Forcé de rester

Sans son meneur de jeu français, Zulte Waregem n’est plus le même. Le joueur s’est fait une raison : le transfert auquel il rêvait, ce sera pour dans six mois ou un an.

On a l’impression que la saison de Zulte Waregem s’est terminée lorsque FranckBerrier s’est blessé. Au moment où le Français a dû quitter le terrain, le Essevee menait 1-0 face au Standard. Au final, le match s’est clôturé sur un partage 1-1. Puis, les Flandriens ont enchaîné les défaites : 2-1 à Malines lors de la dernière journée de la phase classique, puis 6-0 à Anderlecht lors du premier match des play-offs 1, ensuite deux défaites à domicile sur le même score de 1-2 contre Saint-Trond et La Gantoise…

 » Je suis sorti après 20 minutes de jeu, lors de l’avant-dernier match de la phase classique contre le Standard « , se souvient Berrier.  » Je me suis blessé tout seul, en changeant d’appui. Ma jambe s’est pliée. Sur le coup, j’ai entendu le craquement et j’ai eu très mal. Je me suis directement douté que c’était grave. Mais, curieusement, le médecin qui m’a examiné en premier lieu m’a affirmé, après avoir touché l’endroit sensible, que cela irait. J’ai donc continué le match pendant quelques minutes, j’ai tiré un coup franc et un corner. Mais j’ai dû arrêter, car la douleur devenait insupportable. C’est le lendemain que j’ai appris que les croisés étaient touchés. J’en ai donc pour cinq ou six mois, en fonction de la vitesse de guérison. « 

 » On ne joue plus de la même manière « 

Trois jours après l’opération, Berrier était déjà venu, en béquilles, encourager les copains à Malines lors du dernier match de championnat devant décider de l’attribution de la sixième place, qualificative pour les play-offs 1.  » Je sentais que ma présence pouvait être importante, ne serait-ce que moralement. JérémyTaravel, lui aussi blessé, s’était également déplacé pour ce match décisif. Ma blessure avait un peu perturbé l’équipe, la pression était forte également car le club avait fait de la participation aux play-offs 1, un objectif. L’objectif a finalement été atteint, mais depuis lors, on ne peut pas affirmer qu’on ait brillé. Le problème est qu’on ne parvient plus à marquer les premiers. On réagit au lieu d’agir.  »

Indirectement, les mauvais résultats de Zulte Waregem démontrent l’importance de Berrier dans l’effectif.  » Ce n’est pas à moi le dire, mais c’est vrai qu’on ne joue plus de la même manière. J’étais le meneur de jeu. KevinRoelandts et KhaleemHyland essaient de reprendre le rôle, mais cela ne se passe pas très bien pour l’instant. On doit d’abord s’attacher à reprendre confiance progressivement. Même si la qualification pour l’Europa League n’est pas d’une importance capitale pour le club, cela nous donne au moins un objectif.  »

Berrier a son avis sur la nouvelle formule.  » C’est paradoxal, car les play-offs 1 avaient en principe été créés pour les grands clubs, mais ce sont les petits qui en profitent. Je comprends que ce soit frustrant pour Anderlecht de terminer la phase classique avec 12 points d’avance et de devoir remettre en jeu un titre qui était virtuellement acquis. Une saison de 40 matches n’est pas l’idéal non plus lorsqu’on nourrit, parallèlement, l’ambition de réaliser un long parcours sur la scène européenne. Par contre, pour les petits clubs comme Courtrai, Saint-Trond et Zulte Waregem, c’est tout bénef : la formule nous offre une chance d’être européen, et les droits télés, plus importants que dans les play-offs 2, mettront du beurre dans les épinards. « 

 » Je me suis fixé la date du 15 août « 

Pour Berrier, cette blessure est tombée à un mauvais moment d’autant qu’il envisageait sérieusement un beau transfert en guise de couronnement pour deux belles saisons en Belgique.  » Cela aurait pu arriver plus tôt ou plus tard, mais le sort en a décidé autrement. Lorsqu’on m’a appris que j’en avais pour six mois, ce fut dur à encaisser. Mais dès le lendemain, j’avais retrouvé du courage. J’ai toujours été d’un naturel optimiste, et à l’heure qu’il est, le moral est bon. J’ai encore de belles années devant moi : je n’ai que 26 ans, ce n’est pas comme si j’en avais 33 ou 34. Il y a des choses plus graves qu’une blessure au genou ou un transfert reporté. A l’heure qu’il est, mes pensées ne vont plus vers la saison prochaine. Ma priorité va à ma guérison. Je me suis fixé la date du 15 août pour rejouer. Certains diront que cela me laisse encore 15 jours pour trouver un autre club avant la clôture de la période des transferts, mais je ne songe plus nécessairement à cela. Pour retrouver la grande forme, il me faudra au moins encore un mois supplémentaire. Ce me place à la mi-septembre, voire fin septembre. Je ne veux pas forcer, au risque de subir une rechute. Certes, si des propositions me parviennent cet été, je les examinerai sinon, ce sera partie remise jusqu’en janvier 2011… ou plus tard. Si je dois encore refaire toute une saison à Zulte Waregem, ce ne sera pas une catastrophe. « 

Berrier était devenu la cible de nombreux clubs, mais tous les contacts ont été interrompus après cette blessure. Les candidats acquéreurs attendent l’évolution de sa guérison.  » Il n’y avait pas encore d’offre réellement concrète, mais une dizaine de clubs avaient manifesté leur intérêt. Je pense que des offres seraient arrivées en mai ou juin.  » S’il ne veut pas citer les clubs intéressés, il ne nie pas que le Standard figurait dans le lot.  » Les contacts venaient d’un peu partout : de Belgique mais aussi de France, des Pays-Bas et d’Allemagne. Des pays qui m’intéressent. L’Allemagne, par exemple, m’attire : c’est un championnat qui devrait me convenir, car il y a beaucoup d’espaces. Beaucoup de meneurs de jeu ont bien réussi en Bundesliga.  »

Les assists, c’est innécomme pour Boussoufa

Les deux saisons passées en Belgique lui ont en tous les cas fait un bien fou.  » Lorsque je suis arrivé, en 2008, j’étais surtout intéressé par le fait de jouer en D1. Je venais de National, ce qui n’est que la D3, et cela n’a rien à voir. Certes, le championnat belge n’est pas le plus grand championnat d’Europe, mais c’est une compétition intéressante où un joueur qui se met en évidence est rapidement repéré par les scouts de clubs plus huppés. C’est exactement ce qui s’est passé dans mon cas. La première année, je m’étais fixé comme objectif de jouer le plus de matches possibles. J’ai été au-delà de cet objectif, puisque je suis devenu le meilleur passeur du championnat. J’ai réussi à relancer ma carrière, à me faire apprécier par les supporters à qui j’essaie de donner du spectacle. Cette saison, j’ai eu affaire à une rude concurrence avec MbarkBoussoufa, dans le secteur des passes décisives.  »

D’où vient ce don pour les passes décisives ?  » Chez moi, c’est presque inné. Comme chez Boussoufa, je pense. Nous sommes des joueurs avec un gabarit similaire. Après, c’est une question de sentir le jeu, de réaliser le bon geste au bon moment. En ce qui me concerne, adresser une passe de but me procure une jouissance comparable au fait de marquer moi-même. Même si, secouer les filets adverses de temps en temps, c’est bon pour le moral. Cette saison, j’ai inscrit quatre buts, dont un seul sur un coup franc direct. « 

Berrier savoure son passage en Belgique.  » Lorsque j’étais à Caen, je n’étais pas prêt pour jouer au plus haut niveau. Je n’avais que 20 ans, c’était trop tôt. Mais voilà déjà trois ou quatre ans que j’ai beaucoup progressé, mentalement. Je travaille beaucoup plus, aussi. Mon passage par la Belgique m’a permis de démontrer que j’étais un bon joueur, et aujourd’hui, je me sens prêt à franchir un palier supplémentaire. Je suis un peu plus connu qu’à mon arrivée. On parle même de moi lorsque je suis blessé, la preuve… « 

 » Le championnat belge, c’est presque du foot en salle « 

Un autre Français dont on a beaucoup parlé à Zulte Waregem, c’est TeddyChevalier, arrivé de Boussu Dour.  » Il a réussi une très belle saison, avec ses 12 buts. Lui aussi est un peu moins en vue lors des play-offs, c’est dommage. Parce qu’il ne bénéficie plus de mes passes ? Peut-être, c’est vous qui le dites. Mais il y avait effectivement des automatismes qui s’étaient créés autour de lui, et qui n’existent plus aujourd’hui. Teddy et moi, on ne se connaissait pas avant de se rencontrer au stade Arc-en-ciel. Jérémy et moi, non plus. Mais on s’est très vite découvert des atomes crochus. J’étais déjà là depuis un an et je connaissais la maison, je l’ai donc un peu guidé. La barrière de la langue constitue parfois un obstacle : j’ai pris des cours de néerlandais, mais c’est vraiment trop compliqué. Heureusement, tout le monde parle français au club.  »

Lorsqu’un Français découvre le championnat de Belgique, qu’est-ce qui le surprend ?  » Je trouve que c’est souvent fou-fou en fin de match. L’équipe qui perd veut gagner à tout prix, ou au moins égaliser. On voit fréquemment le gardien monter dans les dernières minutes : c’est impensable en France, où l’organisation doit régner en maître et où la tactique prend le dessus sur tout. En Ligue 1, lorsqu’on arrive dans les 30 derniers mètres, c’est très difficile d’encore réaliser une passe décisive. On ne trouve pas la solution parce que la défense adverse est très bien en place. En Belgique, il y a plus d’espaces. Sur le plan tactique, c’est : tous devant et tous derrière. C’est presque du foot en salle. Un autre aspect qui m’a surpris, mais de façon positive : les supporters restent longtemps au stade après le coup de sifflet final. Ils doivent un verre entre eux, puis avec les joueurs qui veulent bien se joindre à eux. Cela me plaît beaucoup. En France, lorsque le match est terminé, on ferme le stade. « 

Cette bonne ambiance n’est pas étrangère à la belle saison de Zulte Waregem, selon Berrier.  » Je constate que, malgré des moyens largement inférieurs à ceux d’autres clubs, on a réussi nos objectifs. Si les joueurs s’entendent bien dans le vestiaire, il y a déjà 50 % du travail de fait. On a l’une des équipes les plus jeunes du championnat, on a donc encore une marge de progression intéressante. Car ces jeunes ne sont pas dénués de talent. Je ne peux comparer Francky Dury à aucun autre entraîneur. Chacun a sa philosophie à lui. La sienne, c’est d’être bien en place au départ mais d’essayer de jouer le plus possible au ballon malgré tout.  »

Les joueurs qui l’impressionnent dans le championnat de Belgique ?  » Boussoufa, dont j’ai déjà parlé. Je le trouve décisif à quasiment tous les matches, même s’il ne brille pas toujours 90 minutes : c’est sa principale qualité. Sinon, je suis aussi sous le charme d’ IvanPerisic, DorgeKouemaha, RomeluLukaku, StevenDefour et MilanJovanovic. C’est mon top 6. Il est assez classique, mais ces six-là pourraient à coup sûr jouer dans des championnats plus relevés. « l

par daniel devos

« Il ne nie pas que le Standard figurait dans le lot des intéressés. »

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