Futur super-heros

Le jeune gardien garde la tête haute : son apprentissage n’est pas terminé et le meilleur est à venir. Normal à 21 ans…

Le ciel de l’Ascension déverse de grosses larmes sur un stade de Genk en chantier. Pour le Racing, la saison s’est terminée une semaine plus tôt que prévu, après la défaite contre Charleroi mais, malgré l’absence de réel enjeu et la pluie battante, Logan Bailly prépare la rencontre au Brussels avec le même enthousiasme qu’au premier jour à l’entraînement.

Il nous a fixé rendez-vous après la séance,  » vers 11 h 30  » et à l’heure précise, il est au rendez-vous, tout en sueur, pour demander de l’excuser. Le temps de prendre sa douche et d’écouter ce que Hugo Broos a à dire au groupe, il aura une demi-heure de retard. Une démarche qu’on apprécie et qui témoigne du fait que, sous le look jugé parfois extravagant, se cachent des valeurs humaines essentielles. Sans même parler du fait que, cette saison, la Belgique a découvert un gardien talentueux car, pour la première fois, on a davantage parlé de Bailly pour ses arrêts que pour ses coiffures…

Quel bilan tirez-vous de ce championnat ? D’un point de vue collectif, d’abord.

Logan Bailly : Le bilan, il est très, très positif. Notre objectif était de terminer troisièmes et nous sommes deuxièmes. C’est une grande satisfaction pour tout le monde : joueurs, supporters et dirigeants. Il y a eu bien plus de moments positifs que négatifs.

Manifestement, la déception qui a suivi le match contre Charleroi n’a pas été longue.

(Sombre) C’est toujours râlant de perdre comme cela, chez soi, à deux matches de la fin. Mais très vite, tout le staff nous a remis les yeux en face des trous : nous avons été leaders pendant 23 matches sur 34 et nous n’avons jamais été plus mal classés que deuxièmes. Il y a de quoi terminer la tête haute, en effet.

Qu’est-ce qui a fait la différence avec Anderlecht ?

Le noyau, surtout. Le Sporting pouvait sortir, à tout moment, un nouveau joueur à n’importe quelle place, comme ce Dieumerci Mbokani qu’on a découvert à quelques journées de la fin. Sans parler du fait que nous n’avions pas, au départ, de noms aussi ronflants que ceux du Sporting.

Cela risque d’être encore pire la saison prochaine car il y aura la Ligue des Champions.

Oui, il faudra étoffer le noyau pour pouvoir tenir la cadence à six matches par mois au lieu de quatre.

Or, on parle plus de départs que d’arrivées, en ce moment : Sébastien Pocognoli à AZ, Kevin Vandenbergh qui ne sera pas retenu…

Mais on n’est qu’au mois de mai, la direction a le temps de faire les transferts et j’ai confiance. Nous avons aussi des ressources : Goran Ljubojevic a éclaté en fin de saison, Ivan Bosnjak va revenir dans le parcours… Le plus dur sera de remplacer Pockie, un des meilleurs arrières gauches du pays.

Et Thomas Chatelle sera absent pour six mois. Sa blessure a-t-elle déstabilisé le groupe ?

Non. Bien sûr, tout le monde connaît l’importance de Thomas dans notre jeu mais remettre la défaite contre Charleroi sur sa seule absence, ce serait se voiler la face et faire injure à la prestation d’Alex da Silva, qui a livré un bon match.

Votre bilan personnel, à présent : positif ou super positif ?

Positif ! Il y a tout de même eu ces deux matches contre Charleroi et mon erreur à Zulte Waregem. Mais ce qui compte le plus, c’est tout ce que j’ai appris et les grands moments que j’ai vécus.

On a tout de même parlé davantage de vos arrêts que de vos coiffures.

C’est vrai. Avant, on me prenait plus pour un showman que pour un gardien. Cette saison, j’ai prouvé que je pouvais aussi être efficace, que j’avais ma place dans un grand club. Mais je sais que rien n’est gagné, que je dois confirmer.

