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Replacé plus près des attaquants, le Roumain fait tourner son équipe. Avant d’aller voir ailleurs ?

Ce n’est pas s’apitoyer sur son sort que de reconnaître que le football belge n’a jamais fait la part belle aux techniciens. Pourtant, il s’agit bien d’une race de joueurs qui accrochent l’£il de l’amateur de ballon rond. Depuis le début de la saison, nul regard pointu n’aura manqué d’apprécier le jeu du Lierrois Marius Mitu. Sous Emilio Ferrera, le Roumain avait déjà régalé le public par intermittence. Mais, à 28 ans, il a décidé de frapper un grand coup. Replacé par Paul Put plus près des attaquants, la plaque tournante du Lierse a vu son rendement se bonifier. Au point de s’inscrire comme le roi des assists (8) et comme un buteur malgré lui (5 réalisations). Et si sur le terrain, il régale l’assemblée, il sait se faire courtiser également à l’extérieur du stade. Libre en juin, il suscite des convoitises. Le Lierse veut le garder mais le joueur attend les propositions avant de trancher. Même si son c£ur lui dit de partir tenter sa chance plus haut.

 » J’ai reçu une nouvelle proposition du Lierse mais je dois encore y réfléchir. Je me retrouve à un moment très important de ma carrière. J’ai 28 ans et si je veux tenter ma chance plus haut, c’est le moment. Je ne me vois pas jouer toute ma vie pour un club du subtop. J’ai lu dans les journaux qu’Anderlecht s’intéressait à moi mais ils ne m’ont pas encore contacté. C’est un club qui a décidé de montrer un football technique et cela me convient très bien. Mais si les dirigeants ne me contactent pas, c’est qu’ils n’ont pas besoin de moi « .

Est-ce déjà fermer la porte à une suite de carrière en Belgique ?  » Je veux grimper un palier supplémentaire. En Belgique, je ne vois que Genk, Bruges, Anderlecht et le Standard capables de répondre à ces critères. Mais je dois prendre en compte tous les paramètres. Ainsi, je crois que l’horizon est bouché au Standard tant il y a de bons joueurs offensifs. A Bruges, cela me fait un peu peur quand je vois des joueurs techniques comme Jonathan Blondel ou Alin Stoica sur le banc « , ajoute-t-il.

Quant aux rumeurs d’un retour au Brussels, non loin de son domicile, il les balaie d’un revers /  » Je ne pourrai retourner au Brussels qu’en fin de carrière. Quant aux autres clubs, s’ils me sollicitent, je réfléchirai mais je ne manquerai pas de leur rappeler qu’ils m’avaient jugé trop court il y a trois ans « .

Mitu ne prendra sa décision qu’en janvier après avoir soupesé toutes les propositions. Sans intermédiaire. Après s’être fait rouler par un manager roumain, Ion Becali, il a décidé d’assumer seul sa destinée sportive et à supporter toutes les conséquences que cela suppose.  » Becali était également le manager de plusieurs joueurs de la sélection nationale. J’ai été titulaire dans toutes les sélections de jeunes mais je n’ai jamais reçu ma chance en équipe A. C’est à se demander pourquoi alors que je dispute 32 matches par saison. Mais voilà, certains joueurs doivent être mis en vitrine avant d’être vendus à l’étranger. Il suffit de regarder l’équipe actuelle. Malgré tous les bons éléments qui évoluent dans les championnats étrangers, l’équipe nationale est représentée majoritairement par des joueurs du championnat roumain « .

 » Je suis plus présent dans les 16 m et plus frais pour conclure  »

Pourtant Mitu a compris que le meilleur moyen de se faire remarquer demeure la qualité des prestations. En prenant en charge le jeu du Lierse, il a parfaitement rempli son rôle en ce début de saison. Au point d’oublier qu’il était médian défensif sous l’ère Ferrera.

 » Lorsque Paul Put est arrivé, il a proposé aux joueurs deux systèmes de jeu et nous a demandé de choisir la place préférée de chacun. J’ai inscrit la position de médian défensif même s’il ne s’agissait pas de ma position favorite mais j’y avais évolué durant deux saisons. Quand Put a vu cela, il a déchiré le papier et m’a dit que ce temps-là était révolu et m’a expliqué qu’il voulait que je joue plus près des avants, voire comme deuxième attaquant. Et cela fonctionne. Je peux bouger partout sur le terrain et demander beaucoup de ballons. Avec Emilio Ferrera, on disposait de deux milieux défensifs. Je ne devais pas sans cesse défendre comme le faisaient Karel Snoeckx et parfois Marc Schaessens mais j’ai quand même dû apprendre à le faire. Je descendais très bas dans le jeu. Ferrera me demandait de bien me positionner et de défendre. Comme Put, il pensait que je devais apporter plus offensivement mais cela n’était pas possible de jouer si bas et d’apporter un plus offensif. Désormais, je peux me concentrer sur ma tâche offensive. Je suis plus présent dans les seize mètres et plus frais pour conclure. Cependant, je dois marquer plus souvent puisque je constitue en quelque sorte le deuxième attaquant. Si on analyse mes cinq réalisations, il y a quand même deux penalties « .

Marquer plus de buts tout en gardant la qualité, tel sera son nouvel objectif. Car il veut continuer à rechercher la perfection dans le geste :  » Je n’ose pas encore agir comme les autres attaquants. Certains frappent au but dès qu’ils en ont la possibilité. Parfois, cela réussit. Souvent, cela échoue. Moi, je ne tente ma chance que quand je le sens bien. Si j’ai le choix entre un shoot de vingt mètres et une passe tranchante, je choisirai la passe. Mais quand j’opte pour la frappe, c’est souvent très beau comme contre Mons « .

Son pied gauche fait souvent la différence et il le sait :  » Je sais presque tout faire du gauche sauf accélérer en voiture (il rit). Par contre, mon pied droit ne me sert pas beaucoup. A certains moments du match, cela me handicape et je me dis û Ah,si j’avais un bon pied droit…  »

Le Lierse a décidé de bâtir son occupation du terrain en fonction de son magicien roumain :  » On joue en 4-4-1-1 ou en 4-3-3 dans nos périodes offensives. L’apport des flancs est prépondérant. Adolph Tohoua et Laurent Delorge peuvent faire la différence car ils peuvent compter sur leur vitesse. Ils me permettent également de me libérer du marquage. Je sais aussi comment leur délivrer des assists. Paul Put est un entraîneur qui met l’accent sur le jeu offensif et physique avec un pressing continuel. On marque beaucoup mais on encaisse encore trop. Je crois qu’au final, on pourra revendiquer une place dans les sept premiers car on a réussi de bonnes performances mais on a perdu de bêtes points notamment à la maison contre St-Trond (0-1) et Charleroi (1-1) « .

La rançon de la gloire

Dans le jeu, tout transite par Mitu, ce que commencent à comprendre les adversaires qui surveillent désormais le catalyseur du jeu lierrois :  » J’ai lu dans les journaux que Charleroi avait mis sur pied un dispositif anti-Mitu. Certes, ils sont repartis avec un point mais si on analyse le match, on aurait dû gagner 5-0. Je ne comprends pas comment cette équipe est parvenue à la 4e place. Et franchement, je ne trouve pas que leur dispositif ait marché. Certes, j’avais continuellement Badou Kere sur mon dos et celui-ci n’a pas cessé de faire des fautes mais j’ai quand même délivré plusieurs belles passes. Malgré les fautes, je suis resté relativement tranquille. J’essaie de ne pas répondre à la provocation même si j’ai déjà récolté quatre cartons jaunes mais chaque fois pour des bêtises (rouspétance, faute de main, trop vite sorti du mur lors d’un coup franc…). Le système du Cercle Bruges (2-2) a par contre bien fonctionné. Mais il n’a pas lésiné sur les moyens. Les Brugeois n’ont pas cessé de faire des fautes sur moi. Milenko Milosevic me suivait partout et ses interventions étaient parfois très méchantes. J’aurais dû prendre des photos de mes jambes à la fin du match tellement elles étaient couvertes d’hématomes. Mon mollet gauche me fait d’ailleurs encore souffrir. Je n’ai pas pu m’entraîner beaucoup dernièrement. Si je continue à maintenir un tel niveau, je serai une cible pour les adversaires mais je suis prêt à assumer car je sais qu’au Lierse, il y a d’autres joueurs qui peuvent faire la différence « .

Plus que les autres années, il commence donc à connaître le revers de la médaille du footballeur tellement insaisissable que l’on n’arrive pas à le stopper proprement. Juste mérite pour un numéro dix qui a commencé à séduire les travées du Tivoli en D2 avant de retourner dans son pays et de revenir, il y a trois ans, frapper à la porte de plusieurs cercles de D1 qui l’ont tous rejeté de la même manière û Nous n’avons pas besoin d’un Roumain inconnu de 25 ans. Après avoir tâté la pelouse de l’US Centre, le club de Promotion de l’entité louviéroise, Mitu se proposait à Freddy Smets, manager du RWDM, qui l’engageait après un essai concluant. Trois ans plus tard, il a pris sa revanche en domptant les pelouses de notre championnat. Il a trouvé ses marques dans notre football mais également dans notre pays au point d’effectuer les démarches de naturalisation. Alors, Mitu bientôt Diable Rouge ?

 » Pourquoi pas ? Je compte bientôt demander ma naturalisation « , répond-il évasivement.  » Je n’attends plus qu’un papier avant de remettre mon dossier. J’ai décidé cela car je me sens très bien en Belgique et que cela faciliterait pas mal de choses. Ainsi, quand ma copine et ma mère décident de venir me voir, elles ne peuvent rester que 90 jours. Dans le cadre d’un transfert à l’étranger, cela peut également me mettre en valeur. Certains championnats deviennent de plus en plus stricts en matière d’extra-communautaires. En obtenant la nationalité belge, j’écarte ce problème. D’après ce que j’ai entendu, le processus dure un an, sauf si on connaît quelqu’un qui peut avancer le dossier (il rit). Je serais très flatté d’intégrer le noyau des Diables Rouges si on faisait appel à moi. Mais je serais confronté à un dilemme si la Roumanie décidait également de s’attacher mes services « .

Stéphane Vande Velde

 » Quand on me sollicitera, je rappellerai qu’on m’a JUGé TROP COURT IL Y A TROIS ANS  »

 » JE CHOISIS SOUVENT LA PASSE mais quand j’opte pour le shoot, c’est souvent un beau but  »

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