Foi de fer

Lorsque le triathlète Marc Herremans apprit qu’il était paralysé, la vie de sa copine Martine Van Aperen a aussi basculé.

Marc Herremans et Martine Van Aperen étaient voisins presque sans le savoir. Le coup de foudre eut lieu à l’été 1999, lorsqu’elle le vit remporter le triathlon de Middelkerke. Martine (28 ans) eut alors une vie très chargée avec un homme qui souhaite constamment repousser ses limites via des défis souvent extrêmes. Un athlète du top qui se retrouva du jour au lendemain en fauteuil roulant, suite à un stupide accident lors d’un entraînement à Lanzarote le 28 janvier 2001.

Mais Martine ne regarde pas en arrière, rayonne et essaie de remettre leur vie sur les rails. Parfois, elle se prend même à faire des plans à plus long terme.

« L’accident est un peu arrivé à moi aussi », dit-elle. « Même si pour Marc il s’agit d’un tournant. Mon petit ami est encore en vie, il est resté le même pour moi, j’ai gardé mon emploi à temps plein. Le seul changement, c’est ce fauteuil roulant dont il faut sans cesse tenir compte, surtout l’aspect pratique. Mais cela aussi, on s’y habitue assez vite. La plus gosse différence réside dans l’agenda. Avant, tout tournait autour du triathlon, des entraînements, des stages et des compétitions. Il y avait des plages de repos. Maintenant, il y a ces obligations, nous recevons des invitations pour des repas, inaugurer un salon, etc. Dur, mais positif car il n’y a pas beaucoup de temps pour s’en faire.

Repensez-vous encore souvent à ce 28 janvier 2002 ?

Non, il faut aller de l’avant. Ce n’est qu’à la date anniversaire que j’y ai repensé. Surtout à ces premiers mois après l’accident. Je m’étonne encore aujourd’hui de la manière dont j’ai combiné le travail et les visites à l’hôpital: vraiment en pilote automatique! Si on m’avait parlé de tout ce qui allait m’arriver, je ne me serais sans doute pas estimée capable de surmonter cette situation. Mais quand je nous vois, un an après l’accident, je me dis que tout va très bien.Rester ensemble

Avez-vous pensé à quitter Marc ?

Non, jamais. Je sais que Marc en avait peur. Si je me retrouvais dans cette situation, je pense que je lui dirais aussi: – Refais ta vie avec une autre, ce sera plus facile. Partir est une chose, mais les sentiments restent entiers et les remords de ne pas avoir vraiment tout essayé. Je suis surtout attachée à la personnalité sympathique de Marc et à son rire, qu’il n’a heureusement pas perdu. Il pense qu’il ne peut plus m’offrir grand-chose et je trouve ça dommage. Si je lui dis qu’il a l’air en forme, il ne me croit pas. Ce n’est pas possible, me dit-il, car je suis dans une chaise.

Marc a aussi un sentiment de culpabilité, comme lorsqu’on adapte la maison pour son confort ou que je porte les valises en vacances. Mais je n’y prête pas attention, ça ne me dérange pas du tout. A part son fauteuil roulant, Marc n’a pas changé pour moi. Et je ne me comporte pas autrement non plus.

N’as-tu pas, même de manière inconsciente, le réflexe de moins te fâcher sur lui ?

Oh non ( elle rit), moi pas! Je suis aussi franche que par le passé. Je ne veux pas avoir de pitié pour lui, ce serait la mauvaise réaction. Notre relation perdrait alors son équilibre. Parfois j’entends Marc dire que les gens se plaignent souvent pour des bêtises, moi y compris. Je garde cependant le droit d’avoir aussi mes mauvais jours et d’être de mauvaise humeur, même pour une broutille. Je sais que cela ne fait pas le poids par rapport à la situation de Marc mais bon, je suis Martine et je dois aussi parfois pouvoir m’exprimer.

Marc est convaincu qu’un jour, il courra à nouveau.