 » Je n’ai jamais douté de mes qualités  »

Et vous, vous aviez fini par douter de vos qualités ?

Non, jamais ! J’étais bien conscient d’avoir connu une moins bonne passe, notamment avec mon opération au genou. Heureusement, j’ai pu compter sur ma famille et sur mon agent, Yves Baré, pour me re-motiver. C’est pour les remercier que j’ai livré cette belle saison. Tout le monde attendait cela chez moi.

D’autant que, malgré la mise à l’écart de Jan Moons, on n’avait pas l’impression, en début de saison, que vous étiez le numéro un indiscutable. Vous sentiez qu’on vous attendait au tournant ?

Pas vraiment mais, tant que je n’étais pas sur le terrain, je n’étais sûr de rien. Et je savais que je n’avais pas droit à l’erreur, sous peine de retourner sur le banc. Sinan Bolat n’a que deux ans de moins que moi, ce n’est pas grand-chose. D’autant que c’est aussi un très bon gardien. Mon seul avantage sur lui, c’était d’avoir disputé une vingtaine de matches de D1 avec Heusden-Zolder. Cela m’avait permis de me montrer et de savoir, personnellement, de quoi j’étais capable. Evidemment, la pression à Genk est bien plus forte. J’ai réussi à la gérer sans faire appel à personne d’autre qu’à mon entourage immédiat et j’en suis fier.

C’est Bolat qui devait être dans le but lors du dernier match au Brussels. Un cadeau ?

Une idée de l’entraîneur. Cela se fait dans d’autres clubs aussi. Monsieur Broos m’a demandé si j’étais d’accord et j’ai accepté immédiatement car j’aurais aimé qu’on fasse la même chose avec moi. Je n’ai jamais eu cette chance parce que Genk a toujours lutté pour quelque chose jusqu’au bout.

Le titre de Gardien de l’Année, vous y avez pensé ?

Un peu mais je savais qu’Anderlecht allait tout rafler. Comme au Soulier d’Or. Daniel Zitka et moi, nous ne sommes pas du tout les mêmes gardiens. Il a l’expérience, il est plus posé, je suis plus kamikaze. Cela provoque parfois des erreurs mais cela me permet aussi de gagner des points. C’est un très bon gardien mais je ne pourrais pas être comme lui.

Vous avez voté pour lui ?

Je lui ai donné des points mais aussi à Frédéric Herpoel et à Olivier Renard. C’est ce dernier qui m’a le plus impressionné par les progrès accomplis cette saison.

La différence entre vous et Zitka, n’est-ce pas aussi qu’il n’a commis qu’une erreur cette saison ?

Et en plus, on n’en a pratiquement pas parlé parce que ce match, ils l’ont gagné tandis qu’à Zulte et contre Charleroi, nous avons perdu des points. Mais cela ne me dérange pas, ça fait partie de mon apprentissage.

Vous avez tout de même un titre : celui de Mister Football en Flandre, Gouden Stud.

Oui mais on ne peut pas comparer cela au trophée de Gardien de l’Année, hein. Y’a pas photo ! J’espère que ce sera pour la saison prochaine.

Vous figurez tout de même parmi les nominés, ce qui n’est pas mal.

C’est vrai, mais j’en veux plus.

 » Plus on me critique, plus je suis motivé  »

Vous n’avez pas l’impression que votre côté provoc’ nuit encore à votre popularité ?

J’ai toujours été comme cela, je ne vois pas pourquoi je changerais. Et je souligne que je n’ai jamais eu de problèmes avec personne. C’est juste une question de personnalité. Je sais qu’on se pose plein de questions sur moi pour cela mais à l’étranger aussi, les joueurs font beaucoup de défilés de mode. Nous sommes médiatisés à crever, j’ai appris à vivre avec cela depuis le tout début. Et j’ai prouvé sur le terrain que cela ne nuisait pas à mes prestations. D’ailleurs, plus on me critique, mieux je me sens. Je ne dirai pas que j’ai besoin de cela mais je sais que nul n’est parfait.

