FORZA LIEGI

Avec 12 points d’avance sur Waremme à 6 journées de la fin, le RFC Liégeois est bien parti pour retrouver une D3 qu’il avait délaissée en 2011. Pour la énième fois, les Sang et Marine renaissent de leurs cendres. Avec un triple objectif pour assurer leur pérennité.

« Les grands clubs ne meurent jamais.  » L’adage est connu et s’applique parfaitement au Royal Football Club Liégeois. Fondé en 1892, le Great Old fait partie de la classe des clubs mythiques du football belge. Pourtant, depuis vingt ans, c’est dans les divisions inférieures qu’il écrit son histoire.

Samedi dernier, Liège affrontait Tilleur. Un derby des antipodes puisque les SangetMarine occupent solidement la tête du championnat en promotion D tandis que les Métallos y luttent pour leur survie.

Avec 12 points d’avance sur Waremme, à 6 journées de la fin, les Liégeois ont toutes les cartes en main pour retrouver une Division 3 qu’ils avaient quittée en 2011, en faillite et avec une survie remise en question. Aujourd’hui, bien de l’eau a coulé sous les ponts de la Cité Ardente.

Quatre saisons en promotion, c’est long. Très long même pour un club comme Liège. A chaque début de saison, tout le monde s’accorde à dire que le Matricule 4 n’est pas à sa place. Pourtant, au décompte final, il aura toujours manqué quelque chose au club pour décrocher la montée tant désirée. Par trois fois, le tour final fut fatal aux Liégeois. Par trois fois, les espoirs furent happés en plein vol.

La saison dernière, on pensait le RFC Liège suffisamment armé pour dominer sa série de la tête et des épaules. Et c’est vrai que le début de saison donnait raison aux observateurs. A mi-parcours, Liège disposait de 8 points d’avance au moment de recevoir Walhain, deuxième. Une victoire aurait lancé les hommes de ChristopheKinet vers le titre.

Les Brabançons s’imposeront, réduisant l’écart, tout en sapant le moral des Liégeois. Au fil du deuxième tour, Walhain ne cessera de revenir sur le leader, grappillant point par point pour finalement décrocher des lauriers pourtant promis à Liège.

 » Je ne comprends toujours pas ce qu’il s’est passé l’an dernier « , raconte BernardWégria, l’adjoint de Kinet à l’époque (et d’AlainBettagno aujourd’hui).  » On a vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué.  » Et GaëtanEnglebert, le directeur sportif, d’ajouter :  » Ce groupe avait connu pas mal de choses. Il n’avait plus assez faim pour être champion.  »

Sous la houlette de Kiki – le surnom de Kinet -, les SangetMarine développaient pourtant un jeu léché, bien loin du kick and rush habituel que l’on peut observer à ce niveau. Du beau jeu, mais finalement pas assez efficace.

Cette saison, avec Alain Bettagno comme coach, les choses sont différentes.  » On a adapté notre jeu à la promotion en jouant plus physique. C’est moins beau à voir mais ça passe « , note EricVandebon, le capitaine.

Pour preuve, Liège est invaincu depuis le 18 octobre, soit 15 matches de suite. Mieux, les hommes de Bettagno ont aligné 12 victoires de rang, effaçant des tablettes un record vieux de près de 70 ans !

Un déficit de plus d’un million

Si Liège existe toujours aujourd’hui, il le doit en partie à sa nouvelle direction qui a repris le club en juin 2011 alors que la survie du cercle liégeois était incertaine.

 » Je me souviens avoir été invité à une réunion de sympathisants. S’y sont retrouvés des personnes diverses. Ça allait d’agents de joueurs à des joueurs ou des anciens dirigeants, etc. Il n’en était pas ressorti grand-chose mais j’y avais rencontré GeorgesHenriBodson qui est devenu le vice-président « , se remémore JeanPaulLacomble, avocat liégeois et actuel président du club.

 » On s’est recontacté quelques jours plus tard avec l’idée de voir ce qu’on pouvait faire. Un autre moment-clef est la réunion avec LéonVanRymenam, l’ancien président de Seraing, et JacquesLegrand. On a donc un groupe de quatre qui s’est formé, qui était cohérent avec des expériences diverses : Legrand est un financier, Van Rymenam a déjà présidé un club de D1 tandis que l’apport financier venait plus de Bodson et moi. On a progressé, on a élagué, on a vu ce qu’on pouvait faire dans la compta, qui était un champ de ruines « , continue-t-il.

Nous sommes en janvier 2011 et on parle d’un déficit d’environ 400.000 €… dans un premier temps.  » En réalité, au total, quand on voit tout ce qui s’est ajouté en cours de route, on était largement au-dessus du million, ce qui représente un an et demi de fonctionnement avec le budget actuel, sans payer personne… « , raconte Lacomble. Une somme hors norme qui aurait tué n’importe quel autre club.

