Foot américain mode d’emploi

Le rêve d’Onyewu & Cie continue. Petits secrets et grandes bizarreries d’un foot de plus en plus stable.

En 1990, 1994, 1998, 2002, 2006, 2010 : carton plein pour les Etats-Unis, qui en sont à leur sixième participation consécutive (avec une organisation chez eux) en Coupe du Monde. Evidemment, les éliminatoires dans la zone Concacaf n’ont rien de surhumain : Barbade, Guatemala, Cuba, who knows ? Mais les Américains ont le mérite d’être toujours au rendez-vous, de dribbler tous les petits obstacles. Et parfois, ils font mieux encore. En 2002 surtout, quand ils s’étaient retrouvés en quarts de finale.

Aujourd’hui, ils sont bien placés pour passer le premier tour. Leur retour de 0-2 à 2-2 contre la Slovénie a enflammé l’Ellis Park de Johannesburg et déchaîné des milliers de supporters qui s’étaient tapé plus de 15 heures de vol pour venir agiter leurs drapeaux et accompagner l’hymne national la main sur le coeur. Les Américains jouent leur avenir ce mercredi face à l’Algérie. En cas de victoire, c’est la qualification presque assurée. Et on y croit dans le camp US. Tous les discours vont dans le même sens : la génération actuelle est sans doute la plus douée de l’histoire du pays.  » C’est incontestable « , nous dit Nathaniel Baker, Managing Editor du site AmericanSoccerNews. net.  » Tim Howard, Landon Donovan, Oguchi Onyewu, Michael Bradley, ce sont tous des gars qui valent le plus haut niveau européen. A chaque poste clé dans l’équipe, nous avons une star.  »

Le complexe mexicain, c’est fini

Le grand rival des USA dans la zone Concacaf a toujours été le Mexique, un pays qui avait déjà une vraie tradition de Coupe du Monde quand les Américains se sont qualifiés en 1990 après 40 ans d’absence. C’était inévitable : on jouait au foot au Mexique, on pratiquait le basket et le base-ball aux States. Et les Etats-Unis prenaient donc régulièrement des torgnoles quand ils affrontaient leurs voisins. Il existait un vrai complexe mexicain. Mais c’est terminé. Il y a huit ans, c’est ce pays que l’Amérique a battu en huitièmes de finale du Mondial.

Au cours des années suivantes, il y a encore eu plusieurs exploits yankees contre les Aztèques. Et lors des éliminatoires pour l’Afsud, ils ont commencé leur parcours en écartant à nouveau l’ennemi, qu’ils ont ensuite devancé au classement final (20 points contre 19).  » Cette supériorité mexicaine systématique dans le passé, c’était un poids « , affirme Baker.  » On constatait un complexe d’infériorité au pays et les Mexicains nous prenaient de haut. Tout le monde en souffrait : les responsables de la Fédération, les joueurs, les supporters, la presse aussi. Et personne n’imaginait que la tendance allait subitement s’inverser. Car nous n’étions pas convaincus d’avoir assez d’armes pour prendre le dessus sur un grand nom du foot comme le Mexique. Ce pays nous devance encore en nombre de participations au Mondial mais c’est pour ainsi dire son seul avantage. Sur tous les autres plans, nous avons l’impression d’être plus costauds. Nous aussi, nous attirons désormais beaucoup de monde dans nos stades, il y a des moyens financiers énormes, la médiatisation suit et nous avons plus de vedettes internationales que le voisin.  »

Bradley, père et fils

Dans la délégation américaine, il y a une histoire de famille  » comme on les aime chez nous parce qu’il y a un côté conte de fées « , lance Baker. C’est l’histoire du fils et du père Bradley. Le gamin, Michael, médian, est un pion important de Mönchengladbach après avoir ébloui les Pays-Bas avec Heerenveen, et il est une pierre angulaire de l’équipe nationale. A 17 ans, avec New York, il avait fait autrefois ses débuts en Major League Soccer avec son père Bob aux commandes de l’équipe. Puis il était devenu le plus jeune joueur américain à être transféré en Europe.

Le parcours de son père a aussi un côté magique. Après le Mondial 2006 et la douloureuse élimination des Américains dès le premier tour, la Fédération et Bruce Arena ont stoppé leur collaboration. Tout le pays attendait la désignation de Jürgen Klinsmann pour le remplacer. Finalement, on a donné une petite chance à Bob Bradley : un contrat d’intérimaire. Mais il a commencé très fort, il a enchaîné 10 matches sans défaite (notamment contre le Mexique !) et on lui a alors proposé un contrat de longue durée. La fédé ne l’a pas regretté : depuis ses débuts en décembre 2006, il a notamment remporté la Gold Cup 2007 (finale contre les Mexicains…) et son équipe a épaté l’an dernier à la Coupe des Confédérations avec une victoire sans discussion en demi-finales contre l’Espagne puis un match fou en finale face au Brésil, où les Américains ont mené 2-0 avant d’être battus.

