« Gaone se voile toujours la face »

L’attaquant camerounais ne mâche pas ses mots.

Le conflit opposant Filippo Gaone à Jean-Claude Verbist a fait des métastases. Du sommet de la pyramide, le cancer est descendu dans le vestiaire. Exit Dominique Cuvelier, coupable d’entretenir des relations avec les déshérités. Exit Alain Roland, coupable d’on ne sait trop quoi. Pendant ce temps, Jean-Jacques Missé Missé, le plus présent des Loups la saison dernière (33 matches) se trouve projeté en Réserve. Sans autre forme de procès.

L’international camerounais vit mal cette situation. Raison pour laquelle, il sort de sa réserve. Lui, parfois distant, pour ne pas dire hautain, n’y va pas par quatre chemins.

Connaissez-vous la cause de votre renvoi sur une voie de garage?

Jean-Jacques Missé Missé: Non. Pas la moindre idée. Le nouveau coach ne m’a rien dit. Comme je ne suis pas allé pleurer dans son bureau, je me trouve en pleine expectative. J’estime que le parcours que j’ai accompli me permet d’exiger un minimum de respect. J’attends des explications.

N’est-il pas normal qu’un arrivant compose son équipe d’après ses propres critères? Et tant pis pour celui qui n’entre pas dans ses plans finalement…

Je suis d’accord. Le problème n’est pas là. Je me trouve dans la position d’un gamin de 18 ans, attendant qu’on lui expose ce que l’on attend de lui. L’ancienneté se respecte dans le foot. Si La Louvière n’a plus besoin de moi, que la direction m’en informe. Je prendrai d’autres dispositions.

Etes-vous encore motivé à l’idée de poursuivre votre chemin au Tivoli?

Si je m’entraîne, c’est que je veux jouer. Ma motivation demeure intacte. Je demande juste une information concernant mon avenir. C’est tout.

L’équipe tourne?

Maintenant, l’équipe s’est mise à tourner, remportant des victoires face au Standard et St-Trond. Il n’y avait donc aucune raison pour qu’Ariel Jacobs change son fusil d’épaule.

Mise à tourner? Faut resituer ces succès dans le contexte. Si le Standard avait joué contre nous comme il l’a fait par la suite, je pense pas que La Louvière aurait gagné, hein. Quant à St-Trond, il a évolué en dessous de sa valeur. Tant mieux évidemment.

Vous êtes injuste. Lors des visites du Lierse et d’Alost, La Louvière a semblablement affronté des rivaux en petite forme. Sans pour autant en prendre la mesure…

Oui, mais Benoît Thans jouait ces rencontres! Depuis Gand, il n’est plus là… Autre constatation, des équipiers galopent à présent. Je n’ai vu aucun médecin distribuer des pilules miracles, cependant. Pourquoi ceux-là n’avançaient-ils plus quand Daniel Leclercq était là?

Justement, pourquoi?

ll y avait un problème. Certains ont influencé l’ensemble du groupe pour l’empêcher de jouer.

C’est une accusation fort grave que vous portez. Imaginez un peu qu’en fin de saison il vous manque un ou deux points pour assurer le maintien…

Les saboteurs ne pensent à rien. Ni à l’entraîneur, ni aux supporters. Vous savez, si dans quinze jours ils en ont marre d’Ariel Jacobs, ils feront ce qu’il faut pour qu’il saute. A l’issue du présent championnat, les plus âgés partiront. Ils n’en auront plus rien à foutre. Par contre, les jeunes se retrouveront en D2.

Leclerq n’était pas un dictateur

Vous ne considériez pas Daniel Leclercq à la manière d’un dictateur?

Attendez, attendez! Vous croyez que Robert Waseige, Georges Leekens, Luka Peruzovic et Henri Depireux ne se montrent pas exigeants? Logique que nos patrons sportifs soient sévères. Sinon, c’est l’anarchie. En France dès le bas âge, on inculque aux joueurs l’esprit professionnel. Par contre, les Belges adorent quand on laisse couler. Je vous assure qu’avec Waseige, celui qui ratait son match le week-end passait une semaine difficile. Il vous ridiculisait devant le groupe. Vous charriait sans cesse. La réaction que nous avions à Charleroi tendait à lui démontrer qu’il avait tort de se comporter de la sorte. Nous serrions les poings. De rage. Avec la motivation de lui fermer le caquet. Il avait réussi son coup car nous nous sortions les tripes.

Daniel Leclercq a-t-il connu la même mésaventure que Marc Grosjean?

A votre avis! Derrière le dos de Marc, il s’en trouvait plein pour se plaindre de lui. En aparté, les meneurs distillaient sans cesse des phrases assassines du type: -Il n’a pas le niveau pour entraîner en première division.(…) -Il faut absolument changer quelque chose. Pas joli.

Une fois l’entraîneur n’a pas le niveau et il est trop gentil, une fois il a le niveau et il est trop méchant… N’importe quoi en fin de compte.

Les gars auxquels je fais allusion seraient sans doute heureux si le coach les emmenait faire du karting une semaine puis jouer au bowling les jours d’après…

Maintenez-vous des contacts avec Daniel Leclercq?

Oui. Et alors?

Rien. C’est mal vu semble-t-il.

Je ne cache pas mes amitiés

Vous savez, je vois encore de temps en temps Marc Grosjean. Lorsque Peruzovic passe en Belgique, il m’appelle. Idem concernant Georges Leekens. Ou est le problème? Je dois masquer mes amitiés? Pas question!

En tant qu’ancien, vous portez pareillement une responsabilité dans le marasme régnant au sein du vestiaire. Votre aura vous permettait d’intervenir. De faire valoir votre point de vue. Or vous ne l’avez pas fait.

