FRUITS DE LA PASSION

Pierre Bilic

Les confidences et les mots écrits dans Sport/Foot Magazine en juillet 2005 ont souvent résisté au temps qui n’a pas usé leur profondeur.

L’hommage à Raymond Goethals

Le 6 décembre 2004, à l’âge de 83 ans, Raymond Goethals tira une dernière fois sur sa légendaire cigarette. Columbo vérifia s’il avait bien ses cartes en poche et se décida à affronter Guy Thys dans une éternelle partie de whist au paradis des entraîneurs. Cela doit chauffer là-haut. Journaliste au Laatste Nieuws et ami de Raymond-la-Science, Alain Ronsse réalisa un livre (Nie zievere… Speile, Discutez pas… Jouez) qui ne fut publié qu’en néerlandais. Sport/Foot Magazine a traduit et publié les meilleures feuilles de cet ouvrage au fil desquelles le lecteur apprécia tout de suite la zwanze typiquement bruxelloise de ce personnage hors pair. Dans ces inédits, Raimundo révéla entre autres que le Standard le contacta deux fois afin de revenir à Sclessin avec Jean Dockx, qu’il dépanna Anderlecht après le départ d’Herbert Neumann (seulement pour un match européen à Ferençvaros) mais conseilla aux Mauves de songer à Johan Boskamp car lui, après ce dépannage, il dirait en bruxellois :  » Salut en de kost « .

Dominique D’Onofrio :  » J’ai eu la chance et l’honneur de faire la connaissance de ce monument durant la dernière partie de sa vie. Il s’impliquait beaucoup dans les cours de la Licence pro mis sur pied par l’école des entraîneurs de l’Union Belge et surtout par Frans Masson. A son âge déjà avancé, Raymond Goethals aurait pu vivre dans sa tour d’ivoire, jouer au savant du football et garder son immense savoir pour lui. Pas question car cet homme était fondamentalement différent : pour lui, le football, c’est le partage des idées, la comparaison des tactiques, l’étude des styles de jeu, l’amitié, etc. Il offrait son vécu, sa sagesse, ses impressions. Goethals a transmis tout cela aux jeunes. Il suffit de jeter un coup d’£il sur son palmarès pour deviner tout ce qu’il a pu nous apporter lors de nos échanges. C’était unique. Je buvais ses paroles et nous avons vécu de grands moments à la Licence pro, notamment quand nous suivions des matches de la Ligue des Champions avant de les analyser. Quand il était lancé dans ses théories, il ne cessait pas de me prendre par le bras. Le courant passait bien entre nous deux. Goethals était à mes côtés lors de la remise des diplômes. Il a été le premier à me féliciter. Une Liégeoise, Maïte Brovelli, m’a demandé de parrainer le Mémorial challenge Raymond Goethals prévu du 11 au 13 août au Blanc Gravier, sur les hauteurs du Sart Tilman à Liège. J’ai accepté en me disant que, de là-haut, le Sorcier allait suivre cela d’un £il passionné « .

Le chantier bruxellois d’Albert Cartier

Il y a un an, Albert Cartier déposa sa pelle, sa truelle et son fil à plomb devant un des bâtiments en construction qu’un entrepreneur de Ternat avait du mal à terminer du côté de Molenbeek. Johan Vermeersch fit appel à la technologie française qui avait fait merveille à La Louvière. Comme François Sterchele qui avait souligné les mérites du technicien français dans cette même rubrique (28 juin 2006), le nouveau bras droit de Michel Preud’homme au Standard a beaucoup apprécié la qualité du travail d’Albert Cartier. En Belgique, on oublie parfois ce que les coaches français (Pierre Sinibaldi à Anderlecht, René Hauss au Standard, André Riou au Standard, à Mons, à l’Union Saint-Gilloise mais aussi au… Daring, un des ancêtres du FC Brussels) ont apporté au football belge. Le nom d’Albert Cartier complète joliment cette belle lignée notamment quand il dit :  » Nous savons où sont les bons joueurs. Mais je ne veux pas transférer pour transférer. J’exige que les nouveaux soient en mesure d’apporter une plus-value à l’équipe et je ne tiens pas à détruire ce qui existe « .

