fucking brilliant !

En trois mois, l’ex-Anderlechtois a mis tout le monde d’accord en Angleterre.

Le juke-box du pub In my arms laisse échapper les premières notes de I’m outta time, dernier single de Oasis. A Manchester, le groupe des frères Gallagher est omniprésent. En poster, dans les bacs ou dans les pubs.  » Ici, je ne peux pas trop afficher mes préférences car la ville est partagée entre United et City et j’accueille des clients des deux bords. Moi, je manifeste mon amour pour les Sky Blues en passant le plus possible de chansons d’ Oasis « , explique malicieusement le barman.

Welcome to Manchester, la ville du foot et de la musique. Ville moderne et vivante, partagée entre deux camps. Au sud, Old Trafford. Au Nord, le City of Manchester Stadium. D’un côté les Red Devils, de l’autre les Citizens. Ici, on doit choisir son camp, comme le leader d’ Oasis, Noel Gallagher, qui supporte City et qui a récemment eu ce bon mot, suite à la reprise du club par le cheikh Mansour Bin-Zayed :  » C’est bon de savoir que chaque litre d’essence acheté par les fans d’United ira dans notre enveloppe de recrutement.  »

C’est ici que Vincent Kompany a élu domicile, loin du tracas né de ses dernières semaines à Hambourg après l’épisode des Jeux olympiques. Et pourtant, point de repos pour un guerrier, c’est bien connu. Et encore moins sur le champ de bataille de la Premier League.

Arrivé en août sur la pointe des pieds, dans l’ombre de Robinho (39 millions d’euros, somme record pour un transfert en Angleterre) et de Pablo Zabaleta, trois mois plus tard, Kompany fait l’unanimité auprès des suiveurs de City. Contre le PSG, le journaliste du Manchester Evening News, Chris Bailey lui a donné la meilleure note (9) accompagnée du commentaire suivant :  » Simplement extraordinaire dans sa façon de contrôler l’entrejeu.  » Les supporters sont également sous le charme. Sur le site internet Blue Moon, les fans cotent le début de saison de leurs protégés. Quatre noms reviennent sans cesse : Robinho, Stephen Ireland, Shaun Wright-Phillips et notre Vince national.

 » Il aime se sentir impliqué dans le jeu  » (Mark Hughes)

Direction Carrington, le centre d’entraînement de Manchester City, situé à quelques miles de Manchester, en pleine campagne. Pour y arriver, nous demandons notre chemin à la réception de l’hôtel :  » Vous faites appel à la mauvaise personne. Je suis fan d’United « , sourit une jeune demoiselle qui nous indiquera cependant le trajet à suivre. Situé juste à côté des terrains d’entraînement de Sale, le club de rugby de la ville où évolue Sébastien Chabal, le lieu de retraite de City est distant d’à peine un kilomètre du centre d’entraînement du rival honni, United. A l’entrée, un vieux gardien arborant fièrement son tatouage à la gloire des Citizens, nous reçoit :  » Vous êtes Belge ? Et vous venez pour Kompany ? He’s fucking brilliant. Il sait tout faire. Il a une bonne relance, un bon passing et un tempérament de combattant. Une bonne affaire pour City, pas comme ses prétendues stars achetées à coup de millions et qui végètent sur le banc.  »

Quand on lui fait remarquer qu’il y a un an, il nous avait tenu un discours fort semblable sur Emile Mpenza, il rajoute :  » J’avais tort. Ici, j’ai raison. Mpenza, il nous avait aidés à nous en sortir mais techniquement, il n’avait pas le bagage de Kompany.  »

Depuis l’arrivée des Emiratis, peu de changements à Carrington. Seul un nouveau préfabriqué faisant office de centre de presse a pris place à l’entrée. C’est là que Mark Hughes, l’ancien attaquant emblématique d’United, ex-coach de Blackburn, aujourd’hui à la tête de City, donne sa conférence hebdomadaire. C’est lui qui fut à l’origine de l’arrivée de Vince :  » J’ai vraiment été impressionné par les premiers matches de Kompany « , affirme Hughes d’emblée.  » Cela faisait plusieurs années que je le suivais mais il était trop cher pour Blackburn. Et quand j’ai eu l’opportunité de le faire venir ici, je l’ai saisie. On ne peut que louer son travail pour l’équipe, sa mentalité, son professionnalisme. C’est un jeune homme mais il fait tout pour s’améliorer. Cette attitude a surpris tout le monde et il a acquis le respect du groupe par son comportement. Je sais que chez vous, en Belgique, il y a débat depuis plusieurs années quant à sa meilleure position. Lui aime évoluer dans l’entrejeu et c’est là que se situe son avenir, à long terme. Mais contre Schalke, il a pris place en défense et fut élu homme du match. Sa polyvalence lui permet d’être aussi bon derrière qu’au milieu. Contre Manchester United, il a commencé dans l’entrejeu avant de reculer en défense et cela ne lui a pas posé de problème. Cependant, il aime se sentir impliqué dans le jeu et peut-être ne l’est-il pas assez quand il prend position en défense. Et c’est pour cette raison qu’à mon avis, il est plus à son aise au milieu.  »

