Formule gagnante

Depuis qu’ils jouent en 4-5-1, les Hurlus n’ont plus perdu.

Parler de tactique avec Hugo Broos, c’était, jusqu’à il y a peu, évoquer son fameux 4-4-2 qui était devenu sa marque de fabrique. Il n’y dérogeait pratiquement jamais, et avait de bonnes raisons d’y rester fidèle, car les deux fois où il avait dévié de sa ligne de conduite traditionnelle, il avait bu la tasse. A chaque fois, c’était contre Genk. Hugo Broos avait voulu prendre davantage de précautions défensives car il craignait le duo d’attaque constitué par Souleymane Oulare et Branko Strupar. Il avait donc imaginé une défense à cinq, avec un libero et deux stoppeurs. Ses défenseurs n’ont jamais trouvé leurs marques et, après une demi-heure de jeu, le marquoir du Canonnier affichait 0-4 en faveur des Limbourgeois.

Depuis deux mois, pourtant, Hugo Broos s’est risqué à une nouvelle modification tactique. Celle-ci ne concerne plus la défense, mais l’entrejeu et l’attaque. Un avant de pointe a été sacrifié au profit d’un demi défensif supplémentaire. Les Hurlus évoluent désormais en 4-5-1. Un dispositif qui peut se muer en 4-3-3 lorsque les joueurs extérieurs donnent libre cours à leur tempérament offensif. L’idée est un peu venue par hasard. Ou, plutôt, elle a été dictée par les circonstances. Face à Bruges, juste avant la trêve de Noël, Marcin Zewlakow s’était blessé après dix minutes de jeu. L’Excelsior s’était trouvé en panne d’attaquants et avait dû évoluer avec le seul Trésor Empoke en pointe. Les Hurlus avaient signé, ce jour-là, leur premier succès probant de la saison.

« En fait, nous avions déjà adopté ce dispositif à Anderlecht, précédemment », précise Hugo Broos. « Nous traversions alors une période difficile et je voulais éviter à mes troupes une défaite trop humiliante ».

En tout cas, cette fois, le changement a porté ses fruits. Depuis qu’il évolue en 4-5-1, l’Excelsior n’a plus connu la défaite.

« Il n’y a pas que cette modification tactique qui explique notre bonne série actuelle », estime l’entraîneur des Frontaliers. « Des joueurs-clé comme Gordan Vidovic et Tonci Martic évoluent à un niveau qu’ils n’avaient jamais atteint lors du premier tour. En outre, derrière, nous avons trouvé une certaine stabilité. Vido forme avec Olivier Besengez un axe très solide. Et, sur les ailes, Alexandre Teklak et Michal Zewlakow ne se laissent pas facilement déborder ».

Comme en 97-98

Hugo Broos avait déjà pris l’option de jouer avec deux demis défensifs lors du deuxième tour du championnat 97-98 -sa première campagne au Canonnier- après un début de saison presque aussi catastrophique que celui-ci. Yves Vanderhaeghe était revenu d’Alost durant la trêve hivernale et évolua aux côtés de Steve Dugardein.

« Il existe une certaine similitude entre les deux situations », reconnaît l’entraîneur des Frontaliers. « Bien qu’à l’époque Steve Dugardein évoluait un peu plus à droite. Il y avait également deux demis défensifs, mais c’était toujours un 4-4-2. Avec les joueurs dont je dispose actuellement, je ne pourrais plus me permettre d’évoluer de la sorte: nous n’avons pas assez de joueurs à vocation défensive dans l’entrejeu. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’ai opté pour ce 4-5-1. Jadis, je disposais en la personne de Stefaan Tanghe d’un véritable infiltreur. Ce que ne sont ni Dejan Mitrovic, ni Jonathan Blondel. Sur le flanc gauche, Christophe Grégoire s’est affirmé cette saison. Lui aussi est davantage porté vers l’attaque que vers les tâches de récupération. Dans ces conditions, Steve Dugardein s’est souvent retrouvé isolé en milieu de terrain et ne pouvait pas combler toutes les brèches. Dans le système actuel, les joueurs se sentent mieux ».

Curieusement, tant à Charleroi que contre St-Trond, c’est lorsque Zoran Ban est entré -et que l’équipe est revenue à une configuration en 4-4-2- que l’Excelsior a définitivement assuré son succès. « Mais ce n’était pas le même 4-4-2 qu’en début de saison », précise Hugo Broos. « Un principe reste immuable: je conserve un quatre défensif et deux demis récupérateurs. Devant, je peux évoluer avec un ou deux attaquants. C’est une variante qui me permet de surprendre l’adversaire. Les défenseurs adverses, qui s’étaient habitués pendant une heure à n’avoir qu’un seul attaquant à surveiller, sont surpris lorsqu’on leur lance un deuxième attaquant dans les pattes ».

Steve Dugardein, qui depuis le départ d’Yves Vanderhaeghe, avait parfois paru orphelin de son ancien compère, est devenu incontournable depuis qu’on lui a adjoint un acolyte en la personne de Cleiton parfois, de Tonci Martic le plus souvent. « Seul, j’étais souvent pris entre deux feux », admet-il. « A deux, on peut mieux se partager les tâches. Et cela me permet de temps en temps d’être libéré pour entreprendre une action offensive. J’ai marqué contre Alost, j’ai marqué contre Lommel: c’est bien ».

