Fulgurance

Mons et Francs Borains ont mis quelques semaines pour s’entendre sur le transfert de l’attaquant français qui continue son ascension.

En un an et demi, Mohamed Dahmane (24 ans) a connu une réussite exceptionnelle. Arrivé en Belgique par la petite porte, il a atteint les plus hautes cimes du football belge. Pourtant, cela ne s’est pas fait sans mal et des questions subsistent encore. Car, passé en un an du monde amateur des Francs Borains à l’élite et au professionnalisme poussé de Genk peut s’avérer plus difficile que prévu. Cette réussite a attisé les jalousies mais aussi les convoitises.

Pourquoi Dahmane a-t-il quitté Mons ?

A première vue, la réponse semble évidente : pour un défi sportif plus intéressant. Il faut aussi prendre en compte l’ambition dévorante de l’attaquant français. Sa carrière n’a pas toujours été facile. Il semblait au bout du chemin du foot pro lorsqu’il a rebondi aux Francs Borains. Depuis lors, il veut rattraper le temps perdu. C’est pour cette raison qu’il n’a pas hésité à répondre à l’appel montois, trois mois après avoir débuté pour les Francs Borains, et à se laisser tenter par les sirènes des grands clubs, après son deuxième tour percutant avec les Dragons cette saison. La sagesse lui dictait de digérer sa première campagne en D1 en demeurant au stade CharlesTondreau mais difficile de rester les pieds sur terre quand on reçoit des offres de Bruges, Gand, du Standard et de Genk.  » J’ai beaucoup réfléchi mais quand on sait que je jouais dans les bas fonds de ma cité il y a deux ans et que l’on m’offre l’opportunité de disputer la Ligue des Champions, on peut comprendre non ? », explique Dahmane.

Pourtant, la décision de partir est venue très tôt. En avril, Dahmane piaffait d’impatience. On aurait compris un tel comportement à la trêve, au moment où il n’était pas encore titulaire indiscutable, mais pas au printemps quand toute l’équipe jouait pour lui.

Parfois, Dahmane n’a pas été assez à l’écoute du groupe. Dès la reprise, on le sentait énervé par les atermoiements des dirigeants qui n’avaient pas encore un noyau complet. Il est sorti ensuite de ses gonds à la fin du premier tour devant le manque de confiance affiché par son entraîneur José Riga. Enfin, une fois son statut de titulaire et de vedette acquis, Dahmane a oublié de remercier certains collègues. La scène du penalty contre Roulers a provoqué beaucoup de ranc£ur au sein du vestiaire. Normalement, Dahmane est désigné pour transformer les coups de réparation mais Riga avait voulu mettre en exergue la prestation (et toute la saison) de Wilfried Dalmat. L’entraîneur a eu beau gesticulé sur le bord de la touche, ses partenaires ont eu beau lui faire passer le message, Dahmane n’en a eu cure et a voulu augmenter son capital but (et donc sa valeur marchande).

Une partie du vestiaire ne portait donc plus l’homme de Maubeuge dans son c£ur. A tel point qu’on a pu entendre un des joueurs dire – Si Dahmane part au Standard, je ne partirai sûrement pas là-bas. Je n’ai pas envie de le retrouver dans le vestiaire.  » C’est vrai que j’ai connu quelques heurts avec certains équipiers mais j’ai aussi noué de solides amitiés. De nombreux joueurs me téléphonent encore et un certain nombre viendra me voir lors du tour préliminaire de la Ligue des Champions « , se défend Dahmane qui comptait également de chauds partisans. Certains de ses coéquipiers appréciaient sa gouaille. Le président Dominique Leone le considérait un peu comme son chouchou. Au point que lors de sa désaffiliation, les deux hommes sont tombés dans les bras l’un de l’autre. Preuve de l’estime réciproque. Pour le big boss, Dahmane symbolisait le renouveau de Mons : c’est lui qui a conduit le club en D1 et c’est lui qui a terminé meilleur buteur du club pour les retrouvailles avec l’élite. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’équipe a si bien tourné au deuxième tour : Dahmane était titulaire et en confiance.

Les négociations avec Genk furent-elles difficiles ?

Non. Après avoir écouté les conditions du Standard, Dahmane accompagné de son duo de managers Nenad PetrovicDaniel Striani a filé sur Genk qui offrait des meilleures conditions. Les deux parties se sont vite accordées sur un contrat de quatre ans. Il ne restait plus au club limbourgeois qu’à trouver un arrangement avec Mons.

Les Montois n’étaient pas opposés à l’idée de vendre leur joueur. Cependant, les négociations ont été freinées par l’arrivée des Francs Borains dans la danse.

Mais que venaient faire les Francs Borains ?

 » En janvier 2006, Mons est venu chercher Dahmane sans notre accord « , dit Alain Battard, le manager des Francs Borains,  » Il avait marqué 18 buts en trois mois et Mons lui a fait signer une affiliation. Nous avons porté l’affaire devant l’Union Belge qui a débouté le RAEC. Comme nous étions en position de force, nous avons négocié. Mons voulait absolument le joueur. Le président de l’époque, Jean Zarzecki, a proposé de vendre l’attaquant pour la somme de 75.000 euros. Ce que les Montois ont refusé. Finalement, nous avons conclu une convention : Dahmane partait pour 20.000 euros et nous obtenions 50 % d’une revente éventuelle « .