 » C’est un footballeur intelligent. Suret en dehors du terrain  » (Chris Bailey, Manchester Evening News)

Fin de la conférence de presse. Il est 10 h. Les joueurs arrivent sur le parking. Certains laissent les clés de leur voiture à un jeune homme qui les lavera durant l’entraînement. Bienvenue dans le championnat anglais, un autre monde.  » Il y a tellement d’argent qui circule dans le foot anglais que cela monte très vite à la tête des joueurs « , explique Chris Bailey.  » Surtout des jeunes ! Avec Kompany, on ne se pose pas la question. Il a la tête sur les épaules. Il a reçu une bonne éducation et cela se sent. Il est posé, calme et il ne se prend pas pour une star. Cela ne peut que plaire aux supporters qui adulent les superstars et ceux qui les respectent mais qui détestent ceux qui se prennent pour davantage que ce qu’ils sont. « 

La presse anglaise est sous le charme de l’international belge.  » Je crois qu’on peut commencer à vraiment juger Kompany car il a montré de la régularité depuis trois mois « , analyse Ian Cheeseman, journaliste à la BBC-radio.  » Ce n’était pas le joueur le plus attendu mais il est physiquement très fort. Pourtant, ce n’est pas une montagne de muscles. Ses passes sont excellentes et souvent tranchantes. Il joue juste devant la défense. On sent parfois qu’il a une formation de défenseur car il a tendance à se poster très proche de la ligne arrière, un peu comme un libero devant sa défense. Il est très mobile et il se débarrasse très vite du ballon. Il sait aussi s’adapter au tempo du match : ralentir le jeu quand cela s’avère nécessaire ou accélérer la man£uvre. Il est clairement un footballeur très intelligent. Cela se percevait déjà dans son discours mais cela se ressent aussi sur un terrain. Beaucoup de joueurs éprouvent des difficultés à s’adapter au football anglais. Surtout au rythme effréné. Même Robinho, qui a marqué un triplé lors de son premier match, a avoué qu’il ne s’attendait pas à être autant bousculé. De plus, Kompany venait de la Bundesliga et en définitive, peu de joueurs issus du championnat allemand réussissent d’emblée en Angleterre. Même Michael Ballack ou Dietmar Hamann avaient eu besoin d’un temps d’adaptation. Par contre, Kompany s’est montré à la hauteur très vite. Jusqu’à présent, on peut dire que Robinho et Kompany constituent les deux success stories des transferts estivaux. Et si on fait une balance qualité-prix, Kompany est hors concours. Il a coûté bien peu d’argent à City ( NDLR : 7,2 millions d’euros). D’ailleurs, se basant sur le prix du transfert, on ne s’attendait pas à voir débarquer un joueur aussi élégant.  »

Les éloges pleuvent et il faut insister pour que certains lui trouvent quelques défauts.  » Peut-être son placement sur les phases arrêtées « , avoue Ian Mathieson, éditorialiste au Daily Telegraph.  » Autant il sent le jeu en mouvement, autant il peut éprouver des difficultés à bien se positionner sur un corner ou un coup franc. Son jeu de tête ne constitue pas sa meilleure arme. Sans doute le sait-il et c’est pour cette raison qu’il n’aime pas les phases arrêtées. Contre Liverpool, on peut le pointer du doigt sur deux buts. Mais il est tellement intelligent qu’il fait tout pour éviter une nouvelle déconvenue.  »

Certes, c’est en s’inscrivant dans la durée que Kompany pourra dire qu’il a marqué l’histoire des Citizens. Jusqu’à présent, il ne constitue qu’une très bonne pioche. Il ne fait pas la couverture des journaux, ni des programmes officiels de City. Il ne fera même pas partie des 12 joueurs emblématiques retenus pour illustrer le calendrier 2009 du club. Le chemin de la popularité est donc encore long.

par stéphane vande velde- photo: reporters

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