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FOOTBALLEUR MALGRÉ LUI

Débarqué à Mouscron pour y faire étalage de ses qualités de buteur, Roman Ferber espère bien y acquérir un statut de titulaire toujours refusé à Charleroi. Sans prise de tête, mais avec la conviction de vouloir se faire une place dans un milieu qui a changé sa vie.

Visiblement épuisé par un entraînement qui a tiré en longueur, l’ancien n°4 de l’attaque carolo est forcément soulagé au moment de se poser pour revenir sur son parcours atypique qui l’a amené à ce prêt de dernière minute direction Mouscron, le 30 août dernier. À l’aube de sa deuxième saison en D1, Roman Ferber (23 ans) a gardé le même sens des priorités et n’oublie pas d’où il vient. Légitime pour un garçon qui a découvert les différentes prairies du Royaume à travers les divisions amateurs.

N’essayez donc pas d’arracher une larme à ce grand gaillard de 191 centimètres parce qu’il n’a pas reçu le temps de jeu souhaité à Charleroi. Pour se jurer de ne jamais oublier d’où il vient, Roman s’est d’ailleurs fait sienne une maxime qui lui sied à merveille :  » Aime ce que tu as avant que la vie ne t’enseigne à aimer ce que tu as perdu.  » En italien dans le texte, pour être certain de ne jamais oublier ses racines maternelles. Entretien à coeur ouvert.

Roman, Mouscron, c’est un nouveau départ, mais un sacré challenge aussi. 99 % des observateurs voyaient le club descendre l’an dernier et cette saison est à nouveau celle de tous les dangers. Tu ressens une forte pression depuis ton arrivée ?

ROMAN FERBER : Elle est personnelle surtout la pression. En avril, si mon option n’est pas levée, je me retrouve sans contrat. Dans le cas contraire, je prolonge automatiquement pour deux ans à Charleroi. Et ça passera par une bonne saison ici. Je pense qu’il nous faut encore un peu de temps pour que la sauce prenne, mais l’ambiance dans le groupe m’incite à l’optimisme. Évidemment, ce n’est pas la même chose qu’à Charleroi où tout le monde parle français. Ici, vu le nombre d’étrangers, je ne suis même pas certain qu’il y en ait beaucoup qui se rendent compte de la qualité du staff et de l’importance qu’a pu avoir un Lorenzo Staelens dans le monde du football belge. Pour moi, c’est Mr De Boeck et Mr Staelens. Je n’oserais pas les appeler Lorenzo et Glen.

 » JE RÊVAIS TELLEMENT DE TOUT PÉTER À CHARLEROI  »

Il y a an, tu revenais à Charleroi, 5 ans après ton départ mouvementé du club. Douze mois plus tard, te voici donc à Mouscron. C’est un aveu d’échec ?

FERBER : J’avais conscience de l’ampleur de la tâche qui m’attendait, mais j’aurais tellement voulu montrer plus. En fait, je suis terriblement frustré. Pas par rapport à l’entraîneur, aux joueurs ou quoi que ce soit, mais vis-à-vis de moi-même. Je rêvais tellement de tout péter dans mon club, mais cela ne s’est malheureusement pas passé comme je l’aurais espéré.

C’est la transition avec le foot pro que tu as encore un peu de mal à digérer aujourd’hui ?

FERBER : Sans aucun doute. Physiquement, j’accuse toujours un temps de retard par rapport à la majorité des gars qui composent le noyau à Mouscron. Moi, je trouve que c’est normal. C’est ma troisième saison en pro, mais l’an dernier je n’ai pas joué, donc c’était une année dans le vent. Je pense que j’ai besoin d’une saison avec minimum 20-30 minutes de jeu par semaine si je veux me mettre à niveau physiquement.

Justement, tu as reçu des garanties par rapport à ton temps de jeu ?

FERBER : Aucune. Après, ici, et comme à Charleroi, je me retrouve en concurrence avec deux joueurs (Mulic et Diedhiou, ndlr), mais à l’inverse de Charleroi ou ça tourne très bien avec un Pollet à 3 buts et un Bédia qui rentre bien chaque semaine, Mouscron se cherche un peu plus et compte essentiellement sur Markovic pour marquer des buts. Je n’ai aucune garantie, mais vu le discours qu’on m’a tenu, j’ai l’impression qu’il y a une place à prendre.

L’an dernier, tu te consolais en te disant que tu avais beaucoup à apprendre d’un gars comme Jérémy Perbet ?

FERBER : C’est un mec, tu le regardes, tu apprends. Le problème, c’est que son talent est inné. Sur 25 buts, il en a peut-être marqué 17 en une touche de balle. Il a un flair, c’est fou. Une balle va sur le poteau, tu peux être sûr qu’il sera là pour la pousser au fond. C’est un don. Et aux entraînements, c’est pareil. Peut-être que les gens pensent que c’est de la chance, mais quiconque a déjà joué avec Perbet, sait que ce n’est pas le cas. En fait, il n’a pas mille qualités, mais celles qu’il possède, il les maîtrise à 100 %.

Le 11 juillet dernier, Charleroi signe celui que le club considère alors comme le remplaçant de Perbet en la personne de Chris Bédia. Comment tu l’as vécu ?

FERBER : Comment peut-on être content de la venue d’un autre attaquant ? Moi, je suis quelqu’un de très cartésien, donc je ne vais pas faire semblant, ça m’a mis mal pendant plusieurs jours. C’est comme dans tout boulot. Si on t’amène de la concurrence, c’est que quelque part tu ne satisfais pas aux exigences. Ça ne fait jamais plaisir de se l’entendre dire. Tous ceux qui pensent ou disent le contraire, ce sont des faux-culs. Je ne vois pas autre chose. Après, pour revenir à Bédia, j’étais très déçu de sa venue, mais j’étais le premier à reconnaître qu’on avait besoin d’un autre joueur sur le front de l’attaque.

 » JE SAIS CE QUE C’EST DE SE LEVER À 3H15 DU MATIN  »

C’est le fait d’avoir appris ton métier dans les divisions amateurs qui te permet de garder un certain recul sur ta situation ?

FERBER : Je vais vous dire quelque chose : le monde du foot, ce n’est pas franchement ma tasse de thé. J’ai été formé pendant sept ans au Sporting Charleroi, mais après j’ai connu la Provinciale et la Promotion. Vous savez ce que c’est de jouer en provinciale ? C’est deux entraînements par semaine, un match le week-end et puis c’est tout. Le reste du temps, je travaillais dans le bâtiment, ça m’a permis de me construire. Je ne suis pas comme 85 % des footballeurs, je n’aime pas ce monde, je n’aime pas les valeurs qu’il véhicule. J’ai travaillé, je sais ce que c’est de se lever à 3h15 du matin. Et je pense que dans un vestiaire de foot, je serai toujours quelqu’un de différent par rapport à la trajectoire de vie qui est la mienne. Forcément, il y aura toujours un décalage avec les gars qui sortent des centres de formation et qui n’ont jamais connu autre chose que le foot. Après, je les respecte parce que leur réussite n’appartient qu’à leur talent, mais cela ne fait pas d’eux des gens à part. Concrètement, ils n’ont pas plus de mérite qu’un maçon.

Ta formation de soudeur, c’est une sécurité professionnelle qui t’aide à relativiser dans les moments de creux ?

FERBER : Beaucoup rigolent quand je leur parle de ma formation et de mon parcours, mais on verra quand on aura 35 ans qui sera le plus à l’aise. Ça m’aide beaucoup mentalement, parce qu’étant petit, j’avais un rêve : devenir footballeur professionnel. Ce rêve, je l’ai réalisé depuis peu et si tout doit s’arrêter du jour au lendemain, je n’aurai aucun mal à revenir à ma vie d’avant. Je suis en fait très fier de tout ce que j’ai fait pour en arriver là. D’ailleurs je n’ai aucun regret d’avoir arrêté une première fois le foot à 17 ans. Je referais tout exactement pareil.

À ce sujet, raconte-nous comment tu en es arrivé à tout envoyer balader après 7 années de formation à Charleroi ?

