Foot pour toutes, à quand le bonheur ?

Demain à 18 h, ne ratez pas la finale de la Champions League ! Si, si, ce jeudi… celle des filles, leur foot en vaut la peine ! C’est à Kiev, entre Lyon et le Wolfsburg de Tessa Wullaert, la plus cotée de nos footballeuses ! Elle fut le premier Soulier d’Or féminin en 2016, avant Janyce Cayman de Montpellier en 2017, ce qui me file un petit déplaisir : le Soulier d’Or mâle continue obstinément à n’être accessible qu’à des Belges ou non-Belges de notre compétition pas top, mais quand les organisateurs daignent enfin instaurer une godasse d’or pour filles, voilà que ça s’ouvre derechef aux Belges footballeuses à l’étranger. Discrimination anti-mecs ? Bizarrerie.

Revenons à Wullaert, au prénom ô combien poétique : Aah, La chanson de Tessa de Jean Giraudoux, aujourd’hui très mort, mais prestant jadis en D1 de littérature française… Notre Tessa sur crampons peut faire rêver elle aussi, mais gageons qu’elle en ait l’occasion : car elle est souvent sur le banc quand l’adversaire est fortiche ! Elle n’a disputé que les deux fins de demi-finales face à Chelsea, il faut le savoir et faire profil bas. Même si ça perturbe un peu notre chauvinisme naissant pour ces Red Flames, anglicisées par nécessité de marketing bilingue. J’aurais préféré Diablesses Rouges !

Tessa est aussi l’égérie belge d’un slogan qui chatouille le monde du football féminin : Equal play, equal pay ! réclame notre buteuse (buteure, butrice ? ! ). Tessa la twitteuse revendique donc un salaire égal à celui des Diables sous prétexte que son jeu vaut bien le leur. Mouais. En tout cas, elle en a déjà fourni un début de preuve : en décembre, face au Bayern, elle conteste son carton jaune en crachant comme un mec aux pieds de l’arbitresse ! Et ça, ça me fait peur, comme le début de la fin d’un foot féminin différent, moins tricheur, moins haineux, moins fermé. Déjà que l’EURO féminin m’avait fichu le doute : 68 buts en 31 matches malgré des keepeuses plutôt faiblardes, ce n’est pas un ratio qui invitait à l’optimisme…

Reste que grâce à la RTBF, l’EURO de juin dernier fut un éclairage joli pour nos Diablesses : c’est-à-dire pour le haut du panier de notre foot féminin, et même si les chances de qualif pour le Mondial 2019 sont désormais minces ! Mais là où Tessa and Co se gourent, là où elles montrent que la gloriole nombriliste n’a pas de sexe, c’est en jalousant nos mecs du top et en s’oubliant privilégiées par rapport à des flopées d’amateurs mâles : lesquels jouent pour quasi peau de balle comme elles, mais sur de bien moins beaux terrains, devant moins de monde et sans télé, moins chouchoutés, moins émouvants sans doute, mais pas moins fortiches d’un point de vue purement technique, faut quand même le dire !

Tessa devrait plutôt militer pour ses consoeurs du bas : ces amateures (-teuses, trices ? ! ) loin d’être grosses gâtées comme elle ! Car notre foot féminin de club n’est pas jojo. Notre mal nommée Super League se réduit comme peau de chagrin, Marc Coucke joue les coincés du larfeuille alors que ses filles sont championnes, et 2/3 des présidents pros se foutent d’une section féminine comme de leur premier string, au point que la Ligue Pro doive envisager des stimuli financiers… Au niveau amateur, l’immense majorité des clubs rechigne à créer une section féminine. Et au niveau wallon, derrière la formidable locomotive qu’est depuis lurette le Standard Fémina, trois noms seulement perdurent en nationale parmi les clubs de Flandre : Saint-Ghislain, Chastre, Sibret, chapeau pour leur obstination !

Ce n’est donc ici qu’un début, même si nos Red Flames se mettent à exister ! Avec les mecs et pas contre eux, Tessa doit continuer le (bon) combat, pas celui du pognon, mais celui de l’accès pour toutes au ballon rond. Et c’est ici que je recommande deux films. D’abord Free to run (1), docu exceptionnel sur la naissance du jogging : narrant notamment que voici 50 ans, les femmes ne pouvaient même pas courir ! Ensuite Comme des garçons (2), comédie caricaturant (un peu) la naissance du foot féminin en France, à Reims en 1969 : ça montre bien les difficultés et préjugés de l’époque et ça reste rigolo, même si la vedette est un mec qui surjoue les machos : l’inénarrable Max Boublil interprète en effet le journaliste à l’origine de l’initiative rémoise.

(1) Pierre Morath, 2015

(2) Julien Hallard, 2018

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