Forza Charleroi

Le cour du football en salle belge bat au rythme de deux grands clubs carolos.

Par deux fois en l’espace de quelques jours à peine, les vendredi 7 et mercredi 12 février, la salle de la Garenne a été le théâtre de la confrontation entre les deux monstres sacrés du Futsal à Charleroi: Action 21 et Kickers.

A l’une et l’autre reprises, la victoire est revenue aux premiers cités: en championnat d’abord (4-6, en dépit du fait que les visités menèrent à un moment donné par 3-1), puis en huitièmes de finale de la Coupe de Belgique (1-7). Action 21, autoritaire leader du championnat de D1 (18 succès en autant de matches) aura savouré par là même une éclatante revanche face à un rival, classé troisième en fin de compétition passée, qui réussit l’exploit, l’année dernière, de le bouter hors de l’épreuve de Coupe nationale dans le dernier carré (10-2) avant de remporter le trophée.

Ces deux gains en autant d’events majeurs attestent à suffisance la belle santé du foot indoor au Pays Noir. Comment expliquer cette hégémonie, alors que dans un passé récent, c’est le Limbourg qui tenait le haut du pavé dans cette discipline, avec Genk et St-Trond? C’est la première question que nous avons posée aux managers des deux entités, Walter Chardon (Action 21) et Stéphane Hottat (Kickers).

Walter Chardon: L’essor, chez nous, porte essentiellement un nom: Paul Locicero, notre président, qui s’est tout simplement donné les moyens de ses hautes ambitions en faisant converger les meilleurs joueurs du pays vers Action 21 et en dotant ce club, au fil des ans, d’une véritable structure professionnelle. Du directeur technique, Ricardo Menezes Da Silva, aux joueurs, en passant par l’antenne médicale, le service logistique et le staff des coaches, tout le monde, sans exception, a un statut professionnel. Nos footballeurs s’entraînent deux fois par jour et, contrairement à ce qui se passe encore dans pas mal d’autres cercles, ils ne peuvent combiner leur métier avec la pratique du football en plein air. Nous avons les moyens de nous autoriser cette ligne de conduite, vu que nous disposons d’un budget conséquent, qui est d’ailleurs passé en deux ans de quelque 750.000 à 1.500.000 euros cette saison. C’est davantage que bon nombre de clubs en D2 nationale outdoor.

Stéphane Hottat: Ce que Paul Locicero a réalisé à Action 21, un autre Italien d’origine, Aldo Troiani, l’a réalisé chez nous. A cette nuance près que nous n’avons pas encore franchi le même pas du professionnalisme pur et dur. Contrairement à nos rivaux mais amis, qui se préparent donc à raison de deux séances par jour, nous en sommes toujours, actuellement, à une moyenne de deux entraînements par semaine, même si, depuis le début de l’année, le rythme s’est un tant soit peu intensifié avec des retrouvailles journalières, même, dans le cadre des deux rencontres que nous étions appelés à disputer face à ceux qui partagent nos installations au Parc des Sports de Charleroi. Par rapport à Action 21, notre budget de fonctionnement est moindre aussi, puisqu’il se chiffre aux alentours de 250.000 euros. Malgré des moyens plus limités, nous n’en parvenons pas moins à mener la vie dure aux meilleurs. La preuve par notre victoire en Coupe de Belgique l’année passée, acquise après un magnifique succès en demis contre qui l’on sait (il rit).

Rivalité de bonne guerre

Deux clubs de haut niveau dans une seule et même ville, est-ce l’idéal?

Walter Chardon: Dans le football de plein air, cette concurrence a posé un certain nombre de problèmes ces dernières années, c’est certain. Il suffit de songer aux cas du Standard, du FC Liégeois et de Seraing dans la Cité Ardente ou encore, dans un passé plus récent, du RWDM et d’Anderlecht dans la capitale. Le casse-tête n’est sûrement pas aussi pointu, dans le domaine qui nous préoccupe, entendu que les budgets sont quand même moins importants en Futsal. De part et d’autre, Action 21 et Kickers parviennent, dès lors, à sensibiliser sans trop de tracas un certain nombre de partenaires commerciaux. Et ce, sans faire nécessairement de l’ombre à la concurrence directe.

Notre sponsor principal, par exemple, est Fiat. Pour des raisons évidentes, aucun autre constructeur automobile n’a pignon sur terrain chez nous. Dans ces conditions, toute autre firme intéressée, dans le même secteur, se tournera automatiquement vers Kickers voire Châtelet, qui joue lui aussi un rôle enviable en D2 actuellement. Au plan financier, la cohabitation ne nous cause donc pas le moindre souci. Dans l’état actuel des choses, du moins. Car si nous voulons nous inscrire dans la durée, au niveau européen, il tombe sous le sens que le budget devra être singulièrement reconsidéré à la hausse. Ce jour-là, deux grands clubs pour une seule ville constitueront peut-être un handicap. Mais pour l’instant, il n’en est rien. Et il en est finalement strictement de même en ce qui concerne l’aspect sportif proprement dit. La rivalité, de bonne guerre, avec nos voisins de Gilly nous pousse, au contraire, à ne pas nous reposer ou même nous endormir sur nos lauriers.

Stéphane Hottat: La trame des deux récents matches qui ont opposé nos équipes constitue une parfaite illustration de ces émulation et stimulation. Forts de leurs 16 succès d’affilée en championnat lors de notre confrontation, les représentants d’Action 21 ont cru, à coup sûr, qu’il leur suffirait de paraître pour l’emporter aisément contre nous. Ce fut une fâcheuse erreur puisqu’à un moment donné, nos joueurs menèrent par deux buts d’écart avant de perdre le bénéfice de cet acquit en fin de rencontre. A l’occasion du match de Coupe de Belgique entre les mêmes adversaires, cinq jours plus tard, chacun aura pu remarquer que nos rivaux ne prirent plus du tout le match à la légère, comme ils l’avaient fait en championnat.

Résultat des courses: il n’y eut subitement plus photo entre les deux formations. En soi, ce n’est évidemment pas illogique. Compte tenu de ses possibilités financières et du statut de ses joueurs, il va de soi qu’Action 21 est en avance sur nous. Son statut de vice-champion d’Europe est une indication qui ne trompe pas. Il ne faut toutefois pas s’y tromper: cette performance est la résultante d’un travail de dix ans. Kickers est beaucoup plus jeune.

Il est normal qu’il ne soit pas encore au même point. Mais le club s’emploie à résorber son retard. Le propos, à court et moyen termes, est de le stabiliser parmi l’élite avant de viser à notre tour la scène européenne. Peut-être pas au plus haut niveau. Mais je présume qu’à l’instar de ce qui s’est produit à l’échelon des compétitions outdoor, d’autres épreuves seront un jour créées en salle qui s’assimileront au pendant de la Coupe de l’UEFA. Dans ce cas, pourquoi ne pourrions-nous pas y jouer un rôle enviable?

La rentrée dans le rang des Zèbres a-t-elle des répercussions bénéfiques pour vous?

Walter Chardon: Non, au contraire. En réalité, nous aurions bien plus à gagner s’ils étaient performants à l’heure actuelle. Il ne faut pas s’y tromper: le Sporting Charleroi représente un potentiel de 25.000 personnes. Par les temps qui courent, il se limite malheureusement au tiers de ce nombre, faute de résultats probants. Le jour où les Sportingmen réussiront à infléchir cette tendance, les supporters reviendront en masse, c’est l’évidence même. Et, dans la foulée, il n’est pas interdit de penser qu’ils se rendront encore en rangs plus serrés chez nous également. Une étude a démontré que les Carolos sont éclectiques et qu’ils n’hésitent pas à passer, comme sympathisants, d’une discipline à l’autre, pour peu que le jeu en vaille la chandelle. Les Spirous en ont fait l’expérience, les pongistes de la Villette et nous aussi. Mais l’engouement serait plus fort encore si les Zèbres, qui concernent tout de même le plus de supporters, tenaient mieux la route. Aussi, nous croisons les doigts pour eux.

Stéphane Hottat: Nous sommes peut-être un tout petit peu plus tributaires de cette situation que nos homologues d’Action 21 entendu que nos inconditionnels sont pour la plupart de souche carolorégienne, alors que les joueurs de Paul Locicero attirent des gens qui dépassent le cadre du grand Charleroi, puisque certains viennent de Tournai. Mon copain Walter évoquait les exemples d’Anderlecht et du RWDM. Cette réalité-là, nous pouvons, toutes proportions gardées, la transposer à notre niveau. Action 21, pour le moment, est le club à dimension nationale, qui interpelle la masse un peu partout. Kickers, en revanche, a une base nettement plus régionale. Mais à la différence de Molenbeek, nous avons largement de quoi satisfaire à nos besoins. Nous tournons à une moyenne de 1.500 entrées payantes par match. Si je ne m’abuse, c’est plus que les Coalisés ou que des clubs de D1 nationale outdoor comme Lokeren, La Louvière ou Lommel. Main d’oeuvre étrangère

Des joueurs comme Mohamed Boukamir, Mustapha Toukouki, Lucio Lima Rosa et Leonardo Soares du côté d’Action 21 et Mahmoud Abdelhakim, Mustapha Aabbassi et Luiz Aranha chez les Kickers, entre autres: de part et d’autre, les clubs font manifestement la part belle aux éléments d’origine étrangère. Pourquoi?