Baker :  » Aux Etats-Unis, tout le monde est conscient du travail accompli par Bruce Arena. Il a dirigé l’équipe pendant huit ans, il l’a qualifiée pour deux Coupes du Monde et lui a offert un ranking FIFA extraordinaire : la quatrième place juste avant le Mondial 2006. Mais il était temps de passer à autre chose, on constatait un phénomène d’usure, il fallait du sang neuf. Bradley avait le profil idéal quand il a été nommé : à peine 50 ans, un look et une mentalité jeunes, la bonne approche pour diriger tous ces joueurs qui ne se sont jamais pris au sérieux et dont il a fait des copains. « 

Le phénomène Donovan

Landon Donovan est la star des USA. Il a tout : une carrière aux Etats-Unis et dans de grands clubs étrangers (dont de brefs passages au Bayern Munich et à Everton pendant la saison morte dans son championnat), des facultés techniques bien au-dessus de la moyenne, une polyvalence qui lui permet de jouer à n’importe quel poste de l’entrejeu ou de la ligne d’attaque, un look de beau-fils idéal très apprécié au pays. Ainsi que des stats impressionnantes : il a reçu six fois le titre de meilleur joueur américain de l’année et a déjà disputé plus de 100 matches internationaux. A 28 ans seulement. On a mis son avenir en questions après son Mondial 2006 raté, on s’est demandé si ses plus belles années n’étaient pas derrière lui, mais il a bien répondu entre-temps. Au Bayern, Klinsmann était tombé sous son charme. Et à Everton aussi, sa pige ne laisse que de grands souvenirs.

La Major League Soccer nourrit son homme

Sur les 23 joueurs américains du Mondial, il n’en reste que quatre en Major League Soccer – dont Donovan, rentré à Los Angeles. Les autres sont partis chercher fortune au Mexique ou surtout dans différents championnats européens : France, Allemagne, Danemark, Ecosse, Norvège, Italie.  » Mais ceux qui sont toujours au pays ne sont pas malheureux… « , explique Nathaniel Baker.  » La compétition américaine paye très bien et il n’est pas rare que de très bons joueurs ne se précipitent pas sur les offres que leur font des clubs européens. Il y en a qui, dès leur plus jeune âge, rêvent de s’expatrier. Mais d’autres se font tirer l’oreille et pèsent longtemps le pour et le contre : ils doivent tout abandonner pour une carrière européenne hypothétique. Certains sont catégoriques et décident de rester aux Etats-Unis pour garder leur confort de vie. Et donc un salaire conséquent.  »

David Beckham trône évidemment en tête du classement avec les Los Angeles Galaxy : 5,3 millions d’euros par saison. Derrière lui, son coéquipier Donovan qui empoche 1,7 million. Autres gros postes de la MLS : le Colombien Juan Pablo Angel (Red Bills, ex-Aston Villa) avec 1,5 million et le Suédois Freddie Ljungberg (Seattle Sounders, ex-Arsenal) avec un gros million. Le syndicat des joueurs vient de publier tous les chiffres officiels, on y apprend encore que le salaire annuel moyen est de 113.000 euros et il faut y ajouter différents bonus (primes de signature et de classement, revenus publicitaires, etc). Pas mal pour un championnat dont le niveau reste quand même assez faible par rapport à ce qui se fait en Europe.

Une popularité qui explose

Malgré cette faiblesse, la MLS remplit correctement les stades et l’équipe nationale les bonde. A la télévision aussi, les Américains accrochent. Le match contre l’Angleterre a fait beaucoup d’audience : la cinquième de l’histoire de la Coupe du Monde sur le sol US ! Ce fut la rencontre la plus suivie depuis le tournoi at home en 1994. Elle a retenu 14,5 millions de personnes devant leur écran. Cela peut paraître peu dans un pays de plus de 300 millions d’habitants. Peu aussi par rapport aux chiffres du Super Bowl ou des chocs de la NBA. Mais vu que les Etats-Unis n’ont jamais été un vrai pays de foot, c’est quand même révélateur de l’intérêt actuel des Américains pour leur équipe de foot. Le record de l’audimat est toujours détenu par une finale de Coupe du Monde : USA-Chine… chez les filles. l

par pierre danvoye, en afrique du sud – photos: reporters

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