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FRACTURE TOTALE

Derrière les résultats désastreux du Standard, il y a une perte de confiance irréversible entre le groupe et son coach. Explications.

Certains événements sont bien moins anecdotiques qu’ils n’y paraissent. Nous sommes le 18 décembre 2016, le Standard mène 1-2 sur le terrain de Genk. À la 65e minute, Jean-Luc Dompé monte au jeu côté droit. Six minutes plus tôt, Isaac Mbenza est exclu pour un coup d’épaule porté à Leandro Trossard. C’est finalement Orlando Sá qui fait les frais de ce changement tactique. Après le match, Aleksandar Jankovic expliquera qu’il a voulu utiliser la vitesse du Français en contre.

Seulement, ce repositionnement s’avère catastrophique. À la 78e, Genk égalise à 2-2 et enfonce le Standard qui peut heureusement compter sur un Guillaume Hubert en grande forme. Dompé, lui, semble totalement désintéressé par la rencontre. Il multiplie les pertes de balle et fâche ses équipiers par un positionnement défensif pour le moins laxiste.

Cette montée au jeu foireuse n’est pourtant pas une surprise. Les joueurs présents ce jour-là s’étonnent d’ailleurs en plein match de sa montée au jeu. Yannick Ferrera, qui avait connu le spécimen à Saint-Trond, avait mis en garde la direction des soucis disciplinaires que sa venue pouvait entraîner. Mais lors du mercato de janvier 2016, Ferrera se le voit imposer. Et cette saison n’a fait que confirmer les craintes de l’actuel coach de Malines.

Dompé a multiplié les sorties de route et est l’extrême opposé de ce que l’on peut attendre d’un professionnel. Et pourtant, malgré ses écarts de conduite répétés, Jankovic offre à Dompé du temps de jeu dans un match-clef face à un concurrent direct. Dix jours plus tôt, l’ailier français, aujourd’hui prêté à Eupen où il n’a été utilisé que 82 minutes et ne figure même plus dans l’effectif à cause d’un comportement resté problématique, est même titulaire face à l’Ajax avant d’être sorti à la 56e minute de jeu suite à une prestation décevante.

Pour de nombreux joueurs du noyau, cette forme de passe-droit a fortement décrédibilisé le coach. Car ses discours guerriers du type  » Je suis bien plus fou que vous tous réunis « , ses mises au point très cash devant le vestiaire auxquelles n’ont pas échappé les MatthieuDossevi, Adrien Trebel, IbrahimaCissé, IshakBelfodil ou Dompé, ne sont pas suivis de faits et ont fini par être tournés en dérision. Après le point encourageant à Genk, les Rouches vont donc enchaîner un 4 sur 18 qui les condamnera définitivement dans la course aux play-offs 1.

DES CHANGEMENTS INCOHÉRENTS

L’incident Dompé n’explique évidemment pas tout mais fait figure de révélateur. Jankovic a perdu, depuis lors, une grande partie de sa crédibilité. Les continuels changements au sein de son onze de base (39 joueurs ont été alignés ! ) ont accentué le manque de stabilité au sein du noyau. On peut, par exemple, s’étonner de la mise à l’écart soudaine, et sans aucune justification, de Corentin Fiore.

Son entourage n’est pas dupe et se dit que le choix du bon agent est souvent déterminant à Sclessin. Le jeune et talentueux défenseur belge est loin d’être un cas isolé. Ils sont plusieurs à avoir été titularisés et s’être retrouvés subitement en tribune quelques jours plus tard. Comment expliquer par exemple, le sort réservé à Eyong Enoh ?

Le Camerounais est l’un des rares leaders du vestiaire et le seul capable de réellement imposer un jeu physique dans le milieu de terrain mais son organisme doit enchaîner les rencontres pour évoluer à plein régime, ce qui n’a jamais été possible sous Jankovic, qui a étonnamment sorti le joueur africain des oubliettes pour les rencontres de PO2.

L’inconstance et l’absence de cohérence dans les choix et dans le jeu ont accompagné toute la saison du Standard. Même les supporters les plus virulents, qui se sont invités à l’entraînement de vendredi pour marquer leur ras-le-bol, reprochaient à Jankovic d’être influencé dans ses choix par les agents. Une (mauvaise) habitude qui daterait de sa période malinoise.

DES JOUEURS PERDUS EN POSSESSION DE BALLE

Plus étonnant encore, l’absence de fond de jeu tout au long de la saison. Si Jankovic est arrivé de Malines avec l’image d’un  » gentleman tacticien « , il n’a jamais été à la hauteur de sa flatteuse réputation. Le coach serbe a pour habitude de travailler quotidiennement le pressing, rien ou presque n’est fait au niveau de la mise en place.

On ne doit dès lors pas s’étonner d’avoir vu un Standard bien plus à l’aise en Europa League où la possession de balle était régulièrement à l’avantage de l’adversaire alors qu’au niveau national, les Rouches ont souvent affiché les pires difficultés à faire le jeu face à une équipe regroupée. Au niveau des automatismes, c’est le néant ou presque : les milieux sont souvent désarmés dès qu’ils reçoivent le ballon, aucune ligne de course des éléments offensifs n’est préparée.

Si, avant la trêve, les signaux n’étaient pas des plus encourageants, la suite allait condamner définitivement la famille rouche dont l’instabilité a cette fois touché la direction. Durant le mercato hivernal, le noyau a été nettoyé de certains éléments jugés problématiques d’un point de vue du comportement (Trebel, Dompé, Birama Touré) mais ils ont été remplacés par de jeunes joueurs sur papier intéressants mais qui, à l’analyse, manquaient de planches pour être efficaces directement.

Razvan Marin en est le meilleur exemple. Si tout le monde au club souligne les grandes qualités du Roumain, qui devrait être l’un des patrons du jeu l’an prochain, il a été incapable les premières semaines de remplacer un Trebel pourtant régulièrement critiqué sur et en dehors du terrain. Quant à Dossevi, il a beau être resté au Standard, sa tête était à la CAN longtemps avant le début des hostilités et à son retour, il n’a plus été que l’ombre de lui-même, prétextant notamment plusieurs bobos.

UN STAGE ANNONCIATEUR

Le stage hivernal annonçait ce qui allait suivre. Si, en coulisses, le soap autour du transfert de Belfodil a mis en lumière les inimitiés grandissantes au sein de la direction (qui ont finalement conduit au licenciement de Daniel Van Buyten), ce n’était guère plus réjouissant sur le terrain. Au retour du séjour en Espagne, les joueurs se sont d’ailleurs plaints du manque d’intensité à l’entraînement.

Jankovic avait aussi décidé d’opter pour un  » 3 arrière  » insuffisamment préparé que Bruges s’est fait un plaisir de déjouer avec un José Izquierdo se baladant sur son flanc gauche. Jankovic a souvent tenté de sauver la face devant les médias grâce un discours mesuré, exception faite de la débâcle à Mouscron.

Mais il sait pertinemment qu’il a perdu son groupe depuis bien trop longtemps. Et ce n’est certainement pas son capitaine et prétendu allié, Alexander Scholz, totalement à la rue depuis de longues semaines, qui aurait pu lui donner un coup de main.

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTO BELGAIMAGE

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