Gand: « Le jeu est mental à 50% »

Voici pourquoi le football de Patrick Remy est garant de résultats.

Le parcours actuel des Buffalos est impressionnant. Le moment d’opérer quelques constats.

Patrick Remy semble être devenu plus calme, mais également plus calculateur. Vrai ou faux?

Patrick Remy: Vous ne me connaissez pas bien. Je suis d’un naturel réservé mais je suis toujours disponible. Toutefois, je n’aime pas être à l’avant-plan. Je suis entraîneur. Le patron de mes joueurs. Je n’ai de secrets pour personne. Je suis et je reste un maniaque du détail mais j’ai appris à relativiser. J’ai certainement modifié ma philosophie de vie et de travail, ne serait-ce qu’à cause du changement de mentalité des jeunes. Même Guy Roux doit en tenir compte. Et puis, regardez le drame qui s’est produit aux Etats-Unis. C’est dans des moments pareils qu’on comprend que la vie, c’est bien davantage que le football. Le professionnalisme ne doit pas vous détourner de la collégialité et de l’amitié. Après notre victoire à Mouscron, nous sommes sortis tous ensemble. C’était une fête à tout casser. Il ne faut pas rater les bons moments de la vie.

Je ne suis pas d’un naturel rancunier. J’ai même l’esprit large. D’après ma femme, j’ai un caractère difficile mais il faut savoir passer l’éponge. J’ai un principe sacro-saint: j’agis en fonction des seuls intérêts du club. C’est ma grande fierté.

Alexandros Kaklamanos et Anders Nielsen ont été repêchés pour résoudre le problème offensif. Pourtant vous aviez ayant longtemps demandé des renforts dans ce compartiment…

Alex et Anders constituent des exceptions, qui prouvent que rien n’est jamais définitif en football. La situation d’Alex était simple: il a signé pour deux ans la saison passée mais durant l’été, il était seul maître de son avenir. Il avait donc le droit d’effectuer un test en Angleterre. N’ayant rien trouvé là-bas, il est revenu chez nous. Nous avons eu un long entretien très positif. A mes yeux, il reste un élément intéressant. Il m’a remercié de ma confiance à sa façon. Il savait que je ne voulais et ne pouvais lui promettre quoi que ce soit.

Le cas d’Anders est différent. J’ai vu un joueur avec des yeux neufs. Je sélectionne toujours le meilleur onze du moment. Je ne le connaissais pas très bien car la saison passée, il est parti très vite à Chypre. Il était souvent blessé et devait faire un choix. Anders prouve maintenant que le football reste une affaire de mental, à 50%. Pourquoi un joueur est-il la révélation d’une semaine et qu’il n’est nulle part sept jours plus tard? Parce que quelque chose ne va pas, entre son physique et son psychisme. Anders s’est refait un mental, même s’il ne joue pas encore à sa meilleure place.

Je continue à rechercher un bon ailier droit, capable de délivrer de bons centres. L’équivalent de Gunther Schepens mais plus puissant. Gaby Mudingayi est un grand en puissance dans l’entrejeu mais Aldo Olcese et Jérôme Lempereur sont trop légers. Nous manquons de moyens financiers et le club ne veut enrôler que des joueurs qui apportent une plus-value. Je connaissais quelqu’un mais il a passé le cap des trente ans et il est trop cher. Ce n’était pas la peine d’en discuter.

La Gantoise l’emporte souvent par le plus petit écart et le résultat prime sur généralement le spectacle…

Bien jouer, c’est gagner. Un entraîneur professionnel qui affirme le contraire ment. A quoi bon livrer un spectacle hebdomadaire si vous êtes dernier? Ce n’est quand même pas l’objectif du football. Il faut s’appuyer sur une bonne organisation défensive pour marquer. Ce n’est pas aussi évident que ça en a l’air. Que veulent les supporters? Que leur équipe gagne. C’est tout. Le reste est de la littérature. Je remarque que mon équipe parvient mieux à conserver un résultat. C’est notre principal progrès. Il est plus facile de marquer sur les phases arrêtées et en contre? Mes joueurs comprennent maintenant que les huit à dix secondes qui suivent la reconquête du ballon sont les plus importantes. Elles sont la clef d’un succès éventuel car à ce moment, l’adversaire est désorganisé.

Je n’ai jamais établi d’occupation fixe du terrain. Deux principes comptent: jouer en zone et aligner des ailiers. Nous évoluons généralement en 4-3-3 mais l’année dernière, nous avons livré nos meilleurs matches en 4-2-4. Un 4-1-5, que j’ai testé à St-Trond, semble trop ambitieux pour l’instant. Suite à l’arrivée de Darko Anic, je ne peux plus aligner deux médians récupérateurs. A chaque match, Darko reçoit des consignes défensives précises mais ce n’est pas son point fort. Nénamoins, il faut que quelqu’un joue en soutien du centre-avant.

L’éclosion des jeunes ne se déroule pas encore sans heurts.

Qu’y puis-je si certains joueurs ont reçu des contrats de longue durée? La Gantoise n’émarge pas encore à l’élite et ne participe pas chaque année à la Ligue des Champions. A l’avenir, un noyau de seize à dix-huit joueurs complétés par cinq à six jeunes devra suffire. J’avais l’intention de reprendre dans le groupe des jeunes comme Verbist et Verbrugghe mais auparavant, nous devons nous séparer de quatre ou cinq autres.

J’ai dû faire preuve de compréhension à l’égard de la philosophie du club. Il est mon employeur, après tout. Sa vision n’est pas nécessairement la mienne. Soit. Il ne faut pas espérer que tous les jeunes soient de nouveaux Hossam. Ça arrive à peu près une fois tous les huit ans. En tout cas, je n’ai pas le moindre pourcentage sur les transferts.

Vital Borkelmans et Eric Joly, le vice-capitaine, sont écartés. Il semble difficile de conserver leur motivation et leur meilleure forme, non?

C’est justement là que leur professionnalisme doit se faire remarquer. Nous ne sommes pas Anderlecht, où la moitié du noyau est mécontente quand elle ne joue pas. Le football, ça bouge. Nous avions besoin d’un arrière gauche et d’autres joueurs sont actuellement plus forts qu’Eric. Voilà la réalité d’aujourd’hui.

Mais la saison est encore longue. Je compte encore sur Vital et sur Eric. Il se pourrait très bien qu’ils soient dans l’équipe la semaine prochaine. Ils comprennent qu’on ne joue pas avec onze joueurs mais avec un noyau. Chaque semaine, j’ai onze joueurs contents et six vraiment très déçus. C’est la logique même. Il n’y a pas d’autre possibilité.

Les joueurs doivent me prouver qu’ils sont les meilleurs à l’entraînement. La concurrence est saine. C’est à eux qu’il appartient de me causer des problèmes, car c’est moi qui opère les choix définitifs. Je ne peux pas faire plaisir à tout le monde. J’essaie parfois de discuter avec eux. Ma porte est toujours ouverte, même si je remarque qu’ils préfèrent que ce soit moi qui aille vers eux. Mais pas trop car ça peut être mal interprété. Et ça, il faut l’éviter à tout prix.

Frédéric Vanheule

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