Walter Chardon: Il ne faut pas oublier que le Futsal, dans sa version actuelle, est une discipline relativement récente en Belgique. Dans certains pays étrangers, ce sport avait déjà acquis ses lettres de noblesse beaucoup plus tôt, comme chez les latins par exemple. Ceux-là, tels le Brésil, l’Espagne, le Portugal et l’Italie font figure de référence aujourd’hui et c’est chez eux, indéniablement, que fourmillent les joueurs de grand talent, même si les nations de l’ancien bloc de l’Est, comme la Russie, l’Ukraine et la Tchéquie ont emboîté leur pas à présent. Afin de faire bonne figure, il est normal qu’un club comme le nôtre se soit tourné vers des joueurs d’origine latine et vers un coach brésilien.

Mais par-delà cette vitrine, il y a lieu de mettre en exergue aussi le travail qu’Action 21 fournit en profondeur. Notre club a effectivement une Ecole de Jeunes forte de près de 200 joueurs répartis en 15 équipes. Et, parmi eux, une grande partie est, comme bien l’on pense d’origine belge. Un jour, nous espérons que le blé en herbe, issu de ce centre de formation, prendra la relève et que nous ne devrons plus nécessairement nous tourner vers de la main d’oeuvre étrangère. A ce propos, je vous suggère de retenir ne fût-ce qu’un nom: celui du jeune Johnny Van Mekelbeecke, dont le nom trahit les origines belges, et qui me semble promis à un très bel avenir.

Stéphane Hottat: La situation est à peu près analogue chez nous, puisque nos joueurs, venus parfois d’horizons lointains comme l’Egyptien Mahmoud Abdelhakim, sont drivés par un coach brésilien eux aussi: Marcos Braga. Année après année, nous visons à insérer des garçons de chez nous, comme c’est le cas avec Christophe Lorent et Didier Bargiban actuellement. Nous aussi, nous disposons d’une Ecole de Jeunes bien fournie puisque 120 jeunes la composent et que ce nombre va croissant de saison en saison.

A cet échelon, la proportion entre éléments d’origine étrangère et belge est tout autre, bien sûr. Même si l’on note quand même une présence non négligeable, une fois encore, des latins et des Maghrébins. Il est vrai que ces derniers trouvent peut-être en salle leur terrain d’expression idéal, dans la mesure où ils ont la possibilité d’y faire valoir leur riche registre technique sans courir le risque d’une intervention brutale de l’adversaire puisque les contacts sont prohibés. Cette opportunité-là est moins évidente en football de plein air et c’est sans doute la raison pour laquelle, au contraire de ce qui se passe au Futsal, peu de jeunes Marocains, Algériens ou Tunisiens se sont fait une place au soleil dans le jeu à onze.

Les joueurs du Sporting Charleroi étaient tous présents à la Garenne lors du huitième de finale de la Coupe de Belgique entre vos deux clubs. Comment réagit le monde du football à l’impact de plus en plus grand du Futsal, surtout chez les jeunes?

Walter Chardon: Il nous perçoit encore trop souvent comme un concurrent qui le prive de footeux en herbe dans toutes les acceptions du terme (il rit). C’est une vision erronée des choses car je reste persuadé qu’un système de vases communicants est parfaitement envisageable et réalisable.

Stéphane Hottat: Notre joueur Atabey Aktepe, qui est passé du football en plein air, chez les Zèbres, au jeu en salle, chez nous, en est la parfaite illustration. Et l’inverse est tout à fait possible aussi. Nous ne sommes pas concurrents mais plutôt complémentaires, qu’on se le dise!

Bruno Govers

« Action 21 ambitionne de remporter la Coupe d’Europe des Clubs Champions » (Walter Chardon)

« Football et Futsal ne sont pas concurrents mais complémentaires » (Stéphane Hottat)

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