GALA DES ARTISTES

Douze ans après sa dernière apparition à ce niveau, Galatasaray rêve à nouveau des demi-finales de la Ligue des Champions. Histoire d’un club ambitieux qui, depuis sa création, aspire à faire partie de l’élite européenne mais qui, voici quelques années, avait fait faillite.

A la tombée de la nuit, les habitants d’Istanbul aiment se laisser bercer par le Bosphore, ce bras de mer qui sépare l’Europe de l’Asie. Par beau temps, les deux rives offrent une vue magnifique. Des pétroliers géants se rendent de la mer Méditerranée vers la mer Noire. Des terrasses des quais, le coucher de soleil est superbe. Dirk Kuijt aime y déguster un poisson dans son restaurant favori, sur la rive asiatique. Le luxueux appartement de Wesley Sneijder, côté Europe, a aussi vue sur mer. La métropole de quinze millions d’habitants est également le seul endroit de la planète qui permette de passer de l’Europe à l’Asie pour moins d’un euro. Pendant la traversée, le bateau longe la seule île du Bosphore. Un drapeau jaune et rouge y flotte fièrement au vent. C’est celui de Galatasaray.

Le seul club au monde à posséder une île

Le quart de finaliste turc de la Ligue des Champions est, jusqu’ici, le seul club au monde à posséder sa propre île. Coincée entre deux continents, elle abrite notamment un restaurant, un night-club, une piscine et un casino. Jusqu’il y a six ans, elle n’était accessible qu’aux membres et aux joueurs. Aujourd’hui, c’est une destination populaire pour les plus nantis et les touristes qui aiment y manger et sortir. Son nom a déjà changé plusieurs fois mais les gens du coin l’appellent « Ile de Galatasaray.  »

Le centre sportif Florya Metin Oktay est un petit bijou. Il se situe à vingt bons kilomètres du centre-ville, loin du chaos. Florya est une banlieue résidentielle entre l’aéroport et la mer de Marmara. Il n’est pas facile de pénétrer dans le complexe. Dès que l’entraînement commence, le portail d’entrée se referme et des gardes surveillent consciencieusement le trafic.

Dans le grand hall d’accueil, impossible de louper l’énorme photo rappelant la victoire du club en Coupe de l’UEFA. C’était en 2000. Avec Gheorghe Hagi, Hakan Sükür, Hasan Sas, Claudio Taffarel et Gheorghe Popescu, Galatasaray avait éliminé le Borussia Dortmund, le Real Majorque, Leeds United et Arsenal. Ce succès avait renforcé les ambitions du club et dicte toujours la voie à suivre aujourd’hui.

Après avoir conquis la première Coupe d’Europe de son histoire, le club qui compte dix-huit titres turcs à son actif pensait bien faire définitivement partie de l’élite et la direction et a dépensé sans compter. Les joueurs ont obtenu des contrats mirifiques et le club a transféré des dizaines d’étrangers de valeur, même s’il ne pouvait en aligner que trois par match. Une politique irresponsable qui a creusé un trou énorme dans les finances.

Cet hiver, outre Wesley Sneijder (cinq millions d’euros par an), Galatasaray a également engagé Didier Drogba (4 millions par an). Avant cela, il pouvait déjà compter sur le Brésilien Felipe Melo, l’Espagnol Albert Riera, l’Ivoirien Emmanuel Eboué, l’Uruguayen Fernando Muslera ainsi que sur les vedettes locales Hamit Altintop, Selçuk Inan et Burak Yilmaz.

Un président richissime installé à Bruxelles

Etonnant pour un club qui, voici quelques années, était en situation de faillite technique ! On peut donc se demander d’où vient cet argent frais. L’arrivée à la présidence, voici deux ans, du richissime Ünal Aysal (71) a tout changé. Cet ancien étudiant du lycée de Galatasaray (1961) dirige Unit Group, un géant de l’énergie dont le siège est installé à Bruxelles. Selon le dernier relevé de la revue Forbes, Aysal fait partie des cinquante personnalités turques les plus riches. Son capital privé est estimé à 800 millions de dollars.

Lors de sa première saison, il a acquis des joueurs pour seulement 24 millions d’euros mais cette année, il a délié les cordons de la bourse jusqu’à 90 millions. Son premier fait d’armes en tant que président fut d’installer Fatih Terim à la tête de l’équipe. Terim, un mythe à Istanbul, était l’entraîneur de la formation qui avait remporté la Coupe de l’UEFA en 2000, mais Frank de Boer l’avait un jour traité de mégalomane et affirmé qu’il était nul sur le plan tactique. Car Terim peut être très dur envers ses propres joueurs s’ils ne mouillent pas leur maillot. Plusieurs d’entre eux l’ont appris à leurs dépens. Lorsqu’il entraînait l’AC Milan, il avait interdit l’entrée du vestiaire au tout-puissant Silvio Berlusconi. Quelques semaines plus tard, il faisait ses valises.