Vous n’y allez pas parfois un peu fort ? Comme mettre une cigarette en bouche de votre gamine sur une photo de votre blog personnel. C’est même passé à la télé…

Ce blog, on l’a fait comme ça, avec mon frère et des copains. Aujourd’hui, c’est un peu passé de mode et je n’y vais plus jamais. Je ne connais même plus l’adresse exacte. Ma fille Destiny grandit, ma copine a 28 ans,… ce sont des choses qui m’aident à mûrir. J’ai un peu changé de mode de vie, j’ai d’autres occupations. Un vrai site internet ? Non, franchement, ça ne me dit rien. Je sais que des tas de joueurs en ont un qu’ils rentabilisent mais moi, je fais tout ça pour m’amuser, sans but commercial. Y compris les défilés. Bien sûr, on nous sponsorise un peu, on nous donne des vêtements mais ce qui compte, c’est surtout le plaisir qu’on prend à y participer.

Une facette de votre personnalité, c’est aussi de reconnaître publiquement vos erreurs, avant même qu’on vous en parle.

Vous savez : il y a des caméras de tous les côtés du terrain. Alors, ça ne sert à rien de nier l’évidence. Moi, quand je rentre chez moi, je veux pouvoir me regarder dans le miroir. Et puis, je dois être un exemple pour les jeunes. C’est aussi une question d’éducation.

Cela permet également de vous faire respecter : quand vous vous fâchez, personne ne peut vous critiquer puisque vous l’avez déjà fait vous même.

Mes équipiers savent que j’ai un caractère fort et ils me respectent. Mais l’important, c’est aussi le respect que j’impose sur le terrain : je ne me laisse pas bousculer dans mon rectangle et l’adversaire le sait. Du coup, il balance moins de longs ballons et ça soulage notre défense.

Et le Racing Genk, est-il suffisamment respecté ?

Non. Nous avons lutté pour le titre jusqu’à la 33e journée mais, pendant toute la saison, les médias n’ont parlé que d’Anderlecht, du Standard et même de Bruges. C’est vrai que nous n’avons pas des Nicolas Frutos, des Sergio Conceição, des Ahmed Hassan ou des Bosko Balaban mais, avec nos joueurs sans nom, nous avons quand même terminé deuxièmes.

Vous pensez encore parfois à vos années au Standard ?

Oui, mais cela n’avait rien à voir avec ce que je vis maintenant. C’était l’insouciance, la jeunesse, les tournois. Deux années de pur bonheur mais mes plus belles saisons, ce sont les sept ans passés au FC Liège, avec Philippe Boussard, mon entraîneur des gardiens. Un passionné que je ne remercierai jamais assez pour tout ce qu’il a fait pour moi. Si je suis là aujourd’hui, c’est grâce à lui et à Guy Martens, avec qui je travaille maintenant depuis sept ans aussi. Le fait que je joue aujourd’hui en D1, c’est un cadeau pour Philippe.

Vous étiez très jeune lorsque vous êtes parti. Finalement, c’était le bon choix ?

Quand on ne joue pas, comme c’était mon cas la saison dernière, on se pose souvent cette question mais je n’ai jamais regretté d’être venu ici, en tout cas.

 » Je suis quand même dans le top 3 belge !  »

Votre saison n’est pas encore terminée puisque vous allez disputer le championnat d’Europe des Espoirs aux Pays-Bas, du 10 au 23 juin. Vous n’auriez pas préféré Belgique-Portugal et Finlande-Belgique ?

