Gagner et espérer

Défenseur à Bruges et milieu de terrain en équipe nationale, il s’acquitte des deux missions à la satisfaction générale.

Philippe Clément s’est affirmé ces derniers mois chez les Diables Rouges. Aimé Anthuenis ne peut que se réjouir de la complémentarité qu’il a trouvée avec lui et la paire Simons-Van Buyten. A quelques jours du dernier match du groupe qualificatif pour l’EURO 2004, et dans l’espoir de décrocher le droit aux barrages, le défenseur brugeois reconverti en joueur d’entrejeu en équipe nationale évalue la situation.

Comment faut-il aborder le match contre l’Estonie ?

PhilippeClément : Avec la plus grande concentration possible, en essayant d’oublier qu’un autre match, tout aussi capital pour notre avenir, se disputera entre la Croatie et la Bulgarie. La seule chose que nous puissions faire, c’est gagner. Le reste ne dépend plus de nous.

Croyez-vous à un possible exploit de la Bulgarie à Zagreb ?

Je serais bien incapable de me prononcer à ce sujet. J’ignore quelles sont les relations entre les deux pays. Je compte sur l’honnêteté des joueurs bulgares. J’y crois d’ailleurs fermement : je ne pense pas qu’un sportif puisse se laisser battre délibérément. La décompression peut jouer dans les deux sens : lorsqu’on est déjà qualifié, on peut avoir tendance à ne pas pousser exagérément sur l’accélérateur, mais on peut aussi se sentir libéré et livrer une très bonne prestation.

Si les Diables Rouges devaient échouer dans leur conquête du Portugal, à qui ou à quoi faudrait-il attribuer la faute ?

Lorsqu’on perd les deux premiers matches contre la Bulgarie et la Croatie, nos deux concurrents directs, il devient très difficile de rectifier le tir par la suite. A fortiori lorsqu’on s’incline 4-0 à Zagreb. Avec un tel écart, il devenait utopique d’espérer inverser la tendance au goal-average. On ne pouvait plus compter que sur un faux-pas de nos adversaires.

Etes-vous d’accord avec ceux qui affirment que le match d’ouverture contre la Bulgarie avait été programmé trop tôt dans le calendrier ?

C’est toujours facile d’affirmer cela après coup. C’est vrai que les Diables Rouges étaient à l’époque en pleine phase de transition, et que le nouveau groupe n’était pas encore parfaitement rodé ; mais si on avait gagné, on se serait félicités en affirmant que c’étaient les Bulgares qui n’étaient pas encore prêts.

Goor, un capitaine exemplaire

D’aucuns estiment qu’il a manqué un véritable leader à cette équipe nationale…

Dans une bonne équipe, il n’y a pas un leader mais 11 leaders. Je pense que c’est également le cas en équipe nationale. Je ne suis pas partisan du concept un leader et dixporteurs d’eau. Je préfère un groupe homogène, au sein duquel chacun corrige ses partenaires.

Une forte personnalité peut parfois être utile lorsque les choses tournent mal : en Croatie, par exemple…

Je n’étais pas présent, je ne peux donc pas en parler.

Bart Goor, le nouveau capitaine, n’est pas un grand bavard…

Ce n’est pas nécessaire, à mes yeux, de dominer tout le monde de la voix. Dany Verlinden et Timmy Simons, lorsqu’ils enfilent le brassard à Bruges, ne se comportent pas différemment. Je considère Bart Goor comme un excellent capitaine en équipe nationale, ne serait-ce que parce qu’il place toujours l’intérêt du groupe au-dessus des intérêts individuels. Il veille aussi à la bonne ambiance dans le groupe et est à l’écoute de ses partenaires. L’ambiance qui règne actuellement chez les Diables Rouges est très bonne. L’entente est parfaite et tout le monde est toujours content de se retrouver. L’amitié est réelle, et il n’y a aucune animosité entre francophones et néerlandophones.

Si l’ambiance est bonne, est-ce le mérite de l’entraîneur ?