Même en Turquie, où on s’excite pourtant très vite, Terim est considéré comme quelqu’un d’explosif, incapable de rester assis. Les boutons supérieurs de sa chemise détachés, il vit littéralement le match avec ses joueurs et son surnom, l’Empereur, force le respect. Mais Terim est également un père pour ses joueurs. En 2000, l’esprit de camaraderie qui régnait dans l’équipe fut le plus gros atout de Galatasaray dans sa conquête de l’Europe. Aujourd’hui, c’est cela que Terim tente de recréer, avec l’aide de quelques joueurs de l’époque : Claudio Taffarel, Hasan Sas, Ümit Davala et Tugay Kerimoglu font en effet partie du staff. Galatasaray est loin d’être une toute grande équipe mais la bonne volonté et l’enthousiasme sont présents. Après la qualification contre Schalke 04, Sneijder et Drogba se ruèrent d’ailleurs spontanément vers leur entraîneur.

Le compte twitter du Gala est suivi par 3 millions de fans

Autre raison de la richesse retrouvée de Galatasaray : le déménagement, il y a deux ans, à la Türk Telekom Arena (coût : 230 millions d’euros). Un stade hypermoderne (le seul de Turquie à posséder un toit rétractile) qui peut abriter 52.000 spectateurs, soit plus du double du vieux stade Ali Sami Yen. Les recettes qu’il génère sont énormes. Les 195 loges sont devenues les vaches à lait du club. Seul Santiago Barnabeu en compte davantage. Si l’on additionne tout, la Türk Telekom Arena a déjà rapporté près de cent millions d’euros au club.

Certes, le financement du stade a soulevé certaines critiques puisqu’il a été assuré par le gouvernement. Autrement dit : par les citoyens, dont beaucoup sont supporters de Fenerbahçe ou de Besiktas. On a également beaucoup discuté d’un artifice boursier utilisé par Aysal. Par le biais d’un vague montage financier, celui-ci gagna encore quelques dizaines de millions d’euros en valorisant une partie des actions du club mais le gendarme de la Bourse ferma les yeux.

Car le club tourne bien. Après quatre ans de disette, Galatasaray a renoué avec le titre de champion de Turquie l’an dernier et il occupe à nouveau la première place de la Süper Lig devant Fenerbahçe et Besiktas. Mais Aysal voit plus loin. Lui, ce qu’il veut, c’est la gloire européenne. L’argent investi dans les transferts de Sneijder et Drogba a déjà été récupéré grâce au merchandising et aux gains de la Ligue des Champions. Sans même tenir compte des quarts de finale, ces derniers s’élèvent déjà à 32,5 millions d’euros cette saison.

L’intérêt pour Galatasaray ne se limite pas à la Turquie. Grâce à la diaspora turque, les matches européens du club sont suivis un peu partout dans le monde, de New York à Berlin. Le club possède sa propre chaîne de télévision qui émet 24 heures sur 24, un magazine et des boutiques. Le compte Twitter officiel du club est suivi par près de trois millions de personnes.

Il n’existe probablement pas de plus gros club de supporters dans le monde que les UltrAslan, fondés en 2001. La marque est d’ailleurs déposée depuis 2003. Il compte des membres parmi les 81 provinces turques et dans plus de 60 pays répartis sur les cinq continents. Voici peu, les supporters ont fait parler d’eux parce que quelques uns d’entre eux avaient tenté de creuser un tunnel sous la Veltins Arena de Schalke, dans l’espoir de pouvoir suivre l’entraînement de leur équipe. Même s’ils n’avaient pas de mauvaise intention derrière la tête, ils furent heureusement repérés à temps par le service de sécurité du club allemand.

Le plus grand et le plus européen des clubs turcs

L’amour que les UltrAslan portent au club est sans limite et ils le prouvèrent voici quelques années en mettant à la disposition du club la licence de merchandising de leurs produits, qui marchaient très bien, afin de l’aider à sortir de ses difficultés financières. Cela rapporta des millions et, aujourd’hui, Galatasaray peut se passer de cette aide extérieure. Et puis, il y a cette mention dans le Livre des Records, dont les supporters sont si fiers : l’an dernier, au cours du derby face à Fenerbahçe, ils ont produit 131,76 décibels, soit autant de bruit qu’un F16 décollant d’un porte-avion.

Galatasaray est le club turc le plus européen. C’est le club de l’élite, des hommes d’affaires et des vedettes. Il compte 16 sections : basket, judo, bridge, volleyball, waterpolo, handball, natation, voile, aviron…, ce qui en fait le plus grand club sportif de Turquie. Il a été fondé en 1905 par un groupe d’étudiants du Galatasaray Lisesi, une université prestigieuse d’Istanbul où on s’exprimait en français et où les intellectuels turcs ainsi que les futurs dirigeants du pays étudiaient. Un drapeau rouge et jaune est d’ailleurs toujours planté dans les jardins devant l’entrée du bâtiment. Ali Samy Yen, le fondateur, avait mentionné que l’objectif du club était de battre  » toutes les équipes non turques.  » Aujourd’hui, les supporters espèrent que leurs artistes feront honneur à ce slogan lors de la double confrontation face au Real Madrid.

PAR SÜLEYMAN ZTÜRK – PHOTOS: IMAGEGLOBE

Fatih Terim avait déjà conduit l’équipe à sa seule victoire européenne, la Coupe de l’UEFA, en l’an 2000.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire