FON Puïten

Lundi 26 juillet, 9 h 00. Il fait très, très gris sur Hambourg. Un crachin accompagne les habitants de la deuxième ville d’Allemagne dans toutes leurs occupations extérieures.

10 h 30, la pluie cesse de tomber. Dans leur centre d’Ochsenzoll, les joueurs du HSV commencent leur entraînement sous les yeux de 200 personnes. C’est une des dernières fois que les Hambourgeois vont s’entraîner dans cet écrin de verdure abritant des infrastructures dont on a du mal à deviner l’existence de prime abord. Pour des raisons de parking, la route donnant accès aux installations est interdite à tout véhicule non autorisé. Pourtant, une fois dépassé l’arrêt obligatoire devant un petit restaurant, les terrains succèdent aux terrains… Tout au bout, à gauche, celui réservé à l’équipe Première.

Le mini public a le sourire : son équipe s’est qualifiée pour les demi-finales de la Coupe Intertoto et, en plus, elle y a mis la manière. Si l’on en croit ces observateurs très avertis, cela fait longtemps qu’ils n’avaient plus éprouvé un tel plaisir. Sur le terrain, les joueurs effectuent leur entraînement de décrassage avec enthousiasme. L’avant-veille, ils se sont bien amusés contre Thun (3-1), leur adversaire suisse et la veille, ils avaient visité le nouveau centre d’entraînement ultramoderne qui a été construit dans l’enceinte du stade.

13 h 00, quelques dizaines d’enfants attendent les joueurs à leur sortie. Parmi ceux qui ont la cote, il y a Daniel Van Buyten (prononcez Fon Poïten) qui, en l’absence du Tchèque Tomas Ujfalusi, portait le brassard de capitaine. Voyant que BigDan ne s’est pas encore montré, certains chasseurs d’autographes s’interrogent : d’habitude il est tout au plus le troisième à sortir et, aujourd’hui, il y a au moins 25 minutes que tous les joueurs sont partis. C’est alors que, 30 mètres plus loin, au bout du parking réservé aux véhicules joueurs, un jeune garçon lance aux autres que Van Buyten est encore là puisque sa voiture immatriculée en France, la seule avec une plaque étrangère, est toujours là.

13 h 30, Van Buyten sort enfin. Le moment est venu de faire plaisir aux enfants et de se laisser photographier en compagnie de tous ces jeunes fans dont la joie est d’autant plus grande que le Diable Rouge s’adresse à eux en allemand. Cela surprend un peu, d’autant que, quand il parle français, il a conservé l’accent du Midi.

Daniel Van Buyten :  » Ma mère est allemande. Elle est originaire de Hanovre et quand j’étais jeune, pendant les grandes vacances, je passais six semaines dans la famille. Nous y retournions également pendant les congés de fin d’année car Noël et le Nouvel An constituent des moments importants dans la vie des Allemands. Plus qu’en Belgique. C’est en jouant avec les enfants de mon âge que j’ai appris la langue « .

Manier la langue facilite l’intégration.

Sans aucun doute mais, même sans ça, je n’aurais pas eu de gros problèmes. C’était quand même plus difficile à Marseille où, pour ma première expérience à l’étranger, j’atterrissais dans un club où la pression est énorme, où il se passe toujours quelque chose et où, pour corser le tout, le noyau avait été carrément chamboulé. Là, j’ai appris ce que c’était le mal du pays. En Angleterre, je ne parlais pas la langue mais en arrivant j’avais déjà un appartement et une voiture. Tout était organisé. Je n’avais besoin de rien, en fait. Trois jours après, toutes les formalités étaient réglées. J’avais même une personne à ma disposition en cas de problème. C’est toujours bon à savoir même s’il n’y a jamais de problème. J’avais demandé directement à suivre des cours d’anglais et deux ou trois jours plus tard, j’avais un professeur. Mon adaptation en dehors du club s’est très vite réalisée. Au sein du club même, il fallait que j’apprenne à connaître les autres joueurs. Ma chance c’est qu’il y avait beaucoup de joueurs français avec lesquels je pouvais communiquer et comme ils avaient aussi de l’influence dans le groupe, en l’espace de trois semaines, j’étais rentré dans l’ensemble. C’était comme si j’avais fait deux ou trois saisons là-bas.

 » Je me sentais bien à l’OM…  »

Le public belge n’a pas bien compris votre départ à Manchester City. Il vous voyait plutôt à Manchester United.

Financièrement, ce prêt intéressait Marseille. A Manchester City, il y avait David Sommeil, qui aurait pu faire le chemin inverse. Comme son manager Pape Diouf, qui était en passe de devenir le directeur technique, était déjà un peu dans les tablettes de Marseille, le défenseur français aurait pu venir à l’OM, en prêt aussi. Moi, au départ, je n’étais pas trop convaincu et je n’avais pas trop envie de partir. Et puis, je me suis dit que ce n’était pas une mauvaise idée que de tenter l’expérience en Angleterre pendant cinq ou six mois, sachant que ce football-là m’attire beaucoup et que j’aimerais bien y goûter. Au moins, je saurais à quoi m’en tenir si un jour je jouais là-bas. Je n’arrivais pas trop à me décider. J’ai alors convenu avec Marseille que j’étais d’accord pour un prêt et que, si je ne m’y plaisais pas, je reviendrais et qu’il n’y aurait pas de suite. La direction m’a assuré que je ne devais pas m’inquiéter, qu’il n’y avait aucun problème. J’ai vu le président Christophe Bouchet, qui m’a annoncé que la saison prochaine il allait faire des transferts et bâtir une grosse équipe autour de moi. A ce stade, je me suis dit que je n’avais rien à perdre : au mieux je fais des bons matches et il y a des voisins qui vont être intéressés et, au pire, je retourne à Marseille où on construit une grosse équipe. Comme je me sentais bien à Marseille, je n’avais pas trop à perdre.

Mais les relations entre vous et le club ont changé…

Une fois mon départ entériné, la direction de Marseille a déclaré dans la presse que j’avais exigé de partir. C’était totalement faux. Dans mes interviews, j’avais prétendu le contraire ; que j’étais à Manchester en prêt et que si cela ne me convenait pas, je reviendrais. Mais les dirigeants relançaient -Daniel ne se plaisait plus et disait toujours que son avenir n’était plus à Marseille. Il le répétait tout le temps. Un jour, j’ai téléphoné au président pour lui demander quoi. Il m’a répondu : – Oh, ce sont des rumeurs. Cela ne vient pas de nous. Alors il y a eu le changement d’entraîneur, José Anigo, qui a déclaré : û Ce n’est pas la peine que Van Buyten revienne, je n’en ai plus besoin.

C’est lui qui a été le plus franc.

Face à moi, en fait, personne n’a jamais rien dit. Le président a prétendu que ce n’était pas lui mais l’entraîneur… Logiquement, je me suis adressé au coach pour connaître ses raisons et il m’a certifié qu’il n’était pas question qu’il se débarrasse des bons joueurs…

Intransférable en juin, poussé vers la sortie en décembre

Dans ces cas-là, ce sont les journalistes qui inventent.

Tout ce petit jeu-là m’a saoulé. J’en avais un peu marre. Je savais les services que j’avais rendus au club et je ne méritais pas cette situation. Pour moi, Marseille c’est quand même un grand club et la façon dont la direction se comportait me décevait vraiment. Et les gens me posaient sans cesse des questions. Je leur répétais inlassablement que ce n’était pas vrai. C’était chaque fois un mensonge et puis un démenti. A ce moment-là, j’ai commencé à rechercher une place autre part. Il y avait plusieurs clubs intéressés, mais beaucoup d’entre eux ne pouvaient pas donner ce que Marseille demandait pour le transfert. Avec Manchester City, c’était toujours les dix millions d’euros. Alors j’ai dit : – Attendez, je suis déjà venu pour ce montant et j’ai joué trois saisons. N’exigez plus dix millions d’euros puisque vous voulez que je parte. Laissez-moi partir pour trois, quatre millions. Plusieurs clubs ont fait la démarche mais la somme exigée les a fait reculer.

Dortmund, Schalke et Newcastle aussi. Pourtant ce club avait fait une offre en vue de la saison 2003-2004. Il avait accepté de verser les dix millions. C’était écrit noir sur blanc mais la direction n’a pas voulu parce que j’étais intransférable dans la mesure où l’OM allait participer à la Ligue des Champions. Pour moi, Newcastle, ce n’était pas mal mais comme l’entraîneur de l’époque, Alain Perrin, insistait pour que je reste et que l’on a revu un peu mon contrat, je ne suis pas parti. Je ne savais pas que cinq mois après, l’entraîneur serait éjecté et que son successeur annoncerait : -Van Buyten, Runje et Mido, je n’en veux pas.

Manchester City était-ce vraiment une bonne destination ?

Après cinq, six matches Kevin Keegan m’a encouragé à continuer comme ça car il y avait de bons clubs qui s’intéressaient à moi. J’ai été surpris par les propos du manager anglais : j’étais-là en prêt et j’appartenais à Marseille. Mais Keegan m’a fait comprendre que, de toute façon, à la fin, c’était à moi que revenait le droit de décider. Keegan me répétait que j’étais bien suivi, que je n’avais pas de raison de m’inquiéter et que mon passage en Angleterre me serait bénéfique. Malheureusement, après huit matches, j’ai été blessé aux adducteurs et je n’ai pas pu jouer les sept derniers. C’est la seule chose que je regretterai de mon expérience en Angleterre.

Une fois blessé, vous êtes rentré à Marseille. Vous attendiez-vous à ce qui allait arriver ?

Je faisais ma rééducation à Marseille, pas dans le club mais à Saint-Raphaël, dans le centre où avait été soigné Robert Pires. A ce moment-là, j’étais convaincu que je resterais à l’OM et que si je faisais une grosse saison, je repartirai peut-être. Comme j’avais dans l’idée de recommencer à Marseille, j’ai contacté le président pour lui dire que, selon les médecins, ma rééducation se passait bien et en savoir plus sur la nouvelle saison. Mais là, il m’a avoué que je n’entrais pas dans les plans de l’entraîneur. J’étais étonné puisqu’il était convenu que je rentre.

 » Comme pour Runje, tout a été fait dans notre dos  »

Vous aviez pourtant encore trois ans de contrat.

Quand Anigo est arrivé, il a donné ses directives. En fait, tout a changé : le staff technique, le capitaine, le kiné, le délégué. Comme pour Runje, on ne m’a jamais rien dit, tout a été fait dans notre dos. Le fait de lire dans les journaux que Fabien Barthez était en passe de débarquer, cela peut déjà faire un choc quand tu n’as rien à te reprocher. Il était logique que Vedran commence à se poser des questions. Mais quand il a vu Barthez dans le vestiaire, il a compris. On avait beau lui raconter que le transfert n’était pas encore fait, il était difficile de l’avaler en voyant l’autre s’entraîner avec le préparateur des gardiens. On ne prend pas un risque pareil, si le transfert n’est pas fait. A cause de tout cela, Vedran n’avait plus sa tête à lui. Alors des ballons qu’il avait sur lui, il ne les captait plus, les poteaux étaient des poteaux rentrants, il n’avait plus la réussite, plus rien ne fonctionnait et, c’est à ce moment-là que la direction annonce qu’elle doit se dépêcher d’effectuer le remplacement.

L’affaire Barthez avait débuté un mois, un mois et demi avant la fin du premier tour et cela a déstabilisé le groupe. Certains joueurs se demandaient pourquoi on agissait de la sorte, émettaient des critiques. Tout cela a semé la zizanie. Vedran ne méritait pas cela car, incontestablement, il avait sa place et en France il a été un des meilleurs gardiens comme il l’a été en Belgique. Au début, il a fallu un petit peu de temps et après il était reconnu comme le meilleur gardien. La preuve, Lyon a envisagé de l’échanger contre Grégory Coupet, qui n’est pas n’importe qui.

Cette situation a-t-elle compliqué les négociations en vue de votre transfert ?

Puisque, encore une fois, Marseille demandait encore beaucoup trop pour un transfert, il y a eu de nombreux clubs intéressés par un prêt. Quand on entend un jour que Van Buyten vaut cher et que le lendemain, Marseille annonce qu’il n’en a plus besoin, cela éveille la curiosité. Comme l’OM était d’accord pour un prêt, les offres ne manquaient pas. Franchement, cela ne m’intéressait pas car après l’aventure de Manchester, j’ai bien vu que Marseille ne comptait plus sur moi et cela ne m’enchantait pas de revivre chaque année la même histoire. Je voulais partir dans un club évoluant à un bon niveau parce que je tiens aussi à rejouer en équipe nationale. J’ai rencontré plusieurs dirigeants dont le discours m’a plu mais, chaque fois, la somme qu’ils désiraient débourser était insuffisante. Le seul club qui était prêt à effectuer une offre qui convenait à l’OM, c’était Hambourg. Comme l’OM demandait six millions et que Hambourg était disposé à en donner quatre, ils ont dû couper la poire en deux.

 » Nous ne nous limitons pas à balancer de longs ballons vers Emile  »

Quels enseignements tirez-vous de vos premières prestations ?