J’ai parlé avec des jeunes. Leur sort me préoccupait car ils doivent se construire un avenir. S’ils se sont laissé influencer, alors ils n’ont rien compris. Cela les suivra toute leur carrière. Que des gamins n’arrivent pas à situer l’ampleur de l’apport de Daniel Leclercq est grave. Tant pis pour eux.

Justement, Ariel Jacobs a largement fait ses preuves avec l’équipe belge des Espoirs.

Mais je me demande s’il se montre aussi adroit envers des garçons confirmés… Dans mon cas, je regrette qu’il ne me respecte pas. Je suis prêt à écouter ses raisons. Il m’a sorti à la mi-temps de Charleroi. Depuis, rien.

La réalité est que vous formez vraiment un groupe difficile à gérer. Les Loups ne sont jamais contents!

Non. Je ne peux pas vous laisser dire. Le collectif n’est pas négatif. Il suffit d’en retirer des brebis galeuses. J’en ai parlé avec le président. Avec Louf. Tous ceux qui sont passés au Tivoli le savent. Y compris Michel Bertinchamps, lequel y faisait récemment allusion dans les colonnes de votre magazine. Jusqu’à quand Monsieur Gaone se voilera-t-il la face? Le club payera l’addition. Tôt ou tard.

Trop de mauvais esprits

Actuellement, on tire facilement sur Manu Karagiannis. Pourtant, il n’a pas évolué sous les ordres de Marc Grosjean… et ne pouvait nullement faire partie des « brebis galeuses ».

Manu, c’est autre chose. Il est venu après. Karagiannis a intégré le noyau dur. A cet égard, son arrivée n’a rien arrangé. La présence de tant de mauvais esprits me tracasse. Je suis inquiet pour La Louvière.

Et vous? Une réputation de mercenaire et de gars peu fidèle à sa parole vous colle à la peau. Quelle valeur peut-on accorder à vos propos? Ils sont peut-être uniquement dictés par des préoccupations personnelles?

Arrêtez. Quand j’ai choisi La Louvière, j’étais en contact téléphonique avec Oberhausen. Jean-Claude Verbist peut en témoigner. Je m’apprêtais à signer en Allemagne. Un mercenaire aurait opté pour l’argent. Je pouvais aussi poursuivre en Grèce, à Ethnikos. Je disposais d’une année de contrat supplémentaire, dix fois supérieur à mon salaire louviérois. Vous appelez cela un comportement de mercenaire? Moi, je ne crois pas. Deuxième point, je n’ai aucune parole parce que je n’aime pas me lier à un seul manager? Je travaille avec ceux qui souhaitent m’aider. Il faut toujours avoir plusieurs cordes à son arc. Les agents recherchent le profit financier. Il n’y a que cela pour les motiver. Ça ne me dérange pas, pour autant qu’ils bossent réellement. Je ne vois aucun inconvénient à bien rémunérer celui qui me trouve un bon contrat. Par contre, sous le prétexte de parapher un bail d’exclusivité, je refuse d’être pieds et poings liés chez un imprésario qui ne s’impliquera pas.

Vous n’avez pas atterri dans la région du Centre uniquement par amour de la couleur verte, quand même!

Des raisons familiales, notamment l’accouchement de mon épouse, ont pesé dans mon choix.

Qu’espérez-vous à l’issue d’une interview aussi dure?

Une entrevue avec Ariel Jacobs. Et jouer. Au Tivoli ou ailleurs. Que dois-je faire: Rester? Attendre? La direction doit prendre ses responsabilités. Plusieurs personnes ont mis le doigt sur un même problème. Les vrais fauteurs de trouble sont identifiés. Ce n’est quand même pas à moi à distribuer les bons de sortie. Que les décideurs décident avant qu’il ne soit trop tard.

Je pense au public

Votre discours devient réellement pesant.

Je l’assume. J’en ai d’autant plus de mérite qu’au départ, je suis loin d’être l’homme de Leclercq. Lors de son arrivé des équipiers, toujours les mêmes, ont colporté des ragots à mon sujet. Notamment un qui, à l’époque, s’installait dans le bureau du coach tous les matins. Le Français s’est rendu compte que je valais mieux que la mauvaise personne qu’on lui dépeignait. Je dérange car je suis souvent le plus fort. Cela génère des jalousies. Mon but, contrairement à certains, n’est pas de me retrouver régulièrement dans les pages sportives. Papoter pour faire du vent, me pousser devant les caméras, pas mon genre. Lorsque j’estime avoir quelque chose à dire, je prends mon temps. Je réfléchis à la teneur des propos que je vais tenir.

Avez-vous la révolte au coeur?

Incontestablement. Les joueurs ne sont que des numéros. Des marchandises. Mon plus grand respect concerne le public. Personne n’a le droit de le tromper en fonction de ses propres intérêts. Notre travail est un jeu, un hobby. Arrêtons de nous plaindre. Les pauses en usine demandent un autre caractère. Il n’empêche que des dirigeants nous exploitent. Cela arrive. Alors, il faut se taire sous peine de se retrouver à la rue.

Une telle situation vous attend peut-être dans les jours à venir.

La saison dernière j’ai été le plus régulier. Il ne faut pas avoir la mémoire courte. Sans prétention, je prétends avoir été partie prenante dans le maintien. Le vent a tourné. Si une cassure définitive intervenait, je bouclerais mes valises. Destination un championnat étranger. Toutefois, je réitère l’avertissement. A force d’écouter de faux prophètes, La Louvière subira une terrible punition.

Daniel Renard

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire