Futsal et hand pour comparer

Le top n’est pas toujours le pied. Je me l’étais dit après le Brésil-Espagne du Mondial 2012 de futsal, et je me le redis avant l’Italie-Russie qui a clôturé dimanche l’Euro anversois. Je confesse, regarder du futsal m’excite davantage quand les gars ne sont pas la crème du must de la fine fleur : je préfère un petit niveau convenable où prestent des tripoteurs exclusifs et doués, contre d’autres tripoteurs exclusifs et doués ! D’une part à tendance exhibitionniste : fous de désir de crier au monde avec leurs pieds qu’ils sont techniquement plus fortiches que bien des stars sur pelouse. D’autre part, modérément emballés par la beauté du harcèlement en perte de balle : plutôt sensibles à la stratégie du farniente, péché mignon leur faisant dire bof bof lorsqu’il faudrait coller l’adversaire jusqu’à en vomir ses poumons. Conséquence, on ne se tient pas par la barbichette, on se laisse faire jouette/jouette : dribbles fous, élucubrations gestuelles, une-deux inspirés, triangulations claquant comme des CQFD, frappes supersoniques, buts, buts, buts. Plaisir différent pour le footeux. Sensations complémentaires.

Les kings du futsal savent sûrement faire tout ça aussi, sauf qu’ils le montrent chichement : parce que le tripotage haut de gamme n’est pas leur seul atout. Eux, vomissent aussi leurs poumons pour se replacer, pressent le porteur du ballon comme si leur vie en dépendait, se jettent : contacts rugueux, frappes contrées, balles en touche…pas question de laisser à l’adversaire cet espace de fantaisie que l’adversaire leur refuse ! Joueurs complets, mais conséquence moche : les potentialités esthétiques s’annulent. Joueurs sérieux, avares de leurs gestes à leur corps défendant, pas assez fainéants pour qu’éclosent moult arabesques. Pas plus de prises de risques qu’au foot à onze. Similitude grandissante. Plus de buts, mais pas tant que ça. Sensation de manque. Serait-ce plus spectaculaire en ne prestant qu’à trois contre trois dans le champ ?

Pour que le futsal du top soit une vraie cerise sur le gâteau de notre vrai foot, peut-être devrait-il aller musarder du côté du handball. J’avais toujours trouvé bizarre qu’on veuille jouer au foot avec les mains, mais quinze jours plus tôt, en finale de cet Euro-là, France-Danemark fut une révélation : philosophie de jeu à l’opposé du futsal et du foot, en ce sens que le geste d’exception n’est pas le but…mais le non-but ! En 60 minutes, la France l’a emporté 41-32. Cela sous-entend que quasi toutes les attaques entreprises se terminent par un tir au but, et que 80 % des tirs au but se terminent par un but : buts spectaculaires, via lesquels s’admirent toutes les nuances du vol plané armé ! Comme spectateur néophyte, mon premier réflexe fut de plaindre les gardiens de but : victimes sacrificielles, constamment sollicités, masochistes troués à bout portant à intervalles réguliers (*). Grosse erreur d’interprétation : la vérité est qu’au hand, le keeper est le héros comme l’est le buteur au foot ! C’est lui qui fait la différence dans la mesure où, davantage que son vis-à-vis, il parvient à marquer des arrêts ! Les commentateurs signalent d’ailleurs l’évolution du score de ce match dans le match entre gardiens ; et après une parade victorieuse, le keeper du hand a régulièrement des gestes de buteur triomphant !

C’est ce qu’a réussi Thierry Omeyer face aux Danois, et c’est un boulot de gardien totalement différent : pas de temps mort quand ton équipe attaque, puisque ça redéferlera vers toi l’instant d’après ; réduction d’angle systématique et affûtage des arrêts-réflexes ; pas d’obligation de bloquer la balle (aucune crainte de reprise immédiate et mortelle), mais nécessité absolue d’obstruer un max pour que ça te ricoche sur la carapace ; mental d’airain pour remettre le couvert, même si tu viens de t’en choper six au fond en six minutes ! Excitant. J’aimerais voir Omeyer s’opposer aux frappes de Miguelin, le gaucher espagnol de futsal : à Anvers, le pied de ce dernier m’est quand même resté dans les mirettes…

(*) Ainsi dans son tube « La tristitude » – que je vous recommande vivement – le chanteur Oldelaf avoue avoir souvent flippé lorsqu’il devait s’y coller comme gardien au handball…

 » Au hand, le keeper est le héros comme l’est le buteur au foot.  »

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