Des entraîneurs, dirais-je. Car je m’en voudrais de ne pas associer Eddy Snelders à Aimé Anthuenis. Son rôle est important, il n’a pas son pareil pour créer une bonne ambiance à l’approche d’un match. Il n’y a pas non plus de joueurs au caractère très difficile dans ce groupe, et cela facilite bien des choses. Aimé Anthuenis accorde, je crois, beaucoup d’importance aux qualités humains au moment d’effectuer son choix.

29 ans, c’est tôt pour arrêter !

On constate aussi un flux régulier de joueurs des Espoirs vers l’équipe A : un phénomène relativement récent.

Le passage vers la catégorie supérieure était plus difficile et plus lent autrefois, c’est exact. Lorsque j’avais été appelé pour la Coupe du Monde 1998, j’avais déjà 24 ans et, à l’exception des frères Mpenza, j’étais l’un des plus jeunes de l’équipe. Les trentenaires étaient légion. Aujourd’hui, des journalistes me demandent si je compte arrêter ma carrière internationale, au cas où les Diables Rouges ne se qualifieraient pas pour l’EURO 2004. Je n’ai pourtant que 29 ans. C’est significatif du rajeunissement de l’équipe. Des joueurs comme Thomas Buffel, Jelle Van Damme, Tom Soetaers et Jonathan Walasiak sont promis à un bel avenir.

La formation est-elle devenue meilleure en Belgique ou les joueurs qui s’expatrient plus tôt mûrissent plus rapidement ?

Je crois qu’au cours des dernières années, la collaboration s’est améliorée entre le monde scolaire et le monde sportif. Autrefois, ces deux mondes vivaient dans leur univers respectif et n’avaient aucune compréhension mutuelle. Il était, par conséquent, très difficile de combiner les études et le football. J’en ai fait moi-même l’expérience. La situation a tout de même évolué dans un sens favorable, récemment.

Défenseur à Bruges, médian chez les Diables

Vous jouez comme défenseur central à Bruges et comme demi défensif en équipe nationale, alors que pour Timmy Simons, c’est l’inverse. Comment en est-on arrivé-là ?

Mes blessures ont joué un grand rôle. Au départ, j’évoluais également dans l’entrejeu à Bruges. Lorsque Trond Sollied est arrivé, en 2000, j’étais blessé en début de saison. Timmy Simons a été engagé et a rempli mon rôle de médian à la perfection. L’entraîneur n’avait aucune raison de changer. Lorsque je suis redevenu opérationnel, j’ai d’abord été aligné comme demi… offensif. Cela a bien fonctionné, à la surprise générale dont la mienne, mais c’est finalement comme défenseur axial que j’ai trouvé ma position définitive. En équipe nationale, j’ai aussi évolué comme défenseur axial à l’époque de Robert Waseige. Je me suis blessé juste avant le début de la Coupe du Monde 2002. Il a donc été obligé de trouver une autre solution pour ce poste. Cette solution s’appelait Timmy Simons. Mon coéquipier brugeois a donné entière satisfaction dans ce rôle et Aimé Anthuenis a renouvelé l’expérience lorsqu’il a pris le relais comme coach fédéral. Je n’entrais plus dans ses plans, à ce moment-là, et mon horizon comme Diable Rouge paraissait bouché. Puis, Yves Vanderhaeghe s’est blessé. Il a donc fallu trouver un autre demi défensif. Je me suis affirmé dans ce rôle. C’est ainsi que je suis redevenu international, dans une position différente que celle que j’occupe dans mon club.

Cela ne vous pose aucun problème ?

Aucun. Le plus important, à mes yeux, demeure l’équipe. J’évolue là où l’entraîneur estime que je peux rendre le plus de services. Je crois que Timmy Simons partage le même avis.

Quelle est votre position favorite ?

