Foot bruxellois, c’est la cata

Si Anderlecht a ri en fin de saison, les autres clubs de la capitale ont pleuré leurs illusions perdues.

Anderlecht est l’arbre qui cache la forêt du football bruxellois. Si le RSCA a fêté son centenaire par l’obtention d’une Coupe de Belgique, à défaut d’un titre, les autres cercles de la capitale ont été nettement moins bons. Le FC Brussels est condamné à une D2 où il sera privé du derby contre les Unionistes, eux-mêmes relégués en D3 après avoir longtemps cru vivre une année tranquille. En D3, les Jaune et Bleu sont appelés à rencontrer le White Star, recalé une nouvelle fois à ce niveau malgré ses aspirations de montée. Comment en est-on arrivé là à Molenbeek, Saint-Gilles et Woluwé et quelles sont les perspectives d’avenir ? C’est la question que nous avons posée à Dimitri Mbuyu, ex-manager sportif du FC Brussels, Philippe Nicaise, manager sportif de l’Union, et Michel Farin, président du White Star.

Dimitri Mbuyu :  » Le FC Brussels est devenu le vilain petit canard « 

L’ancien Diable Rouge du Standard et de Bruges devenu manager sportif a failli travaillé à Mons, Lokeren, Courtrai, Saint-Trond ou Stoke City (scouting) mais a finalement pris la décision de travailler pour le ministère des Sports de la Communauté flamande (aspect social du football professionnel et amateur).

Mbuyu :  » Je pense qu’il y a de la place pour un deuxième club bruxellois en D1 au côté d’Anderlecht. Le FC Brussels aurait pu et dû être celui-là. Il y a deux ans, nous avions terminé le championnat à la dixième place, en totalisant près d’une cinquantaine de points. Si, à ce moment-là, nous nous étions donné la peine de conserver nos meilleurs éléments tout en y adjoignant l’une ou l’autre valeur sûre, nous nous serions stabilisés dans la première colonne du classement final de la D1. L’erreur aura été de nous séparer d’ Igor De Camargo, qui n’a jamais été remplacé. Le président Johan Vermeersch a, évidemment, pu réaliser une affaire financière juteuse avec lui. Mais, à l’analyse, l’argent récolté n’est jamais parvenu à compenser la perte sportive. Au contraire, il a été investi dans des garçons qui n’ont jamais apporté la moindre plus-value. Et ce qui est d’application dans le cas de l’avant brésilien peut être étendu à d’autres éléments qui ont remarquablement servi le club avant d’être sacrifiés pour des raisons pécuniaires sans être à leur tour avantageusement compensés : je songe à des garçons comme Wery Sels, Mickaël Niçoise ou Jonathan Téhoué, pour ne citer qu’eux.

En l’espace de quatre ans, pas moins de 68 transferts ont été réalisés au stade Edmond Machtens. C’est beaucoup pour un club dont le propos, à plus ou moins court terme, était d’avoir une connotation typiquement bruxelloise. Année après année, cette identité s’est étiolée. D’accord, certains n’avaient sans doute pas le niveau. Des garçons comme Cédric De Troetsel ou encore Maxence Coveliers étaient trop justes pour le football au plus haut niveau. Mais d’autres, tels Steve Colpaert voire Alexis Kubilskis auraient pu faire office de locomotives si l’homme fort du club avait adopté une autre attitude à leur égard. C’est son bon droit, bien sûr, de penser qu’un jeune doit d’abord prester avant de se voir offrir un bon contrat. Mais la concurrence ne l’entend pas toujours de cette oreille. Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, d’avoir perdu quelques garçons qui auraient pu, justement, aider à conférer cette dimension bruxelloise. A l’image d’un Colpaert, désormais à Zulte Waregem, ou d’un Sébastien Phiri, appelé à jouer à La Gantoise la saison prochaine. Et ce n’est pas tout : en profondeur, le club est en train de se faire piller aussi par Johan Boskamp ; il sait comment s’y prendre avec la jeune classe et le FC Dender exerce un formidable pouvoir d’attraction.

Ce qui me chagrine par-dessus tout, c’est notre perte d’image en quelques années. Feu le RWDM a toujours eu un côté sympathique et le FC Brussels, qui en est son émanation, a joui de la même cote à ses débuts. Mais la personnalité du chairman, jointe à des considérations extra-sportives (comme des factures non payées ou l’absence d’électricité dans le stade), ont contribué à un net déficit d’engouement. Quel contraste, en tout cas, entre des cas comme De Camargo ou Moussa Sanogo, tout excités à l’idée de débarquer chez les Coalisés à l’époque, et certains dossiers de joueurs restés lettre morte sous prétexte qu’il était exclu pour eux de poursuivre leur carrière à Molenbeek. Le FC Brussels est subitement devenu le vilain petit canard et c’est très grave. Dans un premier temps, il incombe de restaurer un capital-sympathie. D’après moi, le club peut fort bien y arriver en revenant à son idée de départ, qui visait à donner du temps de jeu aux purs produits de l’Ecole des Jeunes locale, voire à des Bruxellois. Mais il convient de construire patiemment. J’ose espérer que Vermeersch, qui est quand même entrepreneur, réalisera qu’il doit s’atteler de la même manière à construire une équipe qu’à bâtir une maison. Et je lui souhaite aussi de se rendre compte qu’une petite tape sur l’épaule ou quelques mots d’encouragement valent mieux que des réprimandes continuelles…  »

Michel Farin :  » Le White Star est l’équipe à battre. Et à abattre « 

Le président :  » L’Eendracht Alost était meilleur que nous lors des test-matches. Je n’éprouve dès lors aucune difficulté à accepter nos défaites avec une bonne dose de philosophie. La seule question qui me turlupine, c’est de savoir si nous luttons à armes égales ou si d’autres éléments entrent en considération. Je ne peux me départir de l’impression, en tout cas, que les promotions du FC Liège et des Flandriens doivent arranger pas mal de monde. D’un côté, ils ont la cote auprès du public. De l’autre, ils ne laissent pas indifférents leur région respective. A Bruxelles, nous ne polarisons pas la même attention. Au contraire, on ne nous fait jamais le moindre cadeau. Nous sommes l’équipe à battre. Et même carrément à abattre, comme cela s’est vérifié quelquefois sur le terrain, ces derniers mois.

Jusqu’au mois de novembre, l’équipe a parfaitement tenu la route. Elle a dispensé un jeu de très bonne facture et, ce qui ne gâte rien, les points ont suivi pendant toute cette période. Puis, Bernard Allou, auteur de onze buts, s’est fait matraquer, comme trois autres joueurs. En l’espace d’un mois, le White Star a perdu à la fois son meilleur réalisateur et son assise défensive. C’est un miracle, finalement, qu’on ait tenu la dragée haute aux meilleurs sur l’ensemble de la compétition. D’autant plus qu’on a dû toujours compter sur nous-mêmes et jamais sur les autres. Les Sang et Marine ont bénéficié de 16 coups de réparation d’un bout à l’autre du championnat. Seize, excusez du peu ! Nous-mêmes n’avons jamais eu droit aux mêmes largesses. Au contraire, j’ai parfois l’impression qu’on passe pour des pestiférés. Lors de la visite d’Alost au stade Fallon, notre capitaine, Mathieu Biot s’est ému à un moment donné d’une décision arbitrale. Tais-toi, chien, c’est moi qui suis ton maître lui rétorqua le referee Raf Bylois. Est-ce normal ? Poser la question, c’est y répondre.

Une chose est sûre : je ne vais plus jouer les matamores la saison prochaine. Durant des années, ce langage audacieux a payé, dans la mesure où nous sommes passés en près d’une décennie de la P4 à la D3. A ce niveau, je remarque toutefois qu’on suscite beaucoup de jalousies et qu’il vaut mieux, finalement, adopter un profil bas plutôt que de clamer son ambition à tire-larigot. J’ai beaucoup appris aussi à travers notre collaboration avec Sheffield United. A priori, je pensais réaliser une toute bonne opération en permettant à une demi-douzaine de joueurs issus des Caraïbes de se réaliser chez nous avant d’apporter un plus dans leur club-mère en Angleterre. Mais je me suis complètement blousé car ils n’avaient pas le niveau, ni la mentalité. L’accord avec les insulaires porte sur cinq ans mais il va être revu et corrigé. Pour se tirer d’affaire en D3, il ne suffit pas de bien jouer au football. Il faut surtout être doté d’une conscience professionnelle exemplaire et d’une grinta de tous les instants. Désolé, mais nos Jamaïcains et Trinidadiens ne l’avaient pas. Ils ne se sont jamais donné la peine d’apprendre le français. La saison prochaine, nous entamerons les débats avec un noyau corrigé de fond en comble. La seule constante, c’est le staff technique. Je suis content de Charly Chapelle. C’est mon Alex Ferguson. L’Ecossais a dû patienter lui aussi avant de trouver la panacée….  »

