Gémeaux performantes

Les résultats de Justine Henin et Kim Clijsters à Paris ne sont pas passés inaperçus mais les garçons n’ont pas vraiment déçu.

Deux Belges en quarts de finale d’un tournoi du Grand Chelem, on n’avait plus vu ça depuis 1997. Cette année-là, à Melbourne, Dominique Monami-Van Roost et Sabine Appelmans s’étaient également hissées parmi les huit dernières, mais n’avaient pas réussi à passer ce cap. Ce que Kim Clijsters et Justine Henin ont réalisé au cours de la première semaine des Internationaux de France est remarquable. D’autant qu’elles ne sont encore qu’à l’aube de leur carrière et qu’on peut espérer qu’elle rééditeront de pareilles performances.

Justine Henin a fêté vendredi dernier ses dix-neuf ans, tandis que Kim Clijsters fêtera ses 18 printemps ce vendredi 8 juin. Après l’élimination au premier tour de Venus Williams et Amélie Mauresmo, les deux joueuses belges nées sous le signe des gémeaux sont rapidement devenues la proie des médias internationaux, qui voyaient en elles les favorites sortir du bas du tableau parisien.

Venus Williams avait en effet subi la loi de Barbara Schett, une Autrichienne que Justine Henin allait retrouver par la suite. « Je n’étais vraiment pas dans un bon jour », expliqua l’Américaine après sa déconvenue. « Ce n’est pas une question de préparation, même si certains pensent que je n’ai pas assez joué sur terre battue cette année. J’ai joué autant que je le voulais, mais Barbara m’a été supérieure. J’ai fait tout ce que pouvais et je n’ai pas gagné. Mais bon, ce n’est pas une catastrophe, je vais maintenant m’entraîner pour être prête pour Wimbledon, où j’ai un titre à défendre ».

Autre éliminée du premier jour, Amélie Mauresmo, pourtant auteur d’une fracassante saison sur terre, mais qui n’a pas supporté la pression terrible suscitée dès l’entame du tournoi par la joueuse elle-même mais aussi par les médias et toute une population, qui l’attendaient pour succéder à Mary Pierce.

« Je suis encore jeune à ce niveau. C’est la première fois que j’arrivais dans un Grand Chelem avec le statut de favorite et je ne suis pas parvenue à gérer cette situation. Je crois que, dans ce domaine, j’ai encore beaucoup de choses à apprendre ».

Quant à Arantxa Sanchez-Vicario, trois fois victorieuse à la Porte d’Auteuil, elle ne gardera pas un souvenir impérissable de cette édition 2001. Battue au second tour par l’Américaine Amy Frazier, elle a quitté la tête basse Roland Garros dès le second tour, alors que cela faisait onze ans qu’elle ne s’était plus inclinée avant le stade des quarts de finale! Enervée par cette contre-performance, Sanchez cassa sa raquette avant de se faire siffler par le public parisien.

« J’étais déçue, je n’étais vraiment pas contente, alors j’ai jeté ma raquette. Peut-être que le public ne comprenait pas que, nous aussi, nous avons parfois des sentiments et nous devons les évacuer d’une manière ou d’une autre. Je ne pense pas avoir cassé beaucoup de raquettes dans ma carrière : quand je le fais, c’est parce que les nerfs lâchent ». La défaite de Sanchez avait en tous cas pour conséquence que le vainqueur du tournoi féminin le serait pour la première fois de sa carrière. Un vainqueur inédit, pour une édition un peu folle. Car il faut ajouter à ces défaites celles d’ Elena Dementieva au deuxième tour, de Jelena Dokic au troisième, de Nathalie Tauziat et de Magdalena Maleeva au premier, etc.

Henin se rassurait

Bref, le bas du tableau féminin fut rapidement déserté par les têtes de série, ce qui eut le don de tourner le regard des observateurs vers les deux grands espoirs belges. Après une seule journée de compétition, la pression était déjà sur les épaules des deux Belges, et particulièrement sur celles de Justine.

« C’est vrai que le stress est là et que je ne joue pas totalement libérée », confirmait la Rochefortoise. « Le bon déroulement de mon tournoi dépend principalement de la manière dont je pourrai faire face à cette pression. Car, pour ce qui est de mon jeu, je suis très satisfaite. Mes coups sont là et mon tennis est bien en place. Quant au physique, je suis aussi désormais totalement rassurée ».

Blessée à la cheville droite au tournoi de Berlin, alors qu’elle disputait les demi-finales contre Jennifer Capriati, Justine Henin n’avait ensuite plus joué avant de se rendre à Roland Garros. Mais dès son premier match, les doutes étaient écartés.

« J’appréhendais un petit peu ce premier tour contre Asagoe, car je ne savais pas comment ma cheville supporterait la pression d’une rencontre officielle. Mais cela s’est très bien passé. Je n’ai rien ressenti du tout. Je n’y ai même pas pensé, alors que, lors des derniers jours d’entraînement, ma blessure m’occupait quand même souvent l’esprit ».

