FLIC STORY

Présent à Zulte Waregem depuis 12 ans, ce coach policier dans le civil joue 10 rôles différents.

Les promus n’en finissent pas d’étonner. Beau jeu, football technique, volonté affichée par les joueurs, les Boeren ont de quoi attirer la sympathie. A la base de tout cela, un policier de 48 ans qui, malgré une parenthèse d’une saison au Heirnis Gand, est présent à Zulte depuis 12 ans. Véritable  » roi de la promotion  » (il a connu quatre montées lors de ses six premières saisons et il a hissé Zulte de Promotion en D1), Francky Dury s’est adapté très facilement à l’élite. Découverte d’un personnage aux multiples facettes qui a débuté sa carrière d’entraîneur à 26 ans, avec le noyau B d’Harelbeke avant de prendre en charge Beveren-Leie, club de 3e Provinciale de Flandre-Occidentale.

1. L’anti-béliers

Francky Dury commence sa journée très tôt en se levant dès six heures pour rallier son poste à la police fédérale de Gand qu’il occupe depuis dix ans.

 » C’est un travail amusant que je peux très bien combiner avec ma passion pour le football. Cela m’aère l’esprit durant 38 heures par semaine. Je m’occupe de grands cambriolages commis par des voitures béliers. Mon boulot consiste à établir des liens entre plusieurs vols. Je reste toujours au bureau. Je ne vais jamais sur le terrain. C’est un job sociétal et cela me procure beaucoup de plaisir de mener ces enquêtes « .

2. Le semi-pro

La belle aventure de Zulte Waregem amène les dirigeants à réfléchir au statut de semi-pro.

 » On en parle beaucoup et on devra soumettre la question à tout le groupe. Peut-on continuer à grandir en n’adoptant pas le statut de professionnel ? Ce n’est pas évident tous les jