Génération 80

La semaine passée, le 22 juin pour être précis, il y avait exactement 25 ans que les Diables Rouges de Guy Thys prenaient part à la finale de l’ Europeo 80, au StadioOlimpico de Rome. L’Allemagne s’empara de ce sixième point d’orgue de la Coupe d’Europe des Nations. Le terrible Horst Hrubesch avait ouvert la marque dès la 10e minute de jeu mais cela n’avait pas décontenancé les Belges et surtout pas le placide René Vandereycken qui égalisa, sur penalty une bonne heure de jeu plus tard. Le challenger du Plat Pays, invité surprise mais méritoire à ce stade de l’épreuve, était à la hauteur de l’événement. Sans un nouveau coup de butoir du taureau de Hambourg (89e minute 2-1, score final), Dieu seul sait ce qui aurait pu se passer. Cette phalange, la plus belle et la plus compétitive de l’histoire de notre football, avait tout pour atteindre le ciel, réaliser ses rêves, combler ses supporters. Elle communiait avec le pays uni derrière ses Diables Rouges comme il le fut, et l’est toujours, autour d’ Eddy Merckx. La Belgique présenta la formation suivante face à l’Allemagne : Jean-Marie Pfaff ; EricGerets, Walter Meeuws, Luc Millecamps, Michel Renquin ; Julien Cools, Wilfried Van Moer, René Vandereycken, Raymond Mommens ; François Van der Elst, Jan Ceulemans. Sur le banc, on notait la présence du jeune Michel Preud’homme (21 ans), de Guy Dardenne, d’ Erwin Vandenbergh, etc.

La défense était solide, intransigeante, capable d’affronter le feu imposé par les meilleurs artilleurs internationaux. Jean-Marie Pfaff posait les premiers jalons de sa carrière internationale. Eric Gerets était déjà un des meilleurs arrières droits du continent. Dans sa zone d’influence, il fallait se farcir ce barbu prêt, comme un rude pirate, à piller tous les trésors adverses. Au centre de ce secteur, l’élégant Walter Meeuws pilotait un molosse : Luc Millecamps. Michel Renquin étalait déjà une technique étonnante. Le vieux Wilfried Van Moer était le général sans reproche de la ligne médiane. Julien Cools était son aide de camp, toujours prêt-à-porter ses messages et ses ordres dans le camp adverse. Raymond Mommens disposait déjà de sa belle patte gauche. Au front, François Van der Elst, taille Cosmos, avait du métier à revendre. Puis, il y avait le grand Jan Ceulemans, pas bavard pour trois sous, mais qui fendait les défenses avec la patience des meilleurs bûcherons. Le géant de Bruges avait l’art de débouler, de peser sur les lignes Maginot adverses, d’épuiser ses gardes-chiourmes. Cette phalange était même peut-être plus riche qu’elle ne le pensait.

Si elle avait mesuré pleinement la qualité de ses atouts, cette formation aurait-elle pu battre l’Allemagne au lieu d’être fière de sa bonne performance romaine ? Probablement. La génération 80 donna, en tout état de cause, le premier coup de rein qui propulsa notre petit pays vers six phases finales de la Coupe du Monde. Un quart de siècle plus tard, la bande de Rome joue un rôle différent, mais de plus en plus important, au sommet du football noir/jaune/rouge. Certains n’ont pas quitté le bleu de chauffe, d’autres portent un trois pièces, dans leur club ou à l’Union Belge, en attendant le smoking des plus hautes fonctions. Jan Ceulemans a enfin rejoint, en toute simplicité, sans roulements de tambours, le Club Bruges. C’est chez lui. Il était temps, pour lui, de rentrer à la maison. Cette promotion ne le changera pas. Pour lui, le football, ce n’est pas la guerre, que ce soit à Bruges, à Alost, à Ingelmunster ou à Westerlo. Son caractère se rapproche le plus de celui du légendaire Guy Thys.

Loin de là, un des anciens compagnons de l’équipe nationale affronte désormais un défi aussi dru que sa barbe. Ce n’est pas l’enfer de Galatasaray qui va effrayer le Lionde Rekem. René Vandereycken a agi, comme au temps de sa splendeur balle au pied, en s’opposant à la direction de Genk. Cela lui a valu un bon de sortie même s’il a offert la troisième place aux Coalisés du Limbourg.

Tous, à leur façon, vivent toujours pleinement leur passion du ballon rond. Il en va ainsi pour Michel Preud’homme, nommé président de la commission technique, c’est-à-dire, l’éminence grise de l’équipe nationale. Son étoile brille de plus en plus dans le ciel belge. Il a des projets, des idées, de l’enthousiasme à revendre. Sur cette lancée, Preud’homme sera un jour le Michel II (n’est-ce pas Monsieur D’Hooghe), de l’Union Belge . Qui aurait pu le prévoir le 22 juin 1980 ? Ce soir-là, la Belgique a perdu une grande finale mais mis à jour une veine d’or : on ne peut pas en dire de même tous les ans.n

par Pierre Bilic

Sur cette lancée, Preud’homme sera un jour le Michel II de l’Union Belge

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