Sur le terrain ! Pour le reste : que j’évolue en défense ou dans l’entrejeu, peu importe. Je remplis les deux rôles avec le même plaisir. A mes yeux, les différences sont d’ailleurs minimes. Surtout à Bruges. Le Club domine la plupart des rencontres, et par conséquent, le défenseur central est souvent amené à monter d’un cran. Les attaques sont amorcées depuis l’arrière et le stoppeur se trouve à la base de la construction. Ces derniers temps, d’ailleurs, il n’est pas rare que Timmy Simons et moi inversions nos positions respectives. Sans la moindre difficulté. La seule différence, selon moi, est qu’un défenseur central est plus exposé à la critique. Lorsqu’il commet une erreur, elle se paye souvent cash. Lorsqu’un médian perd le ballon, il y a toujours des hommes derrière lui pour essayer de le récupérer. Un joueur d’entrejeu a aussi davantage de chances de s’illustrer dans le sens positif, car il est plus impliqué dans le jeu. C’est, en principe, plus agréable car on peut construire alors qu’un défenseur est principalement voué à annuler l’attaquant adverse sous l’éteignoir. En revanche, un défenseur peut espérer réaliser une plus longue carrière. Chaque poste présente donc des avantages et des inconvénients.

Une meilleure appréciation

On vous a rarement vu aussi affûté…

Je détiens, effectivement, une forme que je n’avais plus connue depuis deux ans à Bruges. C’est dû au fait que j’ai pu effectuer une préparation normale et, aussi, au fait que j’ai pu bénéficier de vraies vacances. Pour un sportif, à certaines périodes, le repos est aussi important que l’entraînement. Pendant deux semaines, disons… dix jours car au-delà de ce délai je ne tiens plus en place, je n’ai rien fait. J’ai simplement pris du bon temps avec mon épouse, mes enfants et mes amis. Puis, j’ai progressivement recommencé à faire du jogging et du tennis. J’étais frais dans mon corps et dans ma tête pour la reprise des entraînements. L’année précédente, en raison de ma blessure, j’ai dû effectuer tout l’été des exercices de revalidation, pour retrouver ma masse musculaire. Je n’ai, en fait, pas eu droit à la moindre interruption, et à un moment donné dans la saison, je me suis senti complètement vidé. Rien de tout cela aujourd’hui : je suis fitandwell. Je crois aussi que mes bonnes prestations en équipe nationale, contre Andorre en juin et contre la Bulgarie, ont amélioré l’image que les gens avaient de moi. Certains redécouvrent Philippe Clément. Ils me voient réaliser des gestes dont ils ne me croyaient pas capables. De ce point de vue, ma position en milieu de terrain chez les Diables Rouges constitue un avantage. Un médian participe à la construction. Un défenseur n’est jugé que sur les… erreurs qu’il commet. Lorsque son opposant direct n’a pas marqué, on considère qu’il a accompli son boulot. En cas contraire, on pointe un doigt accusateur sur lui. C’est plus facile de se faire apprécier comme joueur d’entrejeu.

Un mot sur Bruges, pour terminer ? Le Club a perdu plus de points que prévu en ce début de championnat…

Pour la première fois depuis quatre ans, nous avons été confrontés à un nombre important de blessés. Plusieurs joueurs ont manqué une bonne partie de la période de préparation. Je crois que c’est la principale explication à notre début de championnat hésitant. L’entraîneur a souvent dû bouger certains pions de place. En outre, lorsqu’on a manqué la préparation, on éprouve plus de difficultés à enchaîner les rencontres à un rythme soutenu.

Le groupe a-t-il douté ?

Ce n’est pas dans le caractère des joueurs. Nous avons essayé de trouver des solutions, en concertation avec l’entraîneur, pour améliorer le rendement. L’écart avec Anderlecht est déjà conséquent, mais il n’est pas insurmontable. Je ne trouve pas, non plus, qu’il y a davantage de tensions que d’habitude dans le groupe. L’incident qui a opposé Gert Verheyen à Andrés Mendoza, par exemple, a été grandement exagéré. Il y a eu une discussion, et une petite bousculade, mais rien de plus. Cela arrive dans tous les clubs.

 » Il n’y a pas de leader en équipe nationale ? Au contraire, il y en a onze ! « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire