» Franchouillard raciste, moi ? Avec un PÈRE JUIF ? »

Stade de France, 17 novembre 2004. Thierry Roland commente pour la dernière fois un match des Bleus, opposés à la Pologne. Dans la foule, les banderoles fleurissent : Thierry, on t’aime ; Thierry, t’en va pas ; Thierry, reste avec nous. Il ne restera pas : la direction de TF1 a estimé qu’il était temps pour lui de passer la main. C’est la fin d’un long voyage pour le plus titré des commentateurs français, qui aurait fêté ses 50 ans de carrière en septembre 2005 : 11 Coupes du Monde, 8 Championnats d’Europe des Nations, 351 matches de l’équipe de France, plus de 300 matches de Coupe d’Europe, plus de 1.300 rencontres au total, etc. L’homme a conservé quelques petits boulots et la pilule a du mal à passer.

Thierry Roland : C’est dur de devoir partir quand on est en bonne santé et qu’on aime ce qu’on fait. Demandez à Roger Laboureur ce qu’il en pense. J’en ai plusieurs fois discuté avec lui après sa mise à la retraite forcée. Mon cas est un peu différent du sien : je roulais sur 68 ans, j’étais déjà allé au-delà de l’âge de péremption dans un pays où on arrête de bosser à 65 ans. Là, je peux comprendre la direction de TF1. Mais la manière qu’ils ont employée me fait mal. J’étais parti en vacances avec l’assurance que je pourrais continuer jusqu’au Mondial 2006. Quand je suis rentré à Paris, on m’a viré. Mais je ne me laisse pas aller.

Comment voyez-vous votre avenir professionnel ?

J’ai des projets en radio avec RTL, je commente encore des matches anglais pour TPS et la Coupe de France pour TF1. J’y vois le signe que les décideurs de cette chaîne ne savent pas trop ce qu’ils veulent. Ils n’étaient sans doute pas sûrs que la mayonnaise allait prendre avec mon successeur et ils ont prévu une solution de repli. Vous savez, on ne fait pas vraiment de sentiments chez TF1. C’est une très grosse entreprise. Là-bas, ils sont formidables… quand vous êtes mort. Vous pouvez être certain qu’ils s’occuperont très bien de votre veuve et de vos enfants, qu’ils assumeront le coût de leurs études si nécessaire. Je leur ai fait cette remarque et j’ai ajouté : -Le seul problème, c’est que je suis toujours vivant. Ils n’ont pas trop apprécié mon humour.

Avez-vous fait définitivement une croix sur le Mondial 2006 ?

Pas du tout. J’y serai. Je ne sais pas avec quel média, mais je pense bien que j’y serai.

Quel était le secret de la popularité de votre duo avec Jean-Michel Larqué ?

Larqué était un monstre sacré quand il est arrivé chez TF1. Il avait un des plus beaux palmarès individuels dans un sport collectif. Il aurait pu rouler des mécaniques. Il s’est abstenu. Il m’a directement dit : -Je connais bien le foot mais pas du tout la télé, alors je te fais confiance. Je suis devenu le capitaine de route de notre équipe. Nous avons apporté un style différent, nous avons cherché à détendre l’atmosphère à l’antenne à une époque où l’humour était tout à fait absent des commentaires sportifs.

Vous avez un jour traité à l’antenne un arbitre écossais de salaud et cela a fait des vagues énormes.

Cette histoire ne me lâchera décidément pas (il rit). C’était dans un Bulgarie-France en 1976. J’avais simplement dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. A l’époque, c’était interdit. Aujourd’hui, les commentateurs sont bien plus durs. A la suite de cette phrase, j’ai reçu une vingtaine de sacs postaux d’un mètre de haut, bourrés de lettres : 99,9 % étaient positives.

Vous traînez une réputation de franchouillard raciste…

Franchouillard, franchouillard… Je supporte mon équipe nationale, tout simplement. Et votre Roger Laboureur, il n’était pas chauvin quand il commentait un match entre les Diables Rouges et les Pays-Bas (il rit) ? Il faut être pinailleur comme peuvent l’être les Français pour me reprocher le soutien que j’ai toujours apporté aux Bleus.

Raciste ?

Cette réputation remonte à la Coupe du Monde 86 et au fameux but de la main de Diego Maradona contre l’Angleterre. Tout le stade et des milliards de téléspectateurs ont directement vu qu’il avait marqué du poing. Mais pas l’arbitre. J’ai demandé à Jean-Michel Larqué : -Est-ce qu’il n’y avait pas autre chose qu’un arbitre tunisien pour diriger un match de cette importance ? J’aurais simplement dû formuler ma phrase autrement. J’ai eu un autre incident avec une journaliste qui était venue m’interviewer dans le seul but de me piéger. Elle voulait écrire un texte pour l’organe de presse du Front National, mais je ne connaissais pas ce journal et je ne me suis pas méfié. Je lui ai notamment avoué que j’étais pour la peine de mort dans le cas de meurtres d’enfants et de vieux. Elle m’a alors fait remarquer que je rejoignais Jean-Marie Le Pen sur certains points et j’ai dit : -C’est sans doute la preuve qu’il ne dit pas que des conneries. On ne m’a évidemment pas raté. Cela dit, me traiter de raciste alors que j’avais un père juif… Je suis tout, sauf raciste. Et je n’en ai de toute façon rien à foutre, de ce que les gens pensent de moi !

Misogyne ?

Marianne Mako a laissé courir le bruit que je l’avais virée de Téléfoot : ça vient de là. Un comble car je n’avais pas le pouvoir de virer des gens de TF1. Dire que je suis misogyne, c’est vraiment n’importe quoi. Je suis très proche des femmes. Parfois même trop proche…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire