Gardiens de la paix

Ils ont échangé leur poste mais n’en restent pas moins amis. En attendant, le DT aimerait  » utiliser d’anciens joueurs dans l’organigramme ou dans le staff. C’est une fonction qui irait très bien à Cédric « …

Quand on évoque le sujet des gardiens à Mons, on marche sur des £ufs.  » Le sujet est sensible « , nous dit-on à l’Albert. Le préparateur des gardiens, Philippe Vande Walle, refuse même d’évoquer les qualités techniques de ses deux protégés, de peur d’être embarqué vers quelque chose qui le dépasse.

Pourtant, difficile de passer à côté du premier couac de communication de la bonne surprise de ce début de saison. En plaçant Cédric Berthelin sur le banc, à Saint-Trond,  » parce qu’il était moins adapté au terrain synthétique « , l’entraîneur Dennis van Wijk ne s’est pas facilité la tâche : cela revenait à se tirer une balle dans le pied. Face au Cercle, le voilà donc confronté à un sérieux dilemme. Suivant sa logique, s’il remettait Berthelin, une fois de retour sur un terrain classique, il montrait à Olivier Werner qu’il ne comptait pas plus que cela sur lui. Et surtout, il faisait mentir l’adage : Never change a winning team, puisque le RAEC Mons avait signé sa première victoire à l’extérieur avec Werner dans les buts. D’autre part, s’il confortait l’ex-Eupenois dans les buts, le coach montrait que l’excuse du synthétique n’en était pas vraiment une. Il a pourtant choisi cette dernière option.

Phase 1 : l’achat d’Olivier Werner

Pour comprendre la complexité de la situation, il faut remonter au mois de juillet lorsque Mons décide de se doter d’un deuxième gardien fameux : Olivier Werner. Celui-ci restait sur une très bonne saison à Eupen et sur papier, il avait des arguments pour écarter Berthelin de son rôle de titulaire.  » Nous l’avons acquis car il s’agissait d’une très bonne opportunité « , explique le directeur sportif montois, Dimitri Mbuyu.  » Il est encore jeune et dispose de beaucoup de talent. Or, nous n’avions qu’un seul bon gardien. Dans le foot actuel, on se doit de doubler les postes.  »

Mais Werner pouvait-il se contenter d’un rôle dans l’ombre ?  » Je le connais depuis quelques années et il est devenu plus stable « , continue Mbuyu.  » Mais je dois être clair et honnête : on ne l’a pas pris pour qu’il reste sur le banc. Il a montré en Coupe de Belgique qu’il regorgeait de talent et tout le monde savait que sa chance allait venir. Il a trop de talent pour se satisfaire d’un rôle de numéro deux. « 

Cette arrivée mettait une pression supplémentaire sur Berthelin. La préparation débutait et au moment de l’entame du championnat, les deux gardiens se tenaient de très près.  » Quand Oli a signé à Mons, je me suis dit – Houlà, ça va être chaud ! « , explique le gardien français.  » Puis, avant le premier match, l’entraîneur est venu me voir et il m’a dit – On est monté avec toi, on commence en D1 avec toi.  »

Phase 2 : le bon début de championnat de Berthelin

Berthelin saisissait sa chance à deux mains et s’inscrivait comme élément essentiel dans le bon début de compétition des Dragons.  » Beaucoup m’avaient enterré avant le début de championnat. Certains avaient dit que je n’avais pas le niveau de la D1 alors que je compte quand même plus de 140 matches à ce niveau. Finalement, j’ai joué tout le premier tour et je retiens plus de positif que de négatif. J’ai l’impression d’avoir fait gagner plus de points à mon équipe que je n’en ai fait perdre. Et surtout, je me suis éclaté. Je me suis fait plaisir et c’est pour cela que j’ai dit que cela me faisait chier de retourner sur le banc car j’ai encore envie de jouer en D1. « 

Pourtant, si Berthelin avait reçu le dossard numéro un et accumulait les bonnes prestations, la donne n’avait pas changé. A terme, Werner était programmé pour prendre sa place. Il fallait simplement trouver le bon moment, tout en instaurant une concurrence saine sans décourager l’ex-Panda.

 » Cette situation, je la sentais arriver depuis le début « , avance Berthelin.  » La pression, je l’avais et je savais que si je passais à travers, je pouvais faire une croix sur la suite de la saison. Finalement, avec le recul, je me dis que j’ai quand même disputé tout le premier tour, ce que je ne pensais pas. Mais Werner a signé pour trois ans. Il s’agit d’un pari sur l’avenir et si tu prends les choses dans l’ordre, il y a une certaine logique dans le fait qu’il devienne titulaire. « 

De son côté, Werner n’a pas été surpris par la tournure des événements.  » J’avais signé pour trois ans. Il ne s’agissait donc pas de partir après six mois, d’autant plus que je me sens bien à Mons. Je me préparais chaque semaine pour pouvoir jouer. Je travaillais sans rechigner et quand l’entraîneur m’a annoncé que je débutais à Saint-Trond, j’étais content et prêt. Quand je suis arrivé à Mons, je l’espérais mais je savais qu’il y avait un gardien d’expérience déjà en place et qu’il avait activement participé à la montée. S’est instaurée alors entre nous une bonne concurrence. Il faut dire que je m’entends très bien avec Cédric. « 

Phase 3 : l’excuse du terrain synthétique

Oui mais voilà. Depuis quelques semaines, Berthelin n’était plus aussi souverain.  » Je connaissais une période de fatigue ; oui, clairement « , reconnait-il.  » A l’entraînement surtout. En match, avec l’adrénaline, ça s’oublie vite. Cependant, je m’attendais à connaître un petit coup de moins bien. J’avais disputé 40 matches la saison dernière et à cause du tour final, je n’avais eu que 15 jours de vacances.  » Honnête de sa part même si c’est davantage sa prestation à Westerlo qu’une quelconque fatigue qui semble avoir fait pencher la balance.  » La fatigue ? Je n’ai pas remarqué « , avoue Mbuyu.

Van Wijk profite du déplacement à Saint-Trond pour tester Werner. En utilisant donc l’excuse synthétique.  » Ça m’a touché. Je ne suis pas un bleu et j’avais compris qu’il s’agissait d’une excuse bidon. Sur ce coup-là, je crois que le coach a réalisé qu’il n’avait pas été d’une grande finesse. J’aurais préféré qu’il me dise que comme cela ne fonctionnait pas à l’extérieur et voulait tenter un électrochoc. J’aurais trouvé cela logique, d’autant qu’on sentait qu’il souhaitait essayer quelque chose. Il avait également lancé Benjamin Nicaise. Imaginons maintenant que Mons construise un synthétique : cela signifie que je ne peux plus jouer ? J’ai préféré sa réaction la semaine suivante, lorsqu’il nous a pris à part, Oli et moi et nous a dit qu’Oli commençait le match. Là, il a été clair.  »

 » Ce n’est pas à moi de juger si l’excuse était valable « , affirme pour sa part Werner.  » Le coach avait ses raisons. Que ce soit le terrain synthétique ou autre chose. « 

 » Après coup, on peut toujours dire que la communication n’a pas été parfaite et ce n’est pas à moi à dire si l’entraîneur a fait de bons choix « , dit Mbuyu.  » Mais ce que l’on sait, c’est que comme les deux gardiens se respectent énormément, cela n’a pas fait plus de vagues que cela. « 

Phase 4 : la pression sur Werner

Werner reçoit donc aujourd’hui la chance de montrer ses qualités. Comme au Brussels, à Tubize et Eupen, il a commencé sur le banc. Comment expliquer le fait qu’il ne débute jamais la compétition mais qu’il la termine toujours dans la peau d’un titulaire ?  » (Il rit) Je ne peux vous donner la réponse. Je travaille et je ne m’avoue jamais vaincu. Je ne me repose jamais sur mes lauriers mais il faut remettre chaque situation à sa place. A Eupen, je suis rentré dans une équipe qui luttait pour son maintien alors que Mons avait déjà trouvé son rythme de croisière.  »

Ce manque de clarté de van Wijk lui a également mis beaucoup de pression.  » Mais je vis très bien cette situation « , clame-t-il.  » Comme je suis dans les goals, je ne vois pas pourquoi je la vivrais mal. La pression et la concurrence ont toujours fait partie du métier de gardien et je ne vois pas pourquoi j’aurais plus à perdre que les autres années. Au contraire, à partir du moment où je joue, j’ai tout à gagner. Je vais pouvoir montrer mes qualités. « 

La prise de pouvoir de Werner signifie-t-elle la disgrâce de Berthelin ?  » Je ne pense pas « , explique l’ex-gardien de Mouscron,  » Je ne crois pas que le choix de l’entraîneur soit malhonnête. Il n’a pas décidé de mettre Werner parce que c’était un jeune et qu’il fallait préparer l’après-Berthelin. Il l’a fait pour le bien de l’équipe. J’ai vu un journal titrer – Mons ne compte plus sur Berthelin. On en reparlera dans quelques semaines. J’en ai discuté avec l’entraîneur qui m’a assuré qu’il avait toujours confiance en moi, qu’une blessure ou un coup de moins bien était vite arrivé et que je devais continuer à tout donner aux entraînements. C’est un discours qui me plaît. Evidemment que cela m’énerve de retourner sur le banc car si tu es content d’une telle situation, tu peux changer de métier. Mais je sais qu’Oli est un très bon gardien et que s’il n’avait pas montré autant de talent, l’entraîneur n’aurait pas agi de la sorte. De plus, ce n’est pas à 34 ans que je vais commencer à faire des histoires. Quand Oli était remplaçant, il n’a rien dit sur moi. Pourtant, il avait les boules. Cela se voyait mais il a mordu sur sa chique. Quand j’ai appris qu’il allait commencer à Saint-Trond, j’ai été le premier à lui envoyer un texto pour le féliciter, l’encourager et lui dire de saisir sa chance.  »

L’avenir de Berthelin se situe donc à Mons. Il lui reste encore un an et demi de contrat.  » Il est loyal, était demandeur de revenir à Mons après son passage à Mouscron « , conclut Mbuyu.  » On doit donc le garder à Mons. En disant de lui que c’est un monument, c’est peut-être un peu exagéré mais c’est certainement quelqu’un qui porte Mons dans son c£ur et j’aimerais soumettre l’idée au président d’ajouter des anciens joueurs dans l’organigramme ou dans le staff. C’est une fonction qui irait très bien à Cédric quand il aura mis un terme à sa carrière. « 

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Werner a trop de talent pour se satisfaire d’un rôle sur le banc.  » (Dimitri Mbuyu)

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