 » A ce niveau-là, le hasard n’assume aucun rôle. Albert Cartier est un homme de métier qui connaît la musique et qui est animé par une vision du football. Mais je me dis, surtout, qu’au-delà du discours, il y a le travail, encore le travail et toujours le travail. Ce coach a eu sous la main de bons joueurs, mais pas des stars, et il les a fondus dans un collectif solide qui a posé des problèmes à tout le monde. Se frotter au FC Brussels, ce n’est pas rien car cette équipe est organisée afin de permettre à chacun de bien exprimer son potentiel. C’est du beau travail et Igor De Camargo a acquis une dimension encore plus intéressante dans ce contexte. Malgré ce départ important au mercato d’hiver, l’édifice n’a pas vacillé. C’était la preuve que les fondations étaient bonnes. J’ai également retenu la facilité avec laquelle cet entraîneur s’est adapté à son nouvel environnement. Après avoir eu Filippo Gaone comme président, il a découvert la personnalité de Johan Vermeersch : ce n’est pas la même chose. De même, il est passé sans problème de l’ambiance propre à la région du Centre à celle de la capitale. Tout cela ne l’a pas empêché de signer un bon championnat « .

Les problèmes de Tony Vairelles au Lierse

Avec un palmarès long comme un jour sans football, l’arrivée de Tony Vairelles au Lisp suscita l’étonnement. Cette star du football français avait collectionné les titres (champion de France avec Lens en 1998 et Lyon en 2003, vainqueur de la Coupe de la Ligue en 1999 sous les couleurs lensoises) et les honneurs. Le Lierse était sa première aventure à l’étranger et il l’aborda en disant :  » Si j’avais voulu lever le pied, je serais parti au Qatar « .

 » Je m’intéresse au championnat de France depuis des années. Et je connaissais bien Tony Vairelles, un attaquant qui a fait partie de la crème du football tricolore. Ce joueur très doué, élégant, a brillé entre autres à Nancy, Lens, Lyon, Bordeaux, Rennes, Bastia. Ce n’est pas rien et je me suis dit que le Lierse avait signé un très gros coup. J’ignore ce qui s’est passé par la suite. Son nouvel environnement sportif ne lui convenait-il pas ? Je ne sais pas. Vairelles ne prit même plus place sur le banc après quelques mois. Lui qui devait apporter un gros plus à son nouveau club a carrément disparu de la circulation. Je ne porte pas de jugement car je n’ai pas assez de renseignements afin de comprendre le problème mais avait-il une idée complète de ce qui l’attendait en Belgique ? Notre D1 est éprouvante, tous les étrangers l’affirment. En tout cas, c’est un échec qui m’a étonné. Non, rien n’est facile chez nous. Et quand on y réussit, on tient la route sous d’autres cieux. Là, je songe à Timmy Simons. Il a digéré le passage de Lommel à Bruges où il a bossé sans faire de bruit. Au PSV Eindhoven, où il est arrivé il y a un an, cela roule pour lui et cette réussite ne m’étonne pas : c’est un des meilleurs médians défensifs d’Europe. Il aurait pu viser plus haut, mais comme Sport/Foot Magazine l’affirmait en juillet 2005, il reste modeste. Simons est un vrai et beau produit de cette D1 que Vairelles ne connaissait peut-être pas très bien « .

Pär Zetterberg aborde sa dernière saison

Il y a un an, le lutin suédois avait été clair dans ses déclarations :  » Ma décision est irrévocable. A la fin de la saison, je remiserai mes boots, promis juré. Je vais fêter mes 35 ans. C’est un âge respectable, pour ne pas dire canonique pour un sportif. A cet âge-là, certains profitent déjà d’une retraite dorée. Si j’ai un souhait à formuler, c’est de pouvoir partir en beauté et de quitter la scène par la grande porte « .

 » J’admire Pär Zetterberg qui a réussi une carrière de toute beauté. Ce technicien de très haut niveau est un exemple pour tous les jeunes. Arrivé très jeune en Belgique, il s’est débrouillé loin de sa famille, a su faire un pas en arrière et rebondir à Charleroi avant de revenir par la grande porte à Anderlecht. En Grèce, ce fut une réussite aussi pour lui. En 2004-2005, Zetterberg a passé du temps sur le banc. Quelques mois plus tard, il était à nouveau sur le terrain et fut, indiscutablement, à la base du dernier titre conquis par Anderlecht. Si le sportif est remarquable, l’homme l’est tout autant. Honnête, modeste, exemplaire, travailleur, il a réussi malgré ses pépins de santé. Il a transformé son diabète en atout, en source de motivation : quel exemple pour les jeunes ! C’est bien qu’une telle personnalité ait pu quitter la D1 sur une note positive. Je m’en voudrais de ne pas saluer le départ d’une autre légende vivante du football belge : Gert Verheyen. Ce sont des passionnés, des hommes, des gars en or « .

PIERRE BILIC

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