Tonci Martic se sent de plus en plus à l’aise dans son nouveau rôle. « Cela fait longtemps que je revendiquais une place dans l’axe », souligne-t-il. « Sur le flanc gauche, j’avais le sentiment de ne pas toucher assez le ballon. Mon déplacement au poste de demi défensif s’est révélé positif, pour moi comme pour l’équipe. Nous sommes plus présents en récupération, nous contrôlons mieux le trafic aérien, et quand on récupère plus souvent le ballon, on a forcément plus de possibilités de construire une attaque. Nous sommes donc également plus dangereux sur le plan offensif. Maintenant, je dois être honnête: j’ai la chance d’évoluer dans un système avec deux demis défensifs. Si j’étais seul, j’aurais été submergé comme l’avaient été mes prédécesseurs. L’entrejeu est un secteur-clé dans une équipe. Nous avons décidé de le meubler. Chaque médaille a son revers: en gagnant un médian, nous avons perdu un attaquant. Il faut donc que la ligne médiane apporte son soutien à la division offensive. Nous pouvons nous entendre, Steve Dugardein et moi, pour monter à tour de rôle. C’est uniquement une question de réglage ».

Les flancs se sentent pousser des ailes

Christophe Grégoire a trouvé sa place dans le nouveau dispositif. « Chacun sait que j’ai un tempérament plutôt offensif », concède-t-il. « Dans le système actuel, je ne suis pas exempté de ma tâche de récupération, mais je sais que la couverture est assurée et qu’une perte de balle de ma part ne créera pas systématiquement un danger de but dans l’autre camp ».

Sur l’autre flanc, Koen De Vleeschauwer estime que son rôle n’a pas été fondamentalement modifié. « A l’inverse de Christophe, je suis un défenseur de formation, mais il est vrai que j’apprécie également de débouler dans mon couloir et que le nouveau système me le permet, du moins lorsque nous dominons l’adversaire. Le principal avantage de ce 4-5-1 est toutefois, selon moi, la sécurité qu’il nous offre. Lorsque l’équipe ne tourne pas à plein rendement, nous sommes désormais capables de jouer le résultat. Ce n’était pas le cas précédemment ».

Dejan Mitrovic, demi offensif, meneur de jeu ou soutien d’attaque en fonction de la terminologie que l’on utilise pour désigner son rôle, met l’accent sur l’écartement des lignes, parfois trop important. « Il arrive que nous jouons trop loin les uns des autres. Dans ces conditions, il est difficile de combiner et nous retombons alors dans nos travers, qui consistaient à envoyer de longs ballons vers l’avant. Pour résoudre ce problème, il conviendrait de jouer plus haut. Lorsque l’on est dominé ou que l’on craint une contre-attaque, on a encore tendance à trop reculer. Mais je constate que ce nouveau système donne des résultats. Il apporte une certaine sécurité au niveau défensif. Nous concédons moins d’occasions à l’adversaire ».

La solitude de l’attaquant

Devant, Hugo Broos a la chance de pouvoir compter sur un attaquant comme Marcin Zewlakow, qui ne possède sans doute pas la classe mondiale mais qui affiche une mentalité exemplaire, en acceptant sans sourciller un rôle ingrat. « Il est clair que je préférerais avoir un deuxième attaquant à mes côtés », admet le Polonais. « Cela m’offrirait davantage de possibilités de combinaisons. Mais, si l’entraîneur estime que le 4-5-1 est celui qui convient le mieux à l’équipe, je dois me plier à ses directives. Je ne peux, d’ailleurs, pas lui donner tort dans son choix. Nous encaissons moins… et nous marquons tout autant qu’avant, si pas plus ».

Marcin Zewlakow se sacrifie pour le bien de la collectivité. « Je ne peux pas véritablement parler de sacrifice lorsque la récompense se trouve au bout de l’effort », corrige-t-il. « Lorsque les trois points viennent garnir l’escarcelle, la fatigue est vite oubliée. Les primes s’accumulent, la confiance revient et l’ambiance de travail est bien meilleure durant la semaine à l’entraînement. Alors, de quoi me plaindrais-je? »

On ne compte plus les kilomètres que parcourt Marcin Zewlakow durant une rencontre. « Ce nouveau système exige effectivement une grosse dépense d’énergie de ma part », souligne-t-il. « Je dois souvent affronter deux ou trois défenseurs et essayer, soit de les semer, soit de conserver le ballon en attendant le soutien d’un partenaire. C’est mon boulot. Si je n’acceptais pas de courir pendant 90 minutes, je ferais mieux de changer de métier ».

S’il y a un attaquant à qui le nouveau système convient moins bien, c’est Zoran Ban. Ces dernières semaines, il a souvent dû se contenter d’un rôle de réserviste de luxe, et si cela ne l’a pas empêché de continuer à marquer des buts, on peut imaginer que la perspective de commencer le match sur le banc ne l’enchante guère. Contre Lommel, parce que sept titulaires étaient indisponibles et qu’il n’avait guère l’embarras du choix, Hugo Broos l’avait titularisé d’entrée de jeu à la pointe de l’attaque. Le Croate ne s’y était pas senti à l’aise. « Il est moins explosif et a davantage besoin d’avoir un équipier à ses côtés », confirme l’entraîneur.

Ce rôle d’attaquant de pointe isolé, qui requiert de l’endurance, de l’explosivité et une capacité à conserver le ballon, semble en revanche taillé sur mesure pour Mbo Mpenza, voire pour Trésor Empoke. « Encore que ce dernier me semble un peu jeune pour endosser seul cette responsabilité », estime Hugo Broos.

En tout cas, avec le retour prochain de Claude Bakadal, il y aura bientôt cinq attaquants pour une place.

Daniel Devos

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