Gardien du temple

Les Diables Rouges ont retrouvé leur portier après l’opération cage ouverte à Zagreb.

L’homme est intelligent et cache sa méfiance derrière ce sourire qui l’a toujours rendu sympathique. Geert De Vlieger n’est pas une star, n’aimerait guère vivre, dit-il, avec la pression qui repose presque nuit et jour sur les plus grandes icônes de sa génération, DavidBeckham et Zinedine Zidane en tête.

Il est vrai que Willem II, formation grise du championnat de Hollande, n’est pas l’Hollywood du football international. Le gardien de but de l’équipe nationale pèse ses mots. Après la débâcle croate, il aurait pu bomber le torse et s’affirmer indispensable. Mais Geert De Vlieger n’est pas du style à profiter des malheurs d’autrui. La presse s’épancha longuement sur un thème à la mode après le manque d’assurance de FranckyVandendriessche à Zagreb. Le 4-0 a été inscrit en grande partie à son passif.

« C’est trop réducteur », affirme Geert De Vlieger. « Tous les gardiens font des erreurs au fil de leur carrière. Moi, d’autres, tous. Ce fut, durant deux ou trois jours, le grand thème abordé par tous les médias. La presse a retrouvé tous les gardiens internationaux d’antan. Mais, eux aussi ont vécu l’une ou l’autre soirée à oublier au plus vite. On ne l’a pas ajouté à la suite de leurs commentaires à propos de Francky Vandendriessche « .

Geert De Vlieger n’a pas trop apprécié qu’on sorte tous les anciens de la naphtaline. Il ne l’a pas énoncé mais s’est certainement souvenu des cauchemars de Jean Nicolay contre la Hollande le 4 octobre 1959 (9-1), de la mauvaise soirée de Christian Piot face aux mêmes Bataves (5-0) le 25 avril 1976, des hésitations de Théo Custers lors d’un Belgique-Pologne (3-0) le 28 juin 1982, de la bourde de Michel Preud’homme contre la Macédoine (1-1) le 16 novembre 1994, de la faute de Gilbert Bodart contre le Danemark (1-3) le 6 septembre 1995, du raté de Filip De Wilde contre la Turquie (2-0) le 19 juin 2000, etc.

Belgique, terre de gardiens?

Stars ou petits soldats: à chacun ses soucis d’un soir. Mais n’empêche, le premier but encaissé par Vandendriessche à Zagreb a posé un problème régulièrement vérifié: la Belgique est-elle encore une terre de grands gardiens? « A mon avis, nous avons joué de malchance en Croatie », avance Geert De Vlieger.  » A l’issue de l’entraînement du vendredi, là-bas, mon tendon d’Achille me torturait et j’ai déclaré forfait. Il se fait que Frédéric Herpoel, ma doublure habituelle, était également sur le flanc. Il était logique, dans ces conditions, de faire appel à Francky Vandendriessche. Et le fait que Mouscron encaisse beaucoup de buts est un autre débat. Quelle est la responsabilité de Francky dans ces avalanches? Il m’est arrivé, moi aussi, de me retourner plusieurs fois face à l’un ou l’autre ténor du championnat de Hollande. Je ne pense pas qu’il y ait un problème de gardiens de but en Belgique. Nous avons beaucoup de jeunes prometteurs: Gillet, Mardulier, Proto, Deelkens, Bourdon, Stijnen, etc. Mais, en général, on ne leur offre pas assez de temps de jeu. C’est un poste à responsabilités, certes, mais pour en être digne, il faut jouer. Or, quand la situation se corse un peu, les clubs font souvent appel à un gardien plus mûr ou à un étranger. Ma chance, c’est d’avoir pu apprendre mon métier durant cinq ans à Beveren. Au Freethiel, on ne m’a pas expédié en Réserve après une mauvaisesoirée. Cette confiance vaut tout l’or du monde. A ce propos, les clubs manquent de vision. Ainsi, en Belgique, leprêt d’un jeune joueur n’est pas entré dans les moeurs. Or, le déclic peut passer par un séjour dans un club moins huppé. Quand il revient vers son point d’ancrage, après avoir vécu dans un autre environnement, le gardien est différent, plus complet, plus expérimenté. Dimitri Habran vit cela à Malines mais il n’est plus tout jeune, c’est différent « .

Geert De Vlieger n’explique donc pas la cruelle défaite de Zagreb par le seul Francky Vandendriessche. Il affirme mordicus que la Croatie n’était pas certaine de son sujet au repos. Il prétend même qu’un petit but belge aurait démonté la mécanique d’ OttoBaric. Cette vision ne cache-t-elle pas une autre réalité? Les Belges savaient-ils tout des Croates? Il répond par l’affirmative. « Je sais à quoi vous pensez… », avance-t-il. A une espèce de méconnaissance du dossier croate, à une apparente ignorance d’éléments décisifs comme la forme olympique de Milan Rapaic? Geert De Vlieger balaye tout cela d’un revers de la main. « Non, la Croatie, on connaît… », dit-il. « Nous l’avions déjà affrontée lors des qualifications pour la Coupe du Monde. A Bruxelles et à Zagreb, nous n’étions pas parvenus à bouger cette équipe. Cette fois, la Bulgarie et la Croatie ont été meilleures que nous. Il faut savoir le reconnaître. A 1-0, dès le début du match, elle jouait sur le velours. Pour elle, c’était le scénario idéal. Une égalisation aurait compliqué son problème. A 2-0, et c’est là que c’est plus inquiétant, tout s’est écroulé. La Belgique n’a plus trouvé les ressources morales afin de redresser la tête ».

Le mystère Van Buyten

Les flancs explosèrent en mille morceaux, Timmy Simons devint un fantôme dans une ligne médiane orpheline d’ YvesVanderhaeghe, le duo Joos ValgaerenDaniel Van Buyten ne brancha plus l’antivol, le trio d’attaque s’envola en fumée. Mais c’est surtout la paire Big DanMcValgaeren qui en prit pour son grade. Simons doit-il revenir au centre de la défenseou rester dans la ligne médiane? Pourquoi Van Buyten éprouve-t-il parfois plus de peine à s’imposer en équipe nationale qu’à Marseille? De Vlieger estime qu’un match à oublier ne peut suffire à douter de la complémentarité de Daniel et de Joos. Daniel adore jouer avec un général àMarseille ( Frank Leboeuf) mais il a souvent brillé sans son vieux poisson-pilote. Mystère? De Vlieger lui-même ne peut-il pas être le big boss de la défense belge? Pour le gardien de but des Diables, rétabli de sa blessure au tendon d’Achille, le plus difficile est souvent de passer d’un entourage habituel (tout y est réglé comme du papier à musique) à l’univers des Diables Rouges où les événements se précipitent sans le train-train rassurant de la vie de club. Un exploit reste plus longtemps gravé dans les mémoires. Un moment difficile aussi. Les Diables Rouges devront répondre à pas mal de questions face à la Pologne, ce mercredi, avant de se rendre en Bulgarie. Le gardien du temple reste très calme et ne se met pas martel en tête: sera-ce encore le cas à Sofia?

Pierre Bilic

 » Il ne faut pas mettre la défaite de Zagreb sur le compte du seul Vandendriessche »

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