(Manifestement malheureux). C’est le choix du sélectionneur, c’est lui qui décide et ça ne me servirait à rien d’être fâché ou déçu. Etre repris en A, même comme troisième gardien, c’est toujours une fierté. J’étais là au Portugal et je suis prêt à y goûter encore quand on veut.

René Vandereycken a tout de même pris la peine d’expliquer aux journalistes que vous faisiez partie du Top 3 et qu’il ne faisait que vous détacher chez les Espoirs afin de rendre service à cette équipe. Il est rare qu’il se justifie de la sorte.

Oui, c’est vrai que ça m’a fait du bien. Il m’a aussi téléphoné avant même que la sélection ne soit rendue publique, afin de m’expliquer son point de vue. Je suis déçu de ne pas être repris en A, je ne vais pas le cacher, parce que j’ai l’impression d’avoir fait tout ce que je devais pour être à nouveau sélectionné. Mais je suis aussi très heureux de participer à l’Euro des -21 ans, qui est un tournoi magnifique et hyper important pour l’avenir de notre football

Le pire, dans ces conditions, serait d’être sur le banc en Espoirs, non ?

( Il grimace) Ce serait mortel. Mais cela voudrait dire qu’il y a plus fort que moi et que je dois encore travailler pour prouver que la place me revient.

Que peut-on attendre de cette équipe à l’Euro des -21 ans ?

Je crois que nous pouvons aller très loin. Les adversaires qui sont là sont tous bien cotés mais nous avons gagné 1-4 en Bulgarie et mené la vie dure à l’Angleterre ainsi qu’à la France. Alors, pourquoi pas ?

Cela va vous priver de vacances.

Ce sera très court, en effet, puisque Genk reprend les entraînements le 25 juin. J’espère que les internationaux auront congé jusqu’au 2 juillet.

Reviendrez-vous avec une nouvelle coiffure ? Il y a peu, on vous a comparé à David Beckham. Vous ne préféreriez pas qu’on vous compare à Michel Preud’homme ? Il y a tellement longtemps que la Belgique se cherche un numéro un indiscutable.

Vous voyez ! On me parle toujours de mon look. Bien sûr que mon ambition est de devenir, un jour, le numéro un belge mais je ne veux pas brûler les étapes. Je n’ai que 21 ans. Stijn Stijnen en a 23 ou 24, il a été propulsé au sommet mais il a connu des moments difficiles et il en connaît encore. Moi aussi, je sais que j’en aurai. Le grand gardien, c’est celui qui s’en sort.

On connaît vos plus mauvais matches de la saison. Mais quels ont été les meilleurs ?

(Il réfléchit) A Westerlo, à Bruges, à Lokeren… Là, je pense vraiment pouvoir dire que j’ai pris les trois points à moi tout seul. Et heureusement, j’en ai pris davantage que je n’en ai perdu. Mais je ne fais pas les comptes.

Quels points devez-vous encore travailler ?

A 21 ans, il serait dommage que je pense qu’il y a des domaines dans lesquels je ne dois plus progresser. Bien sûr, ma relance à la main, mon jeu au pied et mes sorties aériennes font partie de mes points forts mais, même là, j’ai des progrès à faire. Je suis encore loin d’être un gardien accompli, même si je ne pense pas non plus avoir de gros point faible.

La saison prochaine, vous allez faire vos premiers pas comme titulaire en Ligue des Champions. Un théâtre de rêve pour vous. Y a-t-il une équipe ou un joueur que vous aimeriez rencontrer ?

Non. Je n’ai jamais eu d’idole. Quand j’étais gamin, j’avais des posters dans ma chambre : des joueurs, des voitures… Mais je changeais régulièrement, je n’avais pas d’idée fixe ni même d’équipe favorite. D’ailleurs, je ne songe même pas encore aux poules de la Ligue des Champions. Il y a d’abord deux tours préliminaires à franchir et ces adversaires-là seront aussi difficiles à battre que Milan ou Liverpool.

par patrice sintzen – photos : reporters / hamers

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