Une fois que Genk a manifesté son intérêt, Mons a tenté de revoir cet accord.  » On a essayé de trouver une autre solution car nous estimions que Dahmane était resté un an et demi chez nous contre trois mois seulement aux Francs Borains. Je ne voyais pas pourquoi ce club bénéficierait de la moitié de la somme de transfert « , explique Alain Lommers, le directeur général de Mons. De plus, l’accord stipulait que Mons avait les coudées franches pour négocier seul le transfert du joueur une fois que la somme excédait les 100.000 euros. Ce qui était le cas.

Devant la frilosité montoise, les Francs Borains ont eu peur de se voir doubler et sont intervenus dans la négociation alors que rien ne le leur permettait.  » Ils ont commencé à mettre la pression sur Genk et même sur l’Union Belge. Leur intervention pouvait tout faire capoter. Ils apportaient des interférences avec le risque que le dossier se referme « , clame Lommers.

Ce à quoi Battard répond :  » Nous voulions que l’accord soit respecté. Nous n’avons pas interféré mais simplement demandé à l’Union Belge qu’elle se porte garante d’une convention qu’elle avait elle-même souhaitée. Quant aux dirigeants de Genk, nous les avons simplement informés. Je n’ai envoyé qu’un mail. Je n’ai eu aucun contact téléphonique pour parler du prix du transfert. Il y avait un risque d’éluder une partie du prix du transfert et nous avons simplement défendu nos intérêts « .

Au bout du compte, le 24 juin, Genk a commencé à s’impatienter. Les dirigeants ont envoyé un mail aux deux parties qui affirmait ceci :  » Nous ne marquerons notre accord que lorsque les Francs Borains seront d’accord « . Les deux clubs hennuyers se retrouvaient dos à dos et étaient dans l’obligation de trouver un arrangement. Une première réunion entre les différentes parties se termina dans un climat proche de la rupture.  » Cela se déroulait la veille de la présentation officielle de Dahmane à Genk « , éclaire le manager de l’attaquant, Nenad Petrovic.  » Cela s’est mal passé et Dominique Leone a claqué la porte en disant – Puisque c’est comme cela, je vais le vendre au prix minimum. Quitte à perdre de l’argent, autant en faire perdre également aux Francs Borains « . C’est à ce moment-là que le prix de 110.000 euros a été évoqué.

La sagesse a toutefois fini par l’emporter. Le président montois et son homologue des Francs Borains, André Arbonnier, se sont remis à table et ont trouvé un arrangement. Le prix du transfert oscillerait aux alentours de 600.000 euros.  » Il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès. Si les Francs Borains avaient bloqué le transfert, le joueur aurait pu les assigner en justice, réclamer des dommages et intérêts et mettre le club en faillite « , dit Petrovic.  » Mons devait également trouver un arrangement. Dahmane n’avait plus qu’une année de contrat. C’était la dernière possibilité pour le club de se faire de l’argent « .

Mais que touchent les Francs Borains ?  » La convention de départ a été quelque peu revue « , poursuit Battard,  » Notre club touche un peu moins que 50 % « .

Où était passée l’union régionale ?

Ce dossier n’était que la face visible de l’iceberg. Depuis quelques temps, les deux clubs nourrissent des relations difficiles. Mons et les Francs Borains avaient un projet commun de centre de formation. L’Albert y a mis un terme. Par après, il a demandé la location d’un terrain à son voisin en échange d’un match amical. Comme celui-ci n’a pu avoir lieu, les Francs Borains ont demandé un dédit exorbitant. Tout cela avait lieu sous la présidence de Zarzecki.

 » Nous voulons faire table rase du passé. Ce n’est pas bon pour l’image de marque de la région « , conclut Battard.

Dahmane a-t-il le niveau pour Genk ?

En début de saison, Riga trouvait Dahmane trop tendre pour la D1. Pourtant, l’attaquant apprend très vite. Il s’est adapté au championnat belge, à la D3, D2, et la D1 : pourquoi pas à un club du top ?

 » On ne peut pas se fixer de limites à 24 ans « , réagit-il,  » On m’a posé la même question quand j’ai quitté les Francs Borains pour Mons. Moi, je ne vois qu’une chose : il est impossible de maîtriser le temps et celui-ci file vite. Je veux donc franchir le plus d’échelons possible. Je n’ai pas peur de viser haut mais je sais aussi qu’un jour, cela s’arrêtera. Je m’adapte très vite. Certains savent que je suis quelqu’un de très attaché à ma famille et que je marche à la confiance mais quand on me dit que je me coupe de mon environnement en allant à Genk, je m’étonne. Je ne suis qu’à 180 km de ma famille. En France, on considère cette distance comme un derby. Je peux rentrer chez moi lors des jours de repos. Ici, j’ai été très bien accueilli et pris en charge par Gonzague Van Dooren, Jean-Philippe Caillet et Tom Soetaers. Tout le monde me parle en français mais je compte bien apprendre la langue de la région « .

par stéphane vande velde – photos: reporters

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