour le club limbourgeois. : « Je serais plus nuancé. Nous l’avons engagé sur l’insistance de Nitto-Denko, le sponsor principal, mais Suzuki appartient à Genk, au club. Il a été acheté avec une option qui doit être levée avant le premier avrilmais nous n’avons pas encore abordé le sujet et le sponsor n’a pas voix au chapitre. Il s’agit d’une question purement sportive. Cela dit, l’indemnité de transfert et le salaire du joueur sont à la charge du sponsor. Le club ne donne pas un euro à Suzuki. Mieux, même: il nous rapporte quelque chose. Pas des sommes folles mais de 70 à 100.000 euros, commercialement c’est un surplus ».

Genk a transféré Suzuki après un Mondial qui s’est très bien déroulé pour le sélection nippone, qui a atteint le deuxième tour. éa vaut aux footballeurs une aura éternelle car au Japon, qui n’a pas de tradition footballistique, on apprécie davantage les joueurs que le jeu lui-même. Bien plus qu’en Europe, ils sont adulés.

Ki-Hyeon Seol est également une idole dans son pays, la Corée du Sud, co-organisatrice du Mondial et demi-finaliste. Seol restait sur une saison difficile à Anderlecht. Il y est revenu avec le statut de héros et s’est épanoui. La maison mauve a dû en retirer des gains, non?

« Oui mais pas au point de crier victoire », insiste le manager général, Michel Verschueren. « La Corée est à l’autre bout du monde. éa demande du temps,des efforts, du personnel, aussi. Et ces trois derniers mois, nous avons dû concentrer tous nos efforts sur l’aspect sportif ».

Quand Alain Courtois y travaillait, Anderlecht a pris deux initiatives. Sur l’élan de sa brillante campagne, Seol a emmené le classement des buteurs durant les premières semaines de championnat. Du coup, le site d’Anderlecht a été inondé: on a dénombré jusqu’à 12.000 internautes de Corée du Sud par semaine. Le club a donc décidé de faire traduire une partie du site en coréen. Il a pris contact avec l’ambassade de Corée en Belgique.

« J’y suis allé à la demande d’Alain Courtois afin de voir ce qu’il était possible de faire, commercialement et en matière de droits TV, mais il n’en est rien ressorti », se souvient Robert De Pot, le manager-adjoint,

« Seol rapporte plus sur le plan sportif »

Le merchandising de Seol n’est pas brillant non plus, selon Kiki Vanden Stock, l’épouse du président qui dirige le fanshop d’Anderlecht: « On ne vend pas beaucoup plus de maillots de Seol. Il nous a apporté plus sur le plan sportif! J’ai contacté le responsable de Genk: il n’avait encore rien vendu qui concernait Suzuki. Voilà le noeud du problème: un maillot coûte 65 euros, les frais d’envoi se montent à 43 euros. Je suis maintenant en contact avec une firme coréenne qui pourrait se charger de ça pour nous. J’attends une réponse ».

Toujours selon Kiki Vanden Stock, Anderlecht a en revanche eu des contacts avec des télévisions coréennes: « Une équipe TV vient de nous rendre visite. Nous lui avons demandé d’étudier la question ».

Michel Verschueren : « L’équipe était ici pour un reportage et nous attendons de voir l’impact que ça aura ».

Genk n’a pas attendu… Dès que l’arrivée de Takayuki Suzuki a été acquise, le club a nommé un responsable de la stratégie commerciale concernant la vedette japonaise. La problématique des droits TV a été rapidement éclaircie, explique Stephan Poelmans. « Ils appartiennent à Canal+, qui les a vendus à SkyPerfecTV pour 400.000 euros, un montant ridiculement bas. Nous avons été surpris car nous aurions pu obtenir des sommes plus substantielles. Canal+ a vendu tout le championnat au Japon, donc aussi La Louvière-Mons,par exemple. Si la chaîne s’est contentée d’aussi peu, c’est notamment parce que la direction a changé à ce moment. Je pense qu’après-coup, il a dû y avoir un peu de raffut. Nous étions évidemment désolés de ne pouvoir participer aux négociations mais nous ne voulions pas faire capoter le contrat TV alors qu’il avait fait l’objet de négociations si difficiles. En conséquence de quoi, nous sommes passés à la caisse au même titre que les 17 autres partenaires de la chaîne. Sur ce plan, nous sommes déçus ».