Logiquement, les hommes hésitent, réfléchissent. A ce moment-là, Liège est cliniquement mort, il n’est plus qu’une coquille vide. Plus de sponsor, plus de joueur, plus de site pour ses jeunes. Mais l’amour du blason est plus fort.  » C’est le club de mon enfance « , avoue Lacomble.  » C’est le club qui a structuré mon adolescence et mes années à l’unif. On arrivait en juin 2011 et on savait que si on ne le faisait pas, il n’y aurait pas d’équipe pour commencer le championnat « , raconte-t-il. Alors, les quatre se lancent.

Une crédibilité retrouvée

Près de quatre ans plus tard, le pari est une réussite.  » On a trois objectifs désormais « , explique le président.  » Reconstruire sportivement pour rejoindre à terme la D2 ; avoir nos infrastructures ; être sain financièrement. Et on ne veut sacrifier aucun des trois au profit des deux autres.  »

Ce triple objectif, c’est la nouvelle ligne de conduite du club. Sportivement, les dirigeants ont confié les rênes à Gaëtan Englebert. Le directeur sportif, un ancien de la maison, connaît la philosophie du club, son ADN. Il est donc parfaitement placé pour savoir quels joueurs peuvent s’inscrire au mieux dans le projet.

 » Ce qu’on recherche, outre des joueurs qui sont fiers de jouer pour Liège devant 1500 – 2000 personnes, ce sont des gars qui ont la mentalité pour viser toujours plus haut « , explique-t-il. Des gars comme JeanSébastienLegros, GaëtanAudoor, ArnaudWinandts, NicolasPire ou Eric Vandebon en sont des exemples parfaits.

Et il en est de même pour le staff, composé d’anciens de la maison. Aux côtés de Gaëtan Englebert, le directeur sportif, on trouve Alain Bettagno qui a terminé sa carrière à Liège, Bernard Wégria qui détient le record de matches joués pour le club (491) et PierreDrouguet, l’entraîneur des gardiens, qui fut keeper au club dans les années 80.

Aujourd’hui, Liège est donc un club qui va de l’avant. S’il a retrouvé une assise sportive, sa crédibilité a également retrouvé des couleurs, notamment auprès de la Ville de Liège.  » Les relations sont excellentes et basées sur la confiance réciproque « , affirme Lacomble.

De 7à 77 ans

 » Parler du RFC Liège sans évoquer ses supporters serait un crime de lèse-majesté. A part le Beerschot (v.p. 13), vous en connaissez beaucoup, des clubs qui peuvent compter sur un soutien de plus de 1500 personnes à chaque match à domicile (sans parler des déplacements) en quatrième division, vingt ans après avoir quitté la Division 1 ?

Ils sont parmi les plus fidèles du royaume et n’allez pas croire qu’il s’agit d’un public de pensionnés. Le Sang et Marine se porte de 7 à 77 ans, et plus encore.  » Ils sont fantastiques « , se réjouit Vandebon.  » Mais ils sont aussi très exigeants. On l’a bien vu l’an dernier. On a eu beaucoup de critiques avec notre fin de saison ratée.  »

 » Sans ses supporters, le club n’aurait pas pu survivre « , avance Lacomble. Et pour cause. En janvier 2011, le club est mis en instance de radiation suite à des dettes non-réglées envers l’Union belge.  » Il y a eu une collecte de supporters pour payer les dettes à cause desquelles le club était dans cette situation. Sans ça, c’était fini.

Deuxièmement, compte tenu de la montagne de dettes, de la perte totale de crédit de ce club, de sa perte de crédit sportif, s’il n’y avait pas eu comme seul actif les supporters, personne n’aurait été intéressé par une reprise « , indique le président.

Un derby pour foncer vers le titre

Samedi, contre Tilleur, ils étaient 1800 à avoir bravé le froid polaire pour venir encourager leurs ouailles. Ce derby, beaucoup ne l’auraient raté pour rien au monde. Se payer le scalp du voisin, ça n’a pas de prix. Et quand, en plus, l’entraîneur adverse s’appelle Christophe Kinet, que demander de plus ? Banderoles, pétards et fumigènes animent l’avant-match et les premiers chants se font entendre. Le 12e homme jouera son rôle, c’est évident. Comme toujours avec Liège.

Tout au long de la rencontre, remportée 2-0, ce ne seront que  » Forza Liegi, allez, allez, allez ! « ,  » Liège, c’est nous ! », ou  » Liège champion, olé, olé, olé « , sous l’oeil bienveillant d’anciens de la maison tels que LucErnes, RobertWaseige ou RaphaëlQuaranta. A la 23e minute, le stade entama une salve d’applaudissement en mémoire de FrançoisSterchele.

Une fois le score acquis, les supporters liégeois se sont amusés à charrier leur adversaire en entonnant des  » Je descends en provinciale en Bleu et Blanc « .

 » Ce n’était pas un grand match, mais le principal est là. Le titre se rapproche « , nous lâchait un supporter à l’issue de la rencontre. Un match de promotion, en somme. L’engagement avant le beau jeu.

Reste maintenant à terminer le boulot, dans deux semaines… à Waremme.

PAR JULIEN DENOËL – PHOTOS: BELGAIMAGE/ JANSENS

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