Philippe Nicaise :  » L’Union en D3, ça fait désordre  » !

Le manager sportif :  » L’Union avait un noyau potentiellement supérieur à celui de la campagne précédente. La preuve, c’est que nous avons battu les deux teams qui se sont disputé la première place lors du tour final : Tubize et l’Antwerp. Nous avons aussi pris un point à Oud-Heverlee Louvain et un autre à KVSK United. Comme quoi, la différence n’était pas grande entre nous et les équipes qui ont participé à cette mini-compétition. Aujourd’hui encore, je dois me pincer pour réaliser que d’une place dans le ventre mou, à mi-parcours, nous nous sommes retrouvés sur l’un des sièges basculants. Bien sûr, nous avons payé un lourd tribut aux blessures. En février, c’est même toute la défense que l’entraîneur, Peter Mommaert, a dû remanier. Il a alors fait coulisser plusieurs hommes d’expérience dans ce secteur, tels DavyPeeters et Stéphane Stassin mais, dès cet instant, l’entrejeu qui a été déforcé. Du coup, les problèmes se sont accumulés et, semaine après semaine, nous avons plongé dans les profondeurs du classement.

Le tournant, ce furent à coup sûr ces 4 points perdus en l’espace de deux rencontres. Face à Beveren d’abord, où nous menions encore 1-2 avant que l’équipe locale n’égalise dans le temps additionnel. Puis à Eupen, où nous tenions encore le nul à quelques encablures du terme avant de concéder une défaite par le plus petit écart. Ces points-là, nous les avons payés très chers puisqu’il ne nous a manqué qu’une unité pour nous sauver. Longtemps, nous avons encore cru à un sauvetage via le tapis vert, suite aux problèmes de licence de Namur. L’URBSFA en a toutefois décidé autrement : l’Union est en D3 et il faut tout mettre en £uvre pour l’en extirper au plus tôt. Ce qui est regrettable, c’est que nous avons perdu du temps pour la bonne et simple raison que nous ne savions pas à quoi nous en tenir. En fin de saison, j’ai passé davantage d’heures avec des avocats qu’avec des joueurs. Loin de moi l’idée de leur jeter la pierre : à partir du moment où le sort de l’Union n’était pas définitivement scellé, je comprends que certains ne voulaient pas discuter d’une prolongation. Tous ces atermoiements nous auront coûté des joueurs. Je songe à Davy Peeters, par exemple, passé à Tirlemont. Ou Stéphane Stassin qui n’a pas voulu reconduire un contrat revu fatalement à la baisse, vu notre relégation.

Nous ne serons pas démunis, pour autant, dans les mois à venir car notre propos sera de réduire notre séjour en D3 à sa plus simple expression. Signe de cette ambition, l’appel à JacquesUrbain, qui avait déjà dirigé l’équipe dans un passé récent et qui n’avait laissé que de bons souvenirs. Rayon joueurs, nous avons l’embarras du choix également car l’Union reste un nom. C’est fou, le nombre de candidatures… Les Jaune et Bleu ne sont pas morts, tant s’en faut. L’Union en D3, sorry, mais ça fait désordre. Nous ne sommes pas à notre place à cet échelon. La seule chose qui nous chiffonne est que le projet visant à la modernisation du stade est mis en veilleuse. L’année passée, suite à un don de 550.000 euros de la région bruxelloise pour l’amélioration de nos infrastructures, nous avions demandé une étude visant la mise en conformité du stade Joseph Mariën aux normes de la D1. Suite à notre passage en D3, cet apport ne sera plus que de 100.000 euros… « .

par bruno govers

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