« Gaone voulait me garder »

Le coach français -l’ex-sauveur- s’en va. Sans haine, mais…

Le Druide conserve des partisans dans la cité des Loups. A Gand, au soir de la défaite qui précipita son départ, la direction du club se trouva devant l’obligation de rameuter les stewards afin d’éviter que les supporters ne réservent un mauvais sort aux joueurs. Quelques jours plus tard, lors de la joute insipide disputée contre Lommel, les pensionnaires de la tribune debout scandèrent son nom sur l’air des lampions. Lorsque d’autres le découvrirent attablé au coeur d’une brasserie du centre commercial, ils le saluèrent de loin. Ou l’apostrophèrent afin de marquer leur sympathie. Oui, Daniel Leclercq reste chez lui à La Louvière. Pour preuve, il nous fixe rendez-vous en face du stade! Sans peur et sans reproche? Ainsi se présente-t-il. Même si dans le vestiaire, des langues se délient, lui se refuse à désigner des coupables.

Vous savez que des joueurs évoquent une relation haineuse à votre encontre?

Daniel Leclercq: Pas tous, je peux vous le dire. Non, pas tous. De la haine! Pourquoi?

Ils vous reprochent une attitude hautaine, irrespectueuse.

Alors je me demande pour quelles raisons plusieurs d’entre eux m’ont appelé. N’importe quoi. Je n’accepte pas. Comme c’est parti là, je ne vous dirai pas qui car cela pourrait mettre les intéressés en porte-à-faux par rapport à la direction. Hormis ce que j’ai baptisé le noyau dur, la majorité a apprécié le travail effectué en ma compagnie. La majorité, soit 90%. Même Didier Xhardez et Rudy Moury m’ont passé un coup de fil. Vous savez, je ne vous rencontre pas pour vous raconter des conneries. Sinon, j’allais à la pêche.

A ce jour, la majorité en question paraît avoir basculé. Domenico Olivieri, un garçon loyal s’est épanché dans ce sens.

Domenico peut dire ce qu’il veut, cela ne change rien. Je l’apprécie énormément pour sa correction. Toutefois, j’ai constaté un changement de comportement dans son chef. Sans doute est-il éteint. Accablé par ce qui se passait.

« Plus heureux de venir au stade »

Oui, mais on voit mal son intérêt à s’en prendre à vous alors?

Puisqu’il faut y aller, je vous raconte: à la mi-temps de Gand, j’ai recalé quelques petites choses. Des détails car l’organisation était pas mal. J’ai tenu un discours positif. Fait d’encouragements. Mon job accompli, je suis sorti. Domenico a pris la parole. Il a balancé un grand coup de poing sur la table et a traité ses équipiers de fainéants. Significatif, non?

Première nouvelle. Les joueurs prétendent que vous les avez totalement démotivés.

Quoi! Ce jour-là? Non, on arrête l’interview. Plus la peine de discuter.

Justement, n’est-ce pas le moment de donner votre version des faits?

En France, les gens disent -Quand on veut se séparer de son chien, on dit qu’il a la rage. Excusez-moi, j’ai fais une gaffe. Je viens encore de parler de la France…

Les derniers temps, étiez-vous heureux en arrivant au stade et par conséquent en mesure de communiquer de l’enthousiasme?

Plus vraiment. Content de boire mon café au secrétariat. Ensuite moins. Il y a des gars qui s’y entendent pour bloquer une situation. La laisser fermenter pour qu’elle pourrisse. Comment voulez-vous vous amuser dans de telles conditions? Impossible. Quel a été mon tort? Demander du sérieux afin de progresser et ainsi contenter un comité, une population?

Il semblerait que les membres de l’équipe aient eu du mal à s’exprimer. Qu’ils avaient peur de vous.

Qu’attendez-vous de moi? Que voulez-vous? Rédiger un article à scandale? Je suis pas ainsi, moi. Je le répète, la mauvaise influence du noyau dur a gangrené le climat. Alors, oui, de crainte d’être repris de volée par les anciens, certains se sont murés dans le silence. La mauvaise humeur aidant, tout s’est déglingué.

« Je n’ai jamais critiqué publiquement X ou Y »

La critique fait partie intégrante des composantes d’une profession publique, mais vous êtes très susceptible, quand même.

J’accepte la critique dès qu’elle est justifiée. Ainsi, j’ai commis une erreur au moment de la préparation. Je le reconnais. Il aurait été préférable de travailler davantage dès la reprise.

Autre pièce au dossier: vous vous plaignez du cadre, néanmoins vous avez donné votre aval concernant les transferts.

N’enfoncez pas le clou. Je m’en veux assez à ce sujet. Oui, j’ai eu tort de cautionner certaines arrivées. Cela me coûte cher. Eux sont toujours au Tivoli. Pas moi.

A qui faites-vous allusion, finalement?

Jamais, vous m’entendez, jamais depuis le 7 juillet, je n’ai émis publiquement la moindre aversion envers des personnalités précises. Et j’ai protégé le collectif, par rapport à diverses pressions me conseillant de reprendre un mec versé dans le noyau B. Ou engager X qui prendrait le poste de Y. Je vous mets au défi d’exhiber une preuve me contredisant. Par contre, oui, j’ai relevé l’absence de détermination. Egalement l’évaporation de valeurs s’étant trouvées à la base du sauvetage. Merde à la fin! Ma manière de manager tend à valoriser mes troupes. Raison pour laquelle je n’évoquais que très rarement l’adversaire. L’importance du résultat ne devait pas devenir une obsession à mes yeux. Non! Par contre, en jouant bien, les points allaient tomber. Donc je prônais de soigner la manière au lieu de ne penser qu’à l’enjeu. Cela peut paraître surprenant, pourtant c’est comme ça. Par contre, lorsque l’esprit n’est pas bon, tout devient très, très dur.