FERBER : J’avais 17 ans et j’étais en U19 à Charleroi. Le problème, c’est que je ne jouais pas trop et qu’avec le coach, ça ne se passait pas trop bien. Je respectais ses choix, c’était son droit. Jusqu’au jour où, lors d’un entraînement, deux joueurs se battent sur le terrain. On les sépare, on se met tous en rond et on discute de ce qui ne va pas dans le groupe parce que visiblement, c’était le moment d’éplucher l’oignon (sic). Tout le monde dit ce qu’il a dire et à un moment, je prends la parole pour dire au coach qu’il serait peut-être temps de resserrer la vis. Je ne m’excluais pas du tout du reste du groupe parce que j’étais le premier conscient d’être encore fort jouette à l’époque. Je n’étais pas contre une punition, j’avais 17 ans et beaucoup de choses à apprendre. Mais, là, il me dit juste :  » non, c’est bon, toi, Roman, tu la fermes « . Je me suis levé, j’ai fait mon sac et je suis parti. Personne n’a jamais cherché à me retenir, mais l’année d’après le coach avait disparu de la circulation. Je crois qu’ils lui en ont voulu que je sois parti (rire).

 » SI J’ÉTAIS PAS PRO, J’IRAIS MANGER UN MCDO  »

Comment ça s’est passé dans les mois qui ont suivi ?

FERBER : Deux semaines après, j’ai rejoint mon frère en P2 à Gilly. Pendant 6 mois, je suis resté là-bas et en septembre j’ai commencé à jouer avec Farciennes en P1 où j’ai fini meilleur buteur de la série. En fin de saison, le vice-président de la Jeunesse turque vient me voir et me propose de signer chez eux pour un peu plus d’argent qu’à Farciennes. Je ne me pose pas trop de questions et je dis oui. Sauf que dans le même temps, le président de la JS Turque rachète l’Olympic Charleroi et me case là-bas. Pour moi, c’était tout bénef’, ça me permettait de jouer en Promotion plutôt qu’en P1. Sauf que la première année n’a pas été évidente, je me suis retrouvé à jouer contre des hommes, des vrais. Le niveau était forcément un peu plus relevé et je jouais sur un côté. Puis, la deuxième saison, je plante 7 buts et donne 14 assists tout en jonglant avec mon boulot dans le bâtiment. Jusqu’à l’été 2014 et cet amical contre Mons où on prend un 6-1, mais durant lequel je sors un gros match. Deux semaines plus tard, après quelques négociations compliquées avec l’Olympic, je signe à Mons et je quitte mon boulot. C’est le début de ma nouvelle vie, le début d’un rêve en fait.

Un rêve exigeant. Tu n’as pas l’impression que l’ensemble des exigences liées au monde du foot pro peut parfois constituer un frein à ton épanouissement personnel ?

FERBER : Ce qui est certain, c’est que je prends évidemment beaucoup moins de plaisir qu’à l’époque. Chez les pros, un match tu le joues pour le gagner, point. En P2, tu gagnes, tu perds, dans les deux cas tu finiras par faire la fête avec tout le groupe, mais aussi les onze mecs en face. Bon, après, à Charleroi, si j’avais envie de boire une bière après le match, je buvais ma bière. Personne ne m’a jamais rien dit à ce sujet et quand bien même, je ne suis pas sûr que je l’aurais écouté. Peut-être qu’à Bruges ou Anderlecht, ce serait différent, mais à partir du moment où tu fais attention et où tu n’abuses pas, je ne vois pas le souci. Par exemple, là maintenant, si je n’étais pas footballeur pro, j’irais manger un Mc Do. Mais je ne peux pas. C’est ce qu’il a de plus moche dans notre métier. À ce niveau-là, ma vie d’aujourd’hui n’est plus la même qu’avant. D’ailleurs, il faudrait encore que je perde l’un ou l’autre kilo (rire).

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTOS BELGAIMAGE – JASPER JACOBS

 » Perbet, il n’a pas mille qualités. Mais celles qu’il possède, il les maîtrise à 100 %.  » ROMAN FERBER

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