FORMATION RADICALE
Unique en Belgique : les Limbourgeois se battent pour que l’écolage des jeunes passe avant les résultats et que l’accès vers l’équipe A reste ouvert.
Les habitués des matches de jeunes, le samedi après-midi, vous le diront : il faut aller voir les Cadets, Scolaires ou Juniors du RC Genk, ce sont eux qui pratiquent le plus beau football de Belgique. Et ce travail trouve un prolongement au niveau de l’équipe Première, puisque les leaders du championnat alignent régulièrement neuf joueurs belges dans leur onze de base et que la moyenne d’âge est très basse.
» C’est très bien si l’on peut déjà distinguer un style de jeu propre au RC Genk chez les jeunes « , reconnaît RonnyVanGeneugden, ancien joueur de Lommel et de Lokeren devenu l’entraîneur des Espoirs et le coordinateur des jeunes au sein du club limbourgeois. » Mais, plus important encore, est l’application de sa philosophie. On n’a pas opté pour les résultats mais pour la formation. Un entraîneur d’équipes de jeunes est jugé seulement sur la qualité de l’enseignement qu’il dispense. Une méthode de travail a été élaborée et est appliquée depuis les Diablotins, la catégorie la plus basse. Arrivés à l’âge de 16 ans, les jeunes doivent simplement recevoir la touche finale. En deux phases : d’abord chez les Espoirs, puis en équipe Première. Le plan de travail comporte cinq axes principaux : 1. la manière d’entraîner, 2. la manière d’utiliser les phases arrêtées, 3. la manière de coacher, 4. la manière d’aborder un match, 5. le suivi individuel. En ce qui concerne le style, on a opté depuis les -11 ans (c’est-à-dire depuis l’âge où les matches se disputent à 11 contre 11) pour un 4-3-3, mais dont l’animation peut varier : avec des ailiers qui jouent le long de leur ligne ou avec des éléments qui rentrent plus dans le jeu, par exemple « .
Un 4-3-3 alors que HugoBroos joue généralement en 4-4-2, n’est-ce pas paradoxal ? » Pas pour moi. Le 4-3-3 offre de nombreuses possibilités de variations, selon que les ailiers ou les arrières latéraux jouent un peu plus haut ou un peu plus bas. Ces aspects sportifs sont placés sous ma responsabilité. D’autres points, comme le scouting, l’école, le transport, les tournois et les matches, sont sous la houlette de RolandBreugelmans, le responsable technique de la formation des jeunes. Avec le président des jeunes JohanVanLierde, on forme un trio très complémentaire « .
Regarder les jeunes avant de transférer
» Ce projet est né en 2001, lorsqu’on a posé la première pierre du complexe sportif destiné aux jeunes « , explique Breugelmans. » Ce complexe a coûté pas mal d’argent : plus de deux millions d’euros. Mais JosVaessen, depuis la première minute où il a pris la présidence, s’est très fort intéressé aux jeunes. Il assistait aux matches chaque samedi après-midi et était convaincu que former nos propres jeunes était la seule manière de rendre le club viable. On a adapté la philosophie du club à la nouvelle politique. L’entraîneur de l’équipe Première doit accepter le deal. On ne lui impose pas d’aligner tel ou tel jeune, mais on l’avertit qu’il ne doit pas réclamer sept ou huit transferts avant d’avoir regardé ce qu’il y avait dans le réservoir. Désormais, on transfère uniquement des joueurs appelés à occuper des positions pour lesquelles on ne trouve pas de solution parmi nos jeunes.
Ce travail avec les jeunes nous coûte annuellement un million d’euros. C’est plus que le budget de certains clubs de D2. On a 200 jeunes et 25 entraîneurs. On est parvenu – et c’est unique en Flandre – à convaincre une école d’accepter que certains jeunes joueurs s’entraînent pendant les heures de cours sous la houlette des entraîneurs du RC Genk. Tous ces footballeurs ne sont, bien sûr, pas originaires de Genk. C’est une utopie de croire qu’un gamin va signer sa première carte d’affiliation à Genk et que, 12 ans plus tard, on pourra présenter le produit fini sur un plateau à l’entraîneur en chef en lui disant : – S.v.p. , voilàunjoueurde18ansqu’on aformé ! On a eu KevinVanbeuren autrefois, et on a actuellement le deuxième gardien SinanBolat qui est au club depuis toujours, mais ce sont des exceptions. Faire de la formation, c’est aussi faire du scouting. On a des jeunes qui viennent d’au-delà des frontières limbourgeoises. Cela coûte aussi de l’argent, car il faut les accueillir, les loger, les nourrir, les transporter. Ce transport de jeunes, c’est une petite entreprise en soi. Chaque matin, on part de Genk à 6 h 30 pour aller chercher un joueur à Kessel-Lo, près de Louvain, à 7 h 15. Et retour le soir, évidemment. Certains diront : quand on a de l’argent, on peut prendre les meilleurs. C’est à la fois vrai et faux, car on n’a jamais fait de la surenchère pour acheter les meilleurs jeunes des autres clubs. Des garçons comme LoganBailly, SébastienPocognoli, SvenVerdonck, JordanRemacle ou même StevenDefour ne sont pas venus à Genk parce qu’on leur offrait un meilleur contrat, mais parce qu’ils voyaient que la porte de l’équipe Première leur serait ouverte. D’ailleurs : 20 % à peine de nos Espoirs possèdent un contrat. C’est un risque que nous prenons, mais c’est aussi une marque de confiance que les jeunes nous donnent en décidant de rester malgré tout. Ceux qui le méritent peuvent être rapidement récompensés : la saison dernière, Verdonck a signé trois contrats en l’espace de quatre mois. Il n’en avait pas au départ, puis en a signé un petit, ensuite un plus grand et enfin un plus grand encore « .
Plutôt 200 jeunes qu’un gros transfert
Breugelmans : » A Genk, il n’y a qu’une rue à traverser pour passer du complexe sportif des jeunes au stade Fenix, mais c’est souvent le pas le plus difficile à franchir. Dans beaucoup de clubs belges le passage est bouché. A Genk, il y a une ouverture. Plus que cela : une volonté de la direction. Le choix du club, d’accorder cette saison la préférence à Bailly par rapport à JanMoons, malgré tous les services que celui-ci nous a rendus, est significatif : il y a 15 ans d’écart entre les deux. Le flux continue. JelleVossen est le dernier à avoir intégré le noyau A. Il n’a pas encore joué, mais à 17 ans, il a déjà pris plusieurs fois place sur le banc. Cette récompense est un stimulant pour les autres. Entre un bon transfert à un million d’euros, ou 200 jeunes à un million d’euros, on a fait un choix. Et je crois qu’on a déjà connu de belles réussites. Malgré le fait que les 20.000 personnes qui garnissent le stade Fenix veulent d’abord voir leur équipe gagner, ils sont aussi heureux de remarquer que des jeunes percent. La direction aussi désire voir l’équipe jouer le haut du tableau, mais elle constate que ce n’est pas incompatible avec l’introduction de jeunes joueurs. Le président actuel, HarryLemmens, est d’ailleurs l’ancien président des jeunes. C’est important d’avoir, au sein du club, plusieurs personnes à différents niveaux qui épousent tous la même philosophie « .
DANIEL DEVOS
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