« Des problèmes avec les payements de Ouédec et Rivenet »

Que s’est-il passé entre vous et Nicolas Ouédec? Il se chuchote qu’il ne veut plus vous parler. Que vous l’auriez pris en otage, lui bourrant le crâne à propos de prétendus complots dont il serait la victime.

Je comprends. Je situe l’origine de ces ragots. Lorsque Nicolas est arrivé, dans le vestiaire, devant tout le monde, je l’ai mis en garde. Lui demandant notamment de se montrer prudent vis-à-vis d’une certaine presse. C’est cela le prendre en otage? Bizarre. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise. J’ai même lu que Ouédec prétendait dans les colonnes d’un quotidien que je ne voulais pas son arrivée. Quelqu’un est allé lui dire que je ne le souhaitais pas. Il y en a qui sont réellement capables de tout. Pourquoi ai-je pris la défense de Nicolas Ouédec et d’Arnaud Rivenet? Parce qu’ils étaient critiqués. Simplement. Rien à voir avec leur nationalité. D’ailleurs, on ne parle ni de Scalia ni de Dias. Eux aussi sont Français à ce que je sache. Cherchez l’erreur. Ouédec et Rivenet étaient mes chouchous parce que je leur amenais L’Equipe chaque matin? Puis, je vais vous dire, oui, ils me faisaient de la peine notamment parce que le club n’honorait pas leurs contrats!

Vous évoquez les primes de transferts ou les salaires?

Les deux. Il y a des retards. Et ils ont avancé de leur poche les frais de déménagement. A qui téléphonait le manager des garçons? A Leclercq. Qui supportait les menaces du style -Attention, s’ils ne sont pas défrayés, je les emmène dans d’autres clubs? Leclercq encore. Ces frictions génèrent une spirale négative.

« Un manque de considération »

Quand vous dites que trop de peaux de bananes se glissaient sous vos pas, vous faites allusion à ces manquements?

Oui. A autre chose également. Mettez-vous un instant à la place d’Ariel Jacobs. Imaginez-le après le 0-0 contre Lommel. Il s’assied à une table en compagnie de Jean-François Lecomte, Alain Roland et Roland Louf. Quelques mètres plus loin, il me voit papotant avec Jean-Claude Verbist et deux administrateurs. Vous croyez que cela lui plairait? Cette scène-là, à l’envers, je l’ai vécue contre le Lierse. Exactement ça! Pas à dire, ça fait plaisir. Ça donne confiance en l’avenir. Faut vivre des moments pareils. Les joueurs ont-ils pensé à cela? Parfois, il faut regarder autre chose que sa gueule pour traiter les autres avec considération. Prenons Alan Haydonck. Lui, il passe de la pommade en disant -Maintenant avec Ariel Jacob, il y aura une justice. Putain, j’ai pas été juste avec ce mec que j’ai conservé contre vents et marées alors que tous les quinze jours on me disait qu’il n’avait rien à foutre au sein du groupe?

Concernant l’attitude du président Gaone, il y a de quoi se poser des questions. Les larmes aux yeux, il nous exhibe fièrement le contrat que vous venez de signer et quinze jours plus tard il dit que reprendre vos Français en partant serait formidable! En avez-vous discuté depuis?

Lui et moi, de commun accord, avions décidé de tenter de créer un choc psychologique en annonçant mon départ. Dans l’intimité du vestiaire. Sans débordements extérieurs. Dès qu’on lui tend le micro, il s’emballe. Oubliant le réel objet de cette manoeuvre. Le lundi matin, je me trouve au poste. Je lui fait part de mon mécontentement. Du fait que je m’en vais réellement. Là, il me scie en me demandant de revenir sur cette décision. Je suppose qu’il prétendra le contraire. Je l’affirme: il m’a demandé de rester. Trop tard.

Vous est-il arrivé ces derniers temps de penser à Marc Grosjean?

Oh oui! Souvent. Je comprends mieux ce qui lui est arrivé. Je peux vous dire que ses grands amis d’aujourd’hui n’étaient pas ses amis d’hier si vous voyez ce que je veux dire. Ceux qui l’encensent à présent ont été les premiers à me dire qu’il était temps que j’arrive car ça ne pouvait plus continuer. Je n’ai pas relevé le mot. Ecouter des propos semblables revient à prétendre que rien n’a été fait auparavant. Faux, bien entendu.

Daniel Leclercq, pour se quitter sur une note souriante, parlez-nous un peu de votre Jaguar!

Ah, ma Jaguar. Bien qu’on l’évoque. D’autant que ce n’est pas ma Jaguar. Je m’apprête à la rendre. Voici l’histoire: nous allions jouer à Beveren. Dans la région, après le lunch, en me promenant j’ai apprécié une vieille Jaguar. Purée, quelle voiture! Quelqu’un a rapporté ce fait au président. Fin de saison, alors que nous venions d’assurer notre maintien, Monsieur Gaone vient me trouver en me demandant si j’aime les Jaguar. Il m’a alors proposé d’en choisir une, ce que j’ai fait en compagnie de Jean-Claude Verbist. Notez cela pouvait aussi bien être une Mercedes. Seul problème, là il fallait patienter durant six mois. Toujours avec Jean-Claude, nous nous sommes rendus chez Jaguar à Namur. Une, dont la couleur m’a fait flasher était disponible et voilà.

Daniel Renard

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