J’espère que l’avenir lui donnera raison, même si je suis sceptique. Au début, nombreux furent ceux à nous présenter des solutions diverses. Toutes partaient d’une bonne intention, bien sûr, mais je ne veux pas perdre dix ans de ma vie à voyager autour du monde à la recherche du miracle et constater au bout du compte que rien n’a changé. Certains penseront peut-être que je ne souhaite pas que Marc se rétablisse: il n’y a rien de plus faux, évidemment. Je ne souhaite simplement pas qu’il soit le cobaye de labo ou qu’on lui donne trop de faux espoirs car ce serait horrible pour lui.

Bien sûr, nous restons à l’affût des informations, nous suivons de près certaines techniques ou thérapies. Si la science découvre la solution, nous serons bien vite informés. Marc essaie de prendre soin le mieux possible de son corps, au cas où. Si une solution médicale tarde à venir, ce sera peut-être une solution mécanique comme une prothèse révolutionnaire pour marcher, par exemple.

L’attention des médias ne t’a-t-elle pas aussi dépassée ?

Au début j’étais assez indignée. Toutes ces caméras braquées sur Marc lors de son rapatriement, jamais je ne les oublierai. Un reporter a même trouvé que je n’avais pas encore pris conscience de la gravité de l’accident. Alors que cela faisait deux nuits que je ne dormais plus ! Certains journalistes étaient vraiment importuns, ceux-là même à qui auparavant nous devions nous-même envoyer nos communiqués de presse. Même sa sixième place à l’Ironman d’Hawaii avait été peu médiatisée. Un an après l’accident, l’intérêt des médias est encore bien présent. Je ne suis pas amère, je me demande seulement ce qui occupe certaines personnes. Et parfois je rêve aussi que tout cela s’arrête pour nous laisser construire notre vie. L’Ironman en chaise roulante

En avril, Marc décidait de prendre part à l’Ironman en chaise roulante. Beaucoup l’ont traité de fou.

J’étais en colère ( elle rit). Cette idée venait tellement vite après l’accident et j’ai directement pensé à tout ce qui pourrait lui arriver. Je ne l’ai toutefois pas retenu. Si c’est son défi, je ne peux que le soutenir. J’essaie plutôt de lui retirer d’autres idées de la tête, sans succès souvent! Il a par exemple fait de la chute libre mais je n’ai pas osé regarder. Vous l’imaginez avec en plus un bras ou une jambe cassée?

Cette propension à repousser ses limites est tellement grande en lui. La première fois que je l’ai accompagné à Hawaii, c’était d’ailleurs pour le sortir de la course au cas où je voyais qu’il voulait en faire trop. Car Marc est capable de presque tout pour atteindre son objectif.

Et il dut abandonner après la natation à cause d’une infection aux voies urinaires…

Ce fut une énorme déception pour lui, moi j’ai trouvé que le voyage en valait la peine. J’étais partie avec mes soucis et mes doutes à Hawaii, mais les dix jours passés là-bas ont été exceptionnels. Ce furent de vraies vacances pour moi et nous les avions méritées. L’épreuve est venue trop tôt mais Marc en avait besoin. Il veut déterminer lui-même quand il arrête un triathlon. En plus, comme il avait terminé 6e en 2001, on lui avait attribué le dossard 6, ce qui est unique. Il a été reçu comme un VIP. Il avait beau être en chaise roulante, tout le monde trouvait fantastique qu’il soit à nouveau là. Cela lui a fait très chaud au coeur. Et probablement retournerons-nous en octobre à Hawaii. L’an dernier il voulait être au départ, je pense que s’il y va cette année ce sera jusqu’à l’arrivée.

Son titre de Personnalité sportive de l’année a dû être un réconfort énorme…

Marc ne se sentait pas à son aise parmi tous ces athlètes du top, parce qu’il ne s’estime plus en être un. Mais il s’agissait là de « personnalité » et là, il a bel et bien sa place. Il a toujours eu un caractère très affirmé, c’est juste dommage d’avoir attendu l’accident pour que tout le monde en prenne conscience. La discipline et le caractère qu’il s’est forgé en tant que sportif, il les utilise maintenant pour ne pas se laisser aller. En tout cas j’étais très fière de lui, ça reflète l’estime du plus grand nombre et récompense notre travail d’équipe et de couple.

Inge Van Meensel

« A part le fauteuil, Marc est resté le même »

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