FRANCO-bosniaque

Attaquant ou flanc droit ? Peu importe. Le joueur n’est pas dépaysé au Canonnier.

Quelques sonneries. Puis, le répondeur se déclenche :  » Bonjour, c’est Adi. Laissez votre message et je vous rappellerai « . Le ton est jovial, l’annonce passe dans un français impeccable et l’accent laisse à peine percevoir que l’homme est d’origine bosniaque. Et, effectivement, Adi – AdnanCustovic en réalité – rappelle que ses sept années passées en France l’ont marqué.

Son épouse est française et il se considère lui-même comme français à 50 %. Dans l’effectif actuel des Hurlus, il ne se sent donc pas dépaysé. Il est l’un des derniers arrivés : il a signé à l’Excel en juillet, après un match amical très convaincant contre Troyes, durant lequel il a inscrit deux buts. Quelques jours plus tôt, il était encore au chômage en France.

 » Je m’étais retrouvé en fin de contrat avec Amiens et je n’avais pas trouvé de nouveau club « , confirme cet attaquant de 27 ans.  » Je me suis donc affilié à l’UNFP, le syndicat des footballeurs. C’est très bien organisé, en France, pour les joueurs qui se retrouvent sans club. On peut s’entraîner dans de bonnes conditions, jouer des matches contre des équipes de bon niveau. J’ai même disputé un tournoi international à Chantilly, contre des Portugais, des Hollandais et des Anglais. Et un autre tournoi en Bretagne, contre Brest, Guingamp et Lorient. En fait, c’est comme si l’on joue dans un club, sauf que ce club ne dispute que des matches amicaux : on voyage, on se prépare, on joue, on s’entraîne… et on touche une petite indemnité de chômage. Les matches de l’UNFP sont très suivis par les recruteurs et offrent une belle vitrine. Je n’étais pas trop inquiet. Je connaissais mes qualités et j’étais persuadé qu’après un certain temps, des clubs s’intéresseraient à moi. En effet, après un mois, j’ai pu faire un essai à Mouscron et j’ai été engagé. Je ne m’attendais pas vraiment à partir en Belgique, et mon épouse aurait sans doute préféré rester en France, mais nous ne sommes pas très loin de la frontière, et en ce qui me concerne, je retrouve la D1. Ce n’est pas plus mal « .

 » Je ne peux pas promettre 20 buts  »

Mais, depuis ces deux buts contre Troyes et un autre contre Mons, plus rien.  » En championnat, je n’ai pas encore ouvert mon compteur, c’est exact. J’ai hérité d’une très belle opportunité en tout début de match contre Westerlo, mais le gardien Ronny Gaspercic s’est parfaitement interposé. J’espère avoir plus de réussite dans les prochaines rencontres « .

Un changement est toutefois intervenu dans l’effectif, sur lequel on n’a sans doute pas assez insisté : lors de son test contre Troyes, Adnan Custovic avait évolué aux côtés de MarcinZewlakow, avec lequel il avait directement trouvé des automatismes. Depuis, l’attaquant polonais est parti à Metz et Adi est un peu orphelin. Il doit rechercher sa place et trouver d’autres automatismes, avec d’autres partenaires :  » Personnellement, je regrette le départ de Marcin. C’était un attaquant complet, avec lequel il était facile de s’entendre. Il marquait et faisait marquer, se démarquait, appelait le ballon, vous le redonnait en retour. Nous n’avions jamais joué ensemble mais j’avais l’impression de le connaître depuis toujours. J’aurais aimé qu’il reste, mais les lois du football en ont décidé autrement « .

A Charleroi et contre Westerlo, Custovic – engagé comme attaquant – avait été aligné sur le flanc droit. Quelle est sa place préférée ?  » En fait, je n’avais jamais évolué comme flanc droit de façon durable « , précise Adi.  » Parfois, des entraîneurs m’avaient demandé d’évoluer à cette position, mais cela n’avait jamais duré très longtemps. Depuis deux semaines, Geert Broeckaert m’a aussi demandé d’évoluer à droite, et pour l’instant, cela se passe bien. On verra pour la suite. En ce qui me concerne, la place que j’occupe m’importe peu, pourvu que je joue et que je sois utile à l’équipe. Depuis le flanc droit, je peux approvisionner mes partenaires en bons ballons dans les 16 mètres. Et je me crée moi-même des occasions également. En partant de la deuxième ligne, je bénéficie de plus d’espace. Je ne fais pas l’objet d’un marquage à la culotte, comme les avant- centres, et ce n’est peut-être pas plus mal. Reste à concrétiser ces occasions « .

Adi ne se considère pas comme un buteur :  » Je suis capable d’inscrire des buts, mais je ne suis pas ce que l’on peut appeler un renard des surfaces. Je ne peux pas garantir 20 ou 25 buts. Mon record, sur une saison, c’est huit buts, avec Laval. Je suis plutôt un attaquant qui court, qui pèse sur la défense, qui adresse des passes, qui se bat, qui défend. Je sais faire beaucoup de choses, en fait « .

Du paradis à l’enfer et de l’enfer au paradis

C’est de loin qu’ Adi a assisté à Bosnie-Belgique, samedi. Si ses parents sont restés à Mostar, et s’il a toujours un passeport bosniaque, il ne retourne dans son pays natal qu’une fois par an, pendant les vacances. Il n’a jamais porté les couleurs de son équipe nationale et ne connaît les internationaux bosniaques que de nom.  » A 13 ans, je me suis affilié au Velez Mostar où j’ai joué avec les Benjamins « , raconte-t-il.  » Un an plus tard, la guerre a éclaté. Ma mère nous a emmenés, mon frère et moi, dans un convoi de réfugiés en direction de la Slovénie. Les hommes ne pouvaient pas partir et mon père est donc resté en Bosnie. En Slovénie, nous avons vécu dans une caserne militaire. C’était dur, mais nous étions à l’abri et je n’ai pas vu les horreurs de la guerre. Quatre ans plus tard, en 1996, toute ma famille est retournée à Mostar. La maison avait subi quelques dégâts, mais le principal, c’est que tout le monde était sain et sauf. Mon père aussi. Moi, je suis resté en Slovénie. Pour terminer mes études et poursuivre ma carrière de footballeur. J’avais fait mon trou à Triglav, un petit club local qui est monté en quelques années de… D5 en D1. Au début, j’ai joué dans des stades où il n’y avait ni eau, ni électricité, mais à 19 ans, j’ai débuté en première division slovène. Cela n’a duré que quatre mois : j’ai ensuite eu l’occasion de partir en France. La Bosnie, et en particulier la ville de Mostar, reste dans mon c£ur. C’est une très jolie ville, connue pour son fameux pont qui a été reconstruit il y a deux ans. J’espère que les touristes y retourneront bientôt car cela en vaut la peine.

Mon aventure française a commencé au Havre, où je suis resté trois ans et demi. Les six premiers mois furent fabuleux. J’ai joué en Ligue 1 et j’ai eu l’impression de découvrir une autre planète. Je venais du championnat slovène, où je jouais devant 500 spectateurs, et je me suis retrouvé au stade Félix Bollaert de Lens et au Parc des Princes de Paris, devant 40.000 spectateurs. J’étais titulaire, bien que je n’aie pas réussi à marquer. Après, cela s’est gâté. L’entraîneur a changé, j’ai souffert d’une hernie discale qui m’a contraint à l’inactivité pendant près d’un an et, à mon retour, j’ai été renvoyé dans le noyau B. Le nouvel entraîneur, JeanFrançoisDomergue, m’a fait comprendre qu’il n’avait plus besoin de moi et que je pouvais me chercher un nouveau club. Je ne lui en veux pas : c’est le football. Je suis passé à Laval où, sous la houlette de VictorZvunka, j’ai sans doute vécu ma meilleure saison : on a terminé dans la première partie du tableau de la Ligue 2 et j’ai inscrit huit buts, bien que je n’étais pas toujours titulaire. La deuxième saison, avec Francis Smerecki que j’avais déjà connu au Havre, fut plus difficile : on a galéré et on s’est sauvés de justesse. La saison suivante, je suis parti à Amiens. J’ai joué en début de saison, puis je me suis retrouvé sur le banc. Le club n’a pas prolongé mon contrat et je me suis retrouvé à l’UNFP…

La roue peut tourner très vite en football. Dans les deux sens. On peut, en quelques jours, passer du paradis à l’enfer ou de l’enfer au paradis. Il ne faut ni s’enflammer lorsqu’on est au sommet, ni se décourager lorsqu’on est dans le trou. Il faut, au contraire, continuer à travailler. Le travail finit toujours par payer « .

Daniel Devos

Un incroyable parcours AVANT D’ARRIVER CHEZ LES HURLUS

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