Fuoriclasse à la française

Les derniers mois avec la Roma prouvent que le banlieusard parisien n’est pas au foot ce qu’un vulgaire faux Louis Vuitton est à la maroquinerie : un produit de luxe contrefait.

« A-t-on brûlé la génération 87 ? » Voilà ce qu’on pouvait lire un peu partout en France après l’annonce faite par Raymond Domenech de la liste des 23 pour la Coupe du Monde. Pas de traces de Karim Benzema, Samir Nasri, Hatem Ben Arfa ou de Jérémy Menez. Quelques mois plus tard, cette punition est vécue comme une bénédiction. La fameuse  » génération de fous  » (dixit LaurentBlanc), qui en 2004 était devenue championne d’Europe des -17 ans face à l’Espagne, ne sera jamais associée au crash sud-africain. Et sportivement, ça rigole pas mal alors que certains mondialistes comme Jérémy Toulalan ne sortent pas de dépression. Nasri fait aujourd’hui partie des meilleurs de Premier League, Benzema a connu des débuts houleux sous José Mourinho mais relève la tête ces dernières semaines, Ben Arfa avait fait une entrée fracassante avec Newcastle avant d’être fracassé par Nigel de Jong,… enfin Menez émerveille régulièrement le Calcio d’un talent hors-normes.

De la bande, le joueur romain est certainement celui à la notoriété la moins grande même si les points communs avec les trois autres lascars sautent aux yeux. Leur âge (23 ans) évidemment, leur parcours (enfants de la cité passés par les centres de formation), et cette culture du bitume, des petits espaces, du double contact, de la provocation dans le dribble. Avant de rejoindre le Doubs et le centre de formation de Sochaux à 13 ans, Jerem’ a poussé à Vitry, dans la banlieue sud de Paname, dans le  » 9-4  » (numéro du département). Un de ces quartiers difficiles que comptent la France d’en bas, mais dont Menez aime porter l’étendard jusqu’à afficher ces deux chiffres sur son maillot giallorosso.

Sir Alex l’a à la bonne

Menez fait partie de la caste des adulescents du foot pro : des premiers pas chez les grands très tôt, dès 16 ans, et un battage médiatique autour de son nom quelques mois plus tard, le 22 janvier 2005, après un triplé en l’espace de sept minutes face à Bordeaux. Menez entre ce jour-là dans le livre des records du foot français comme le plus jeune joueur auteur d’un coup du chapeau et celui réalisé en le moins de temps. Mais le buzz Menez avait débuté avant, dès ses 15 ans : d’après la légende, Alex Fergusson se serait déplacé en personne pour discuter le coup.

L’été 2006, changement de décor : finies les petites Peugeot de chez Sochaux, bonjour les belles cylindrées monégasques. Sportivement, par contre, le néo-international Espoir français ne brille qu’épisodiquement au sein d’un environnement qui a brûlé pas mal de jeunes joueurs et accueilli son lot d’anciennes gloires préretraitées. On mettra donc la coupe platine – malheureusement exhibée trop longtemps – sur le compte d’un cadre à faire perdre la raison. Sa relation avec l’ASM ne dure que deux ans ; le temps de disputer 54 matches pour 14 buts. Bien mais pas top.

Quand en août 2008, l’AS Rome dépose 10,5 millions pour attirer le white trash du foot français. La planète s’étonne un peu, d’autant que le club de la capitale transalpine a une trésorerie malade. Aujourd’hui, personne ne remet en question tous ces biffetons lâchés tant Menez multiplie les prestations de grande classe. Mais côté romain, on a longtemps cru à l’imposture éculée du jeune surdoué victime de la gloire. Son premier pion n’arrive que lors de la 15e journée de sa première saison (29m/4b).

Sa relation avec le Mister Luciano Spalletti est en dents de scie : tantôt le Kojak italien le compare à Kaká, tantôt l’envoie en tribune. FrancescoTotti est lui très vite excessif :  » Menez peut être le nouveau Messi.  » Ouais…

But à la Zidane

Sur son aile droite, le banlieusard tarde à foutre le bordel dans les défenses. Le déclic survient en janvier 2010 : Menez (qu’on envoie du côté de l’OM au mercato hivernal) a une discussion avec son coach depuis l’été 2009, Claudio Ranieri.  » Il m’a dit qu’il croyait en moi. J’avais besoin d’entendre ces mots-là.  »

Deux mois plus tard, face à l’Udinese, le Stadio Olimpico lui offre une ovation à sa sortie après qu’il ait donné deux assists et obtenu un pénalty. Cette saison, le Français continue à flamber. Face au Bayern, en Ligue des Champions, il sonne la charge de la très belle remontée victorieuse (0-2 à 3-2), quelques jours plus tôt, il est l’auteur en championnat d’un but  » à la Zidane  » (Menez dans le texte) où il enrhume plusieurs défenseurs avant de fouetter la balle au fond des filets.

Aujourd’hui, les compliments pleuvent sur ce fuoriclasse à la française aussi à l’aise à droite que derrière le duo MarcoBorrielloMirkoVucinic.  » Jérémy est le meilleur jeune de notre championnat. Entre les JavierPastore et autre Hernanes, c’est lui le numéro 1 « , dixit Ranieri avant de poursuivre : « Menez est un diamant qui brille lentement. Sa marge de progression est encore énorme.  »

Le tableau est aujourd’hui idyllique, reste à retrouver les montres, bijoux et portefeuille (pour un montant de 10.000 euros) volés chez lui pendant son sommeil mais surtout reconquérir le c£ur de Blanc. Sélectionné pour la première fois en Norvège, il est titulaire lors du bide au Stade de France face à la Biélorussie (0-1). Et en paye toujours le prix aujourd’hui.

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTO: BELGA

 » Entre les Javier Pastore et autres Hernanes, c’est lui le numéro 1 des jeunes. « 

(Claudio Ranieri)

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