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Maarten Vandevoordt, le gardien en 3D

Un sphynx. Sensationnel pour un ado. Le Manuel Neuer belge. Maarten Vandevoordt, c’est tout ça. La carrière du gardien de Genk a démarré à du 100 km/h.

Pendant qu’ Arkadiusz Milik fait la fête avec Dries Mertens après un but inscrit rapidement, Maarten Vandevoordt regarde loin devant lui. De la main gauche, il ajuste son gant droit et repense à l’erreur qu’il vient de commettre. Naples mène 1-0 et c’est de sa faute. Quelques jours plus tôt, il avait fait une talonnade pour piéger Alimami Gory, du Cercle, mais cette fois, il a cédé à la pression de Milik et Mertens. Sur le banc, le signal d’alarme retentit. Combien de temps faudra-t-il au gamin de 17 ans pour se remettre de son erreur? Guy Martens analyse l’attitude de son poulain et se rassure tout de suite. « Son regard disait: je m’en fous. J’ai commis une erreur, mais je me concentre sur le ballon suivant. Un gardien ne peut jamais se focaliser sur une erreur, il doit immédiatement penser à la phase suivante. C’est à ça qu’on reconnaît les grands. »

Maarten Vandevoordt est encore meilleur lorsqu’il se met la pression.

Finalement, Milik signe un hat-trick et Genk souffre. Vandevoordt aussi. À 17 ans et 287 jours, il devient le plus jeune gardien de l’histoire de la Ligue des Champions. Le record précédent appartenait à un autre Belge: Mile Svilar, avec 18 ans et 52 jours. Vandevoordt tire cependant les bonnes conclusions de la soirée. Il se jure de ne plus prendre de risques lorsque la situation exige d’envoyer le ballon en tribunes. « Plus tard, j’ai reparlé à Maarten de l’incident contre Naples », dit Martens. « Je lui ai tout de suite dit qu’il ne jouait plus en équipes d’âge et qu’au plus haut niveau, il fallait oser dégager. À Naples, ils avaient vu des images de sa feinte contre le Cercle et il l’a payé cher. Je lui ai demandé d’en tenir compte. Surtout au début d’un match, quand les joueurs sont encore concentrés à 100% sur leur travail défensif et gênent le gardien adverse. »

ÉTAT D’ESPRIT OFFENSIF

Vandevoordt a appris à relancer proprement depuis tout petit, à la Jos Vaessen Talent Academy. À Genk, chez les tout petits, on ne travaille plus avec des gardiens fixes. Chacun passe un certain temps au but, tour à tour. Le entraîneurs décèlent ainsi ceux qui ont du talent et, surtout, ceux qui n’ont pas peur de se salir les mains. Les futurs gardiens de Genk acquièrent ainsi le bagage technique et physique d’un joueur de champ. Lorsque Martens a vu ce grand échalas de Vandevoordt à l’oeuvre pour la première fois, en U14, il a tout de suite remarqué certaines choses, comme son attitude proactive, son état d’esprit offensif et sa position de faux libero. À un certain moment, il défendait même à hauteur de la ligne médiane, comme Simon Mignolet. La confirmation de l’exceptionnel talent de Vandevoordt est venue lors d’un tournoi auquel prenaient aussi part l’Ajax et le PSV. « L’entraîneur des gardiens de l’Ajax est venu me voir et a montré Maarten du doigt. C’est qui, ce gamin? Maarten l’avait frappé parce qu’il jouait haut et avait des qualités offensives. Ça ne pouvait que plaire aux Néerlandais. On a donc dû le protéger. De nombreux clubs étrangers se sont intéressés à lui – d’autant que Genk a bonne réputation en matière de gardiens – mais son agent et le club ont mis au point un bon plan de travail pour qu’il reste ici. »

Au fil des années, l’adolescent de Brustem (une commune de Saint-Trond) a suivi le trajet classique de ses prédécesseurs: Logan Bailly, Sinan Bolat, Koen Casteels, Thibaut Courtois… À quinze ans, il a accompagné l’équipe première en stage d’hiver, puis a eu sa place dans le noyau A. L’objectif était de le laisser mûrir tranquillement puis de le titulariser peu avant ses vingt ans. « Le fait que Maarten s’entraîne dès l’âge de quinze ans n’était pas dérangeant », dit Martens. « Lors des exercices de tirs au but, les anciens savent bien quand ils peuvent jouer avec les pieds du gardien. Mais ils ont respecté Maarten, comme d’autres l’avaient fait avec Courtois et Casteels, également arrivés très jeunes dans le noyau A. Quand on montre qu’on a du talent, on est vite accepté par le groupe. »

Avant, il y avait quelques spécimens parmi le gardiens, mais aujourd’hui, un showman n’aurait plus sa place en D1A. »

Guy Martens

La marque de fabrique du Limbourgeois, c’est qu’il est imperturbable. C’est pourquoi on le surnomme Le Sphynx. Même avant ses débuts en Champions League, il ne s’est pas affolé. Certaines personnes craquent sous la pression parce qu’elles ont peur d’échouer. Lui, il est encore meilleur quand il se met la pression. Il n’est pas non plus exubérant, il ne dégage pas le ballon n’importe où et ne shoote pas dans le poteau de son but. Vandevoordt est l’inverse des gardiens fous comme Oliver Kahn, Peter Schmeichel, Gábor Király, Bruce Grobbelaar, René Higuita ou José Luis Chilavert, qui assuraient le spectacle avec le sourire. « Un gardien doit avant tout être efficace », répond Martens quand on lui dit que les bons gardiens n’ont pas toutes les frites dans le même sachet. « C’est vrai qu’il y a eu quelques spécimens par le passé, mais le métier a tellement évolué qu’un showman n’aurait plus sa place en D1. Les gardiens doivent être bien formés sur les plans technique et tactique. En fait, ils doivent être bien plus polyvalents que leurs équipiers. »

LE SUCCESSEUR DE NEUER

Les médias ont écrit que Vandevoordt était le nouveau Courtois, mais cette comparaison ne tient pas la route. Il est plutôt le successeur de Manuel Neuer. Comme lui, il voit tout ce qui se passe devant lui en 3D. Le plus important pour être un gardien 3D, c’est le placement, la lecture du jeu, la prise de décision et l’action. Selon Martens, Vandevoordt et Neuer sont très forts en matière de placement et de lecture du jeu. « Ils savent où se trouvent le ballon, les adversaires et les défenseurs, ce qui leur permet de se placer. Parfois, Maarten n’a plus qu’à cueillir le ballon, mais c’est parce qu’il était très bien placé. Pourquoi? Parce qu’il lit bien le jeu. Il attaque le ballon, il veut toujours être le premier dessus. »

Vandevoordt ne regarde pas beaucoup de matches à la télévision. Par contre, après l’entraînement, il reste toujours un peu pour entraîner les attaquants sur les phases arrêtées. « Ils aiment tirer au but sans être observés par l’entraîneur et aiment avoir un élément de jeu. C’est ce que Maarten préfère. Pour lui, le football est encore un jeu où on prend du plaisir. »

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