C’est vrai qu’à l’heure actuelle le noyau n’est pas assez étoffé. Sans doute que lorsque tous les blessés auront fait leur réapparition, cela devrait aller. Je pense à Benny Lauth, qui s’est cassé le pied, et qui recommence à tâter du ballon. Il manque aussi Tomas Ujfalusi qui était à l’EURO et qui a eu deux semaines de congé mais qui s’est aussi blessé au pied. Bon, si on tient compte de nos prestations contre Thun et qu’on les compare à celle de Wolfsburg, sèchement éliminé au tour précédent de l’Intertoto, on peut dire qu’on est bien.

Quelle sera votre mission ?

La saison dernière, ils ont gagné tous leurs matches à la maison sans doute parce qu’ils bénéficiaient du soutien des 60.000 spectateurs. En déplacement ils ont tout perdu. L’entraîneur a été clair : à domicile, il faut jouer de la même façon et à l’extérieur, adopter une tactique un peu plus défensive. Plus question de vouloir faire le jeu et de se prendre une casquette. Puisqu’il a opté pour des joueurs comme Lauth et Emile, deux joueurs de contre, l’objectif est de ne pas présenter une équipe toujours portée vers l’avant. Elle doit, dans un premier temps, être solide derrière et puis, seulement, essayer de sortir et de mettre un but.

Quels sont les atouts de Hambourg ?

On a une équipe bien équilibrée. Je pense qu’on aura un onze de base de très bonne qualité et on a sur le banc des joueurs qui peuvent apporter quelque chose. Devant, on a des joueurs très rapides. On a deux bons gardiens qui se valent et c’est le coach qui va décider. On a une bonne défense avec Tomas Ujfalusi et Christian Rahn qui va jouer latéral. C’est un international qui a été victime de plusieurs déchirures et il a d’ailleurs raté l’EURO. J’espère qu’il va véritablement être débarrassé de tous ses problèmes car, il a un super coup de pied gauche. Il donne des ballons millimétrés avec beaucoup de force. Des ballons vrillés un peu à la Jérôme Rothen et pas des ballons bananes qui mettent deux heures pour redescendre.

Vous savez que les supporters pensent que vous pouvez être le successeur de Manfred Kaltz ?

Je ne le connais pas en tant que joueur.

C’était le capitaine de l’équipe qui dominait l’Europe dans les années 80 et était international à part entière.

C’est pas mal. Je peux en tout cas leur garantir que je vais tout faire pour mériter leur confiance.

Comment voyez-vous le championnat d’Allemagne ?

J’attends qu’il débute pour savoir car ce que l’on voit à la télé est différent de ce que l’on vit. Le championnat anglais c’était la même chose. Je l’avais toujours vu à la télé mais quand j’y ai joué c’était autre chose. Par exemple au niveau de l’engagement, on dit toujours que les matches sont durs mais même quand le ballon n’est pas là, les attaquants te mettent des coups. Il y a eu des matches où je me suis dit que l’arbitre allait sortir un carton rouge et, au lieu de cela, il faisait signe de continuer. Ce n’était pas possible. En France, cela aurait fait longtemps qu’il y aurait eu un exclu. Je ne pensais pas que c’était à ce point-là. Voilà pourquoi j’attends de jouer avant de pouvoir m’exprimer sur le championnat d’Allemagne. On prétend que le football allemand est essentiellement fait de longs ballons. Mais j’ai regardé deux trois fois Schalke et le Bayern et j’ai remarqué qu’ils avaient une bonne circulation de ballon et sortaient de derrière. Si je prends notre exemple, on est une équipe allemande et notre construction, elle se fait de derrière. Le gardien relance sur moi soit sur un autre défenseur et automatiquement on construit de derrière. Si sur un match je balance trois ou quatre longs ballons en direction d’Emile, c’est beaucoup. La plupart du temps on ne fait que jouer à ras de terre. Quant aux autres, j’attends de voir, peut-être qu’il y a des équipes qui ne pratiquent qu’avec de longs ballons. Je pourrai m’en rendre compte à partir du moment où on aura joué quelques matches. D’ailleurs on commence avec un petit match à la maison : on reçoit le Bayern (il sourit).

Nicolas Ribaudo, envoyé spécial à Hambourg

 » On commence avec un petit match à la maison : ON REçOIT LE BAYERN « 

 » Le président de l’OM voulait bâtir une GROSSE éQUIPE AUTOUR DE MOI « 

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