Le RC Genk a son propre programme sur TV Limbourg, toutes les deux semaines, mais n’a pas voulu miser sur le seul Suzuki. Feyenoord a un programme comparable sur RTL5. Il a vendu une série de 25 films sur SongChung-Gug, son joueur sud-coréen, à l’ITV coréenne et une série identique sur Shinji Ono à SkyPerfecTV, une chaîne japonaise.

Poelmans : « Nous en avons parlé avec Feyenoord mais si nous faisions de même avec Suzuki, ça aurait vraiment trop l’air commercial. Il doit d’abord jouer davantage ».

Télés et partenaires japonais pour Suzuki

Feyenoord inspire Poelmans: « Quand Suzuki a signé chez nous, nous avons été assaillis par toutes sortes de gens qui nous promettaient des sommes de plusieurs millions. Par le biais de Feyenoord qui a travaillé avec cette firme, j’ai rencontré les gens de Japan Sports Vision (JSV), une firme qui a ses propres grands magasins de sport ainsi qu’un centre de fournitures pour les petits commerces. Il assure une bonne distribution sur tout le pays. J’ai convaincu Genk prendre JSV comme partenaire. En attendant la production en Italie des maillots officiels Kappa, JSV a fabriqué une série de t-shirts qu’il a lancés sur le marché avec notre accord. On en a vendu quelques milliers dans tout le Japon. Début décembre, 3.000 maillots Kappa frappés du nom de Suzuki ont été livrés au Japon. Nous avons conclu un contrat qui permet à JSV de développer lui-même des articles en fonction du marché nippon. Nous avons approuvé la conception d’une trentaine d’articles, de gadgets scolaires à des vestes. Ils sont en cours de production. Nous obtenons un pourcentage en fonction du chiffre, avec un minimum. Ce pourcentage oscille de 10 à 20%.

Comparé à notre merchandising belge, c’est une bonne affaire. On dit que Suzuki est un coup commercial mais si c’était le cas, il aurait d’abord dû jouer. Ce n’est pas vraiment le cas mais tout se passe quand même relativement bien. Tout compris, il devrait nous rapporter entre 125.000 et 250.000 euros cette saison. Pour Genk, ça vaut bien quelques efforts, surtout que nous disposons maintenant de notre canal de vente et que des initiatives ultérieures se dérouleront plus facilement. Nitto, pour le compte duquel Suzuki est contractuellement obligé de réaliser quelques missions de représentation par an, est également très content du retour, notamment grâce à l’attention très large de la presse japonaise au cours des premiers mois. éa vaut son pesant d’or en matière de publicité ».

Internet constitue la dernière phase. On va pouvoir télécharger des interviewes avec Suzuki, par exemple. « Je discute encore avec JSV et un autre partenaire », précise Poelmans. « Mais je pars même du principe que nous n’allons plus rien vendre au Japon via notre site Internet. Ce n’est pas nécessaire, puisque JSV a son propre site et que c’est par ce biais que les fans japonais vont acheter leurs articles. C’est notre partenaire local qui est chargé de la distribution ».

Le marché sud-coréen est-il moins facile à pénétrer que le japonais? « éa m’étonnerait », estime Poelmans. « Quand vous voyez tout ce que Guus Hiddink a fait là-bas… A la place d’Anderlecht, j’aurais pris contact avec lui. Il aurait été en mesure de faire avancer les choses. Du moins, à condition de vouloir faire quelque chose. Tout ça requiert beaucoup de temps, je l’admets. On ne gagne pas la confiance de ces gens immédiatement mais quand on l’a, on obtient beaucoup d’eux, comme je l’ai expérimenté ».

Jan Hauspie

3.000 maillots de Suzuki ont été vendus au Japon en décembre. Mais rien de Séol

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