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FORZA AZZURI

Grâce au passé minier, pas mal de sang italien coule dans les veines des supporters du Racing Genk. Avant le match contre Sassuolo, Sport Foot Magazine est parti à la recherche de cinq fans ayant un pied dans la Botte.

Marina, Marina, Marina, ti voglio al piu presto sposar. Alors que Thomas Buffel remonte sur le terrain pour la deuxième mi-temps du match contre Anderlecht, le hit planétaire de Rocco Granata envahit le stade du RC Genk. Rocco est le fils d’un des nombreux Italiens qui, après la Deuxième Guerre mondiale, sont venus dans les charbonnages du Limbourg et de Wallonie, faire le travail difficile et dangereux dont de nombreux Belges ne voulaient pas.

En parcourant l’organigramme de Genk, on s’aperçoit que les noms italiens ne manquent pas. Dans les tribunes aussi, ils sont nombreux. Lors des matches à domicile, on constate indéfectiblement dans la tribune sud la présence d’un drapeau vert-blanc-rouge.

FEMME ET MAÎTRESSE

Nous nous sommes donné rendez-vous au Peppe’s, une brasserie italienne en plein centre de Genk. Le patron s’appelle Peppe Giacomazza (38 ans), il est également chef-coq du restaurant La Botte, à deux pas de là. Peppe est supporter de la Juventus, tout comme trois des quatre autres Italiens autour de la table : Antonio Ciccotelli, qui relate les matches de Genk en italien sur Radio Internazionale, Paolo Bruno (67 ans), responsable de tous les clubs de supporters officiels de la Juventus en Belgique, et Angelo Amorosi (43 ans), qui a joué dans les équipes d’âge de Genk, jusqu’aux portes du noyau A. Seul Rolando Amorosi (64 ans), père d’Angelo et jardinier du RC Genk, n’est pas Juventino. « Je suis Milanista« , dit-il.

Vous êtes tous supporters d’un club italien. Quelle est la place du Racing Genk là-dedans ? C’est comme avoir deux femmes ?

PEPPE GIACOMAZZA (il rigole) : Nous avons tous une femme et une maîtresse.

ROLANDO AMOROSI : Pour moi, c’est plutôt comme avoir un père et une mère. Difficile de dire qui on aime le mieux.

Comment êtes-vous arrivé au RC Genk, Rolando ?

ROLANDO : J’ai d’abord été délégué des jeunes à Waterschei alors que j’étais supporter de Winterslag. Pour moi, la fusion, c’était la meilleure chose qui soit. Maintenant, je n’ai plus qu’un seul club : le Racing Genk.

PEPPE : J’ai grandi à Waterschei et j’ai joué à Winterslag. Après la fusion, j’ai joué au RC Genk, avec Angelo.

ANGELO AMOROSI : En 1988, il y avait beaucoup d’Italiens dans les équipes d’âge de Genk car la fusion a rassemblé tous ceux de Winterslag et de Waterschei. Mais très peu sont arrivés en équipe Première. A cause de quoi ? Je n’en sais rien. Pas en raison d’un manque de technique, en tout cas. C’est peut-être une question de mentalité.

PASSÉ MINIER

Les mines font partie de l’histoire de vos familles.

ROLANDO : Vous avez vu le film Marina (sorti en 2013, le film retrace la vie de Rocco Granata, ndlr) ? C’est notre histoire.

PAOLO BRUNO : Nos parents travaillaient tous à la mine. J’ai voulu le faire aussi car c’était le boulot le mieux payé mais mon père n’a jamais voulu : il y avait perdu son meilleur ami.

Vous êtes de la deuxième et de la troisième générations d’Italiens. Est-ce important pour vous que Genk représente encore la mine ?

PEPPE : Très important car il y a toute une charge émotionnelle.

ANGELO : Les jeunes s’en détachent de plus en plus mais j’ai encore vu mon père rentrer tout noir à la maison.

PAOLO : Pour moi, c’est moins important.

ROLANDO : Le club conserve l’histoire de la mine. Le logo a été pensé en collaboration avec les fans et y fait référence. On retrouve aussi des traces du passé dans les tifos, qui sont pourtant faits par des jeunes.

Les Italiens ont le sens de la famille et Genk est un club familial. C’est important pour vous ?

PAOLO : A Genk, les gens viennent en famille au stade, ce qu’ils n’osent pas faire en Italie car c’est trop dangereux. Je n’assiste jamais au derby turinois, par exemple. J’ai vécu le drame du Heysel, ça m’a suffi.

DES TOUTES-BOÎTES AUX TOILETTES

Peppe, vous pouvez nous raconter quelques anecdotes de l’époque où vous étiez le cuisinier du club ?

PEPPE : Quand Besnik Hasi est arrivé, il refusait d’acheter du papier-toilette lui-même, alors c’était la femme de Branko Strupar qui lui en ramenait du magasin. Un jour qu’il est venu chez moi, je lui ai dit qu’à Genk, les femmes racontaient qu’il s’essuyait le derrière avec des journaux toutes-boîtes. Il était furieux.

ROLANDO : A l’époque, j’étais déjà le jardinier du club mais je travaillais aussi comme portier de nuit à l’hôtel Ecu, où Zoran Ban logeait. Un matin, vers 6 heures, je cuisais des oeufs et du bacon pour les hôtes quand j’ai entendu sonner : Ban et Strupar rentraient de virée. Ils m’ont fait promettre de ne rien dire et ont tout mangé. Il y en avait pour 30 personnes. Je n’ai raconté cette histoire que des années plus tard à Tony Greco, l’ancien délégué. S’il y a tant d’Italiens qui sont supporters du KRC Genk, c’est en grande partie grâce à Tony. Quand Waterschei et Winterslag ont fusionné, on s’est demandé en quelle couleur le club allait jouer. On a choisi le bleu et les premiers maillots ressemblaient très fort a ceux de l’équipe nationale italienne. Tony y était sans doute pour quelque chose car il était responsable des équipements.

PEPPE : Les couleurs de Genk représentent la chaleur de la communauté immigrée et celle-ci rayonne dans tout le club : Belges, Italiens, Marocains, Turcs, … Tout le monde vient à Genk. C’est le club de l’amour, pas le club de l’argent.

PAR KRISTOF DE RYCK – PHOTOS BELGAIMAGE

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