Physique et tennis au top, il restait donc à espérer que le mental suive. Ce ne fut pas si facile que ça, vu la pression qui augmentait à chaque élimination d’une concurrente dangereuse. Mais, les victoires s’accumulant, la pression allait diminuer.

« J’ai connu quelques problèmes lors de mes débuts de match, mais je parvenais chaque fois à revenir dans la rencontre et à m’imposer en deux sets. C’était l’objectif que je m’étais fixé. Grâce à l’aide de mon coach Carlos Rodriguez et à tout mon entourage, qui est très cool avec moi, je parviens à évacuer le stress et à me concentrer sur mon tennis ».

On pouvait d’ailleurs constater une amélioration à chaque tour dans le chef de la Rochefortoise qui montait en puissance, surtout contre Barbara Schett, qu’elle élimina pour se qualifier pour les quarts de finale : « Je crois que l’on a vu une tout autre joueuse contre Schett. J’ai livré mon meilleur match jusqu’ici et j’ai atteint l’objectif que je m’étais fixé. Cela ne veut pas dire que je n’ai plus d’ambition, mais bien que je vais désormais évoluer sans pression, même si je sais que j’ai une belle carte à jouer dans ce tournoi ».

Clijsters construisait

Kim Clijsters a, quant à elle, semblé moins sensible à la pression découlant de la situation soi-disant favorable aux deux jeunes Belges. « Moi, je joue mon tournoi et je préfère ne pas faire trop attention à ce qui se passe autour. J’aborde le tournoi match par match, en essayant de faire mieux que l’année passée ». Ce qui n’a pas été difficile à faire, vu que la Limbourgeoise avait été éliminée au… premier tour en 2000! Mais la fille de Lei a étonné plus d’un observateur, en raison de l’évolution de son jeu sur terre battue, la surface qu’elle apprécie le moins a priori.

« Nous avons beaucoup travaillé pour cela », explique Karl Maes, son coach. « Elle est désormais beaucoup plus patiente, construit ses points coup après coup et varie les effets et les longueurs de balle avec beaucoup de réussite. L’époque où Kim était impatiente de terminer les points par un grand coup de contre-attaque est désormais oubliée ».

Sampras s’est juré de revenir

« Je sais que je n’ai pas pratiqué mon meilleur tennis cette année mais ma route n’est pas terminée. Je ne suis pas résigné et je reviendrai encore à Paris avec la ferme intention de mieux m’y comporter… »

C’est Pete Sampras qui parle. Celui dont on dit qu’il est le meilleur joueur de l’histoire (ce qui reste à prouver, seul le temps pouvant réellement confirmer cela) n’a manifestement pas compris que Roland Garros ne s’offrirait jamais à lui. Ses prestations 2001 face au très modeste français Cédric Kaufmann et à l’Espagnol Galo Blanco n’ont pas suffi pour lui faire comprendre qu’il n’accepterait jamais de se plier aux règles sévères du jeu sur terre battue.

Andre Agassi avait sa petite idée sur le sujet: « Le problème, c’est que Pete ne veut pas jouer de la même manière sur terre que sur les surfaces rapides sur lesquelles il excelle. De ce fait, il s’offre un peu en victime consentante chaque fois qu’il monte sur le terrain. Cela étant, je ne vais certainement pas le critiquer pour cela puisque j’ai moi-même connu le même genre de soucis sur le gazon de Wimbledon ».

Sampras de reprendre: « Je sais que mes adversaires n’ont plus peur de moi, mais je sais aussi que ma carrière n’est pas terminée. Je reste persuadé que des attaquants comme Patrick Rafter ou moi peuvent s’imposer ici ».

Rares sont ceux qui partagent son avis. Depuis Yannick Noah en 1983, plus aucun joueur de service-volée n’a réussi à s’imposer à la Porte d’Auteuil. Quant à Sampras, cela fait pas moins de cinq ans qu’il n’a pas atteint les huitièmes à Paris.

Si les offensifs n’ont triomphé qu’à de rares reprises sur la terre parisienne, les Belges, eux, n’ont jamais brandi le trophée masculin, sauf en Juniors, avec Jacky Brichant. Ce n’est malheureusement pas cette année que cela changera, malgré de très belles prestations de Xavier Malisse et, surtout, d’ Olivier Rochus.

Olivier a plié contre le vainqueur de 1996

Opposé dès le premier tour à l’un des plus grands joueurs du circuit, le cadet des frères Rochus a enthousiasmé les photographes et spectateurs en se défaisant de Marc Rosset en… deux jours et quatre sets.

« Le fait que Rosset soit 35 centimètres plus grand que moi ne m’a pas complexé », expliquait Olivier après son succès. « Je suis désormais habitué à rencontrer des adversaires plus imposants que moi physiquement ».

Face au Suisse, Olivier a fait parler sa technique pure et a réussi à accélérer encore les envois de son rival. Cela étant, il ne faudrait pas oublier que le champion olympique de Barcelone n’est plus le joueur du top 10 qu’il était. La véritable performance de Rochus a donc été réalisée au deuxième tour, lorsqu’il a battu Dominik Hrbaty.

« J’étais venu ici pour passer un tour et je me retrouve en seizièmes de finale, je ne peux donc qu’être très satisfait même si cela me pose un problème au niveau vestimentaire puisque je n’ai pris que quatre polos avec moi ».

Après avoir perdu le premier set face au Tchèque, notre compatriote a développé un tennis digne du top 30 pour remporter le match en quatre manches et obtenir le droit de défier Yevgueny Kafelnikov, vainqueur du tournoi en 1996. Face au Russe, Olivier a montré de réelles qualités mais il a donné l’impression de se contenter d’offrir un superbe spectacle plutôt que de tenter sa chance.

« J’ai bien joué mais, sur les points importants, le niveau de mon tennis a baissé quasiment à chaque fois. C’est vraiment dommage car j’étais bien dans le match et j’aurais pu gagner le premier set ». Qu’il perdit finalement dans un tie-break au cours duquel il commit quatre fautes un peu stupides : « Si j’avais gagné cette première manche, personne ne sait ce qui aurait pu se passer par la suite ».

On sait en effet que le Russe est capable de balancer dès qu’il se sent malmené…

Malisse craque mentalement puis physiquement

Si Olivier Rochus aurait pu faire trembler davantage l’ancien numéro 1 mondial, Xavier Malisse, lui, a été tout proche de défier l’actuel leader du classement mondial, Gustavo Kuerten.

Après s’être facilement défait du Chilien Nicolas Massu et du Danois Kristian Pless, le plus Américain des joueurs belges était opposé à un copain d’entraînement, Michael Russell. Sous un soleil de plomb, il remporta le premier set par 6-3 avant de connaître une incroyable baisse de régime pendant laquelle il perdit les deuxième et troisième manches. Il se reprit fort heureusement pour égaliser à deux sets partout avant d’entamer un cinquième set incroyable qu’il perdit en raison de crampes qui l’empêchèrent de défendre ses chances jusqu’au bout.

« Je ne l’ai pas du tout sous-estimé », avançait le Courtraisien après sa défaite. « Mais comme je le connais bien, je savais exactement ce que je devais faire pour le battre. Si j’avais réussi à développer le même tennis que lors du premier set, je me serais imposé sans trop de mal. Hélas, j’ai craqué mentalement et je n’ai pas pu rester concentré. Puis, au cinquième set, j’ai commencé à souffrir de crampes qui m’ont réellement fait mal à 5-4. Ce qui explique la victoire au finish de Russell. Je suis extrêmement déçu car je voulais vraiment rencontrer Kuerten en huitièmes de finale. Cela dit, je vais essayer de rester positif en me disant que le niveau de mon tennis n’est pas si mauvais. Je dois donc continuer à travailler dans le même sens en essayant d’améliorer mon physique et mon mental ».

Et, à ceux qui avançaient que Malisse n’était pas un vrai combattant, précisons qu’au tour suivant, Russell a mené deux sets à rien et 5 jeux à 2 face au Brésilien.

Dernier Belge présent dans le tableau final masculin, Christophe Rochus n’a pas réussi à inverser la tendance actuelle qui veut qu’il ne parvient plus à retrouver son niveau de l’Australian Open 2000. Il est vrai qu’il avait en la personne de Guillermo Canas un adversaire de taille face auquel il s’inclina en trois petits sets.

« Je suis évidemment déçu mais je pense que, pour la première fois depuis très longtemps, j’ai vraiment joué au tennis. Je ne suis pas encore à mon meilleur niveau mais je sens que cela va revenir. D’autant que la saison sur terre battue est désormais terminée ».

Reste que Rochus a quelques regrets : « J’ai commis une grosse erreur en allant participer à la tournée américaine à la fin de l’hiver. Pour des raisons familiales, JulienHoferlin, mon coach, n’a pas pu venir avec avec moi et j’ai perdu pas mal d’énergie pendant ces semaines. Je le paie encore aujourd’hui ».

Reste à espérer que Wimbledon mettra du baume au coeur de l’aîné de la famille : « J’adore Wimbledon et je compte bien y retrouver mes sensations ». L’an dernier, Christophe y avait atteint le deuxième tour alors que son frère Olivier y avait battu Fromberg et Norman avant de s’incliner en seizièmes de finale face à Pozzi.

Le bilan masculin belge est relativement bon. Il s’agit même du meilleur depuis 1997. Il faut cependant accepter le fait que les frères Rochus et Malisse n’ont, pour l’instant, pas les mêmes dispositions que leurs collègues féminines. Il ne faudrait pas commettre l’erreur de comparer des performances qui ne sont pas comparables.

Bernard Ashed et Laurent Gérard, à Paris

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