GAUCHE négligée

Pierre Bilic

Les Rouches penchent à droite : le problème est-il récurrent ou temporaire ?

Gentil et sincère, Miljenko Mumlek a traversé des moments difficiles après le désormais célèbre match nul (3-3) qui mit fin à la visite de Mouscron à Sclessin. Son désarroi se lisait encore dans ses yeux avant le voyage à Lokeren…

 » J’assume quand cela n’a pas été terrible « , dit-il.  » Quand on est invité à quitter le jeu après 70 minutes, c’est qu’il y a des problèmes. Mais avant d’y revenir, je préfère quand même retenir la réaction du groupe qui a su retourner la situation. Moralement, c’était important « .

Ce soir-là, Dominique D’Onofrio avait affirmé, à juste titre, que les anciens – privés d’ Ivica Dragutinovic, Roberto Bisconti, Lalo Sorondo et Almani Moreira – ne furent pas vraiment des locomotives pour les jeunes.

 » Ce ne fut pas parfait car, d’après moi, une grosse partie de la charpente traditionnelle avait été modifiée par la force des choses « , avance Mumlek.  » Dans ces conditions, il y a des moments où l’on se cherche comme ce fut le cas durant dix minutes en début de deuxième mi-temps. Nous étions dans les cordes et les coups venaient de partout. Lors de l’égalisation des Hurlus, j’ai dégagé un ballon de la tête dans l’axe du jeu. Il y avait évidemment mieux à faire et j’aurais dû être plus réaliste en l’expédiant éventuellement en corner. Mais, cela dit, notre ligne médiane était absente pour récupérer cette balle, même à l’entrée de notre rectangle « .

Présent en Belgique depuis cinq mois, l’ancien meneur de jeu de Varteks Varazdin a découvert un autre style de jeu qu’en Croatie. Ainsi, Dominique D’Onofrio soulignait que son médian gaucher mesurait désormais qu’on jouait plus vite et de façon plus engagée en Belgique. Une remarque qui a fait réfléchir Mumlek : » C’est tout à fait exact. On n’a pas trop de temps pour prendre possession de la balle et en faire un usage positif. Le jeu est plus lent en Croatie où les accents sont surtout offensifs. En Belgique, toutes les équipes défendent et récupèrent très bien. Les formations ne lâchent rien jusqu’à l’ultime seconde de jeu. Les derniers peuvent prendre la mesure des équipes du top. Il y a un pressing constant sur le porteur du ballon. Je me suis habitué à cette chasse, à l’obligation pour les médians d’aller arracher la balle dans les pieds de l’adversaire « .

Comme Johan Walem ?

Mais est-il pour autant un médian de couloir gauche comme annoncé lors de son transfert au Standard ?  » Il y a des nuances dans toutes les analyses « , coupe-t-il directement.  » En Croatie, j’évoluais généralement dans un 3-5-2. Au milieu, j’avais un back sur ma gauche qui balayait le flanc. A mon avis, même si la disposition est différente au Standard (4-3-1-2), je dois arriver au même résultat avec Gonzague Vandooren. Ce fut souvent le cas mais cela doit être amélioré dans les coulissements, la couverture défensive, etc. Dans notre chef, les montées sont encore trop sauvages, si je puis dire. Nos mouvements doivent gagner en harmonie « .

Mais, au lieu de prendre l’initiative, tout le flanc gauche n’est-il pas obligé de compenser ce qui se passe à droite ? Nombre de mouvements sont enclenchés par Onder Turaci et Jonathan Walasiak : infiltrations et débordements. Dès lors, en cas de contres, toute l’équipe – Mumlek et Vandooren y compris -, doivent glisser vers le centre.  » C’est notre job et cela ne me pose pas trop de problèmes « , dit Micky. Une réponse diplomatique.

Né malin, Georges Leekens avait piégé le flanc droit lors de Standard-Mouscron et il fit souvent renverser le jeu… comme Tonci Martic sait si bien le faire.  » Dans toutes les formules tactiques, il faut que toutes les zones du terrain soient parfaitement occupées « , précise Mumlek.

Avec le recul, on peut se dire que le Croate évolue finalement dans le même registre technique et tactique que Johan Walem. Or, ce dernier avait fini par se perdre dans une équipe sans réel flanc gauche et cherchant surtout la profondeur dans l’axe. Est-ce un mal chronique ? Mumlek ne le pense pas :  » Ce serait réducteur. A Anderlecht, nous avions varié les coups : jeu et pression dans le camp adverse, vitesse d’exécution, présence sur les ailes « .

Dominique D’Onofrio constate à propos de ce débat des gauchers :  » L’essentiel dans le football actuel, c’est de réfléchir et d’agir très vite. Thierry Henry est un droitier mais il entame généralement ses actions sur la gauche du terrain et personne ne s’en plaint à Arsenal. Dans le temps, Sylvestre Takac était aussi un droitier jouant à gauche. Il est cependant un fait qu’il est difficile de trouver des gauchers. Il y en a moins que des droitiers « .

Comme Almani Moreira joue désormais très bien dans l’axe, derrière les deux attaquants, n’y a-t-il pas une zone parfois déserte sur la gauche ? Ne manque-t-il pas un attaquant gaucher afin de combler cet espace et aider la paire Mumlek-Vandooren en difficulté pour le moment ? Alexandros Kaklamanos décroche-t-il assez ? Un des buts de Dominique D’Onofrio est évidemment de créer des espaces d’expression pour les deux backs et le lutteur grec :  » Je ne crois pas qu’un attaquant gaucher nous apporterait plus dans notre choix tactique. D’ailleurs, à mon avis, Emile Mpenza est aussi fort du pied gauche que du droit. Il plonge aussi bien d’un côté que de l’autre et adore partir de la gauche comme ce fut souvent le cas quand il jouait à Mouscron « .

Le handicap de la langue

Le problème de Micky et Gonzague réside peut-être dans le mariage de deux styles différents. Le premier est un joueur technique qui doit s’engager plus. Le second met tout son c£ur dans la bagarre mais la finesse, c’est pas son truc. Quand Vandooren tente une talonnade, cela se termine souvent par une perte de balle et une occasion de but pour l’adversaire. Celui qui joue à côté de lui peut alors faire tout ce qu’il veut, c’est souvent trop tard… surtout quand Dragutinovic n’est pas là pour assurer la couverture.

Ce dernier s’est énervé la semaine passée dans la Gazette des Sportset les joueurs de métier en prirent pour leur grade.

 » Il assume son rôle de capitaine « , certifie Mumlek.  » Quand il n’est pas là, cela se voit. A Varazdin, j’imposais aussi mon point de vue. Après quelques mois au Standard, je n’en suis pas là. Il faut du temps et même si nous nous comprenons, le handicap de la langue est là. Je ne parle pas encore assez bien le français pour être un leader comme Drago ou Roberto. Cela viendra. Il y a beaucoup en jeu et le Standard doit tout faire afin de conserver sa deuxième place qui mène à la Ligue des Champions « .

Les vieilles jambes de Danny Boffin ne résoudront-elles pas les problèmes de cette équipe un peu gauche ?  » Ce n’est pas à moi de faire les choix. « , conclut Micky.  » J’étais en forme lors du stage d’hiver au Portugal. J’ai eu un petit creux physique, un manque de fraîcheur, contre Mouscron. C’est à moi de réagir, de bien travailler et le reste suivra, j’en suis sûr « .

Pierre Bilic

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire