Gare à la nuit des zombies !

 » Tous les grands champions sont border line « , confiait le médecin d’un ancien maillot jaune du Tour de France au Nouvel Observateur le 18 mars 2004.  » Les suiveurs de la Grande Boucle connaissent ce sprinter originaire des pays de l’Est, réputé pour ne jamais marcher aussi fort que les lendemains de cuite  » y lisait-on avant de découvrir aussi les affirmations de Fabien Galthié, l’ancien capitaine de l’équipe de France de rugby :  » Pour être performant, il faut être excessif. Dans la préparation, l’organisation, la récupération. Pendant la troisième mi-temps aussi « .

La fête, un célibataire endurci comme le footballeur Sylvain Wiltord ne peut pas s’en passer.  » Quand il jouait chez nous, il faisait le mur pratiquement après chaque match, disparaissant 24 ou 48 à Paris retrouver ses potes « , explique un membre du staff des Girondins de Bordeaux.  » Cela ne l’a pas empêché de finir meilleur buteur du championnat et d’entrer en équipe de France.  » Des propos à prendre avec des pincettes. Entre une sortie entre copains ou une joyeuse troisième mi-temps et la plongée dans les affres de l’alcoolisme, il y a de la marge et des souffrances sur lesquelles on s’épanche plus volontiers dans les cabinets des psys que dans les vestiaires.

En France, le cas de José Touré est édifiant. Footballeur surdoué des années 80, le Brésilien auteur d’un but venu d’ailleurs en finale de Coupe de France craque alors qu’il vient de signer un contrat faramineux à Monaco. Il boit, devient anorexique puis tombe dans la coke. Monaco le jette. Il jette sa famille et se réfugie dans les nuits de Saint-Tropez. Il finit quasi-SDF à Tours. Sa carrière, naufragée dans les paradis artificiels, n’aura duré que dix ans.

En 1994, Touré évoque tout cela dans son autobiographie ( Prolongations d’enfer, EditionsLattès) :  » J’étais dans la catégorie des impuissants de l’alcool et de la dope. Je n’étais qu’un de ces bidons de baudruche créés par les médias et classés dans la sous rubrique mondaine au rang du spectacle sportif, un zéro du show-biz, un abruti de l’espèce de Mickey Rourke, ou Mike Tyson. Un type manipulé, sans tête ni entourage à la mesure d’un destin trop lourd à porter. (…) J’avais l’alcool médiocre, il me laissait le plus souvent dans le caniveau qu’il ne provoquait en moi des créations admirables. J’étais un poivrot pour qui les portiers, les taxis et les barmen avaient un petit sentiment, entre la pitié et le chagrin, de voir un type pareil se déchirer ainsi et se vomir dessus, sans faire avancer d’un poil l’humanité. (…) J’étais devenu un clochard de luxe, squattant à droite à gauche, opportuniste et pas reconnaissant. (…) C’est chez une femme que j’ai puisé la force de me dire que je devais arrêter. Un peu d’amour et l’épave que j’étais avait à nouveau envie de reprendre un sillage normal. Mais on ne sort pas facilement de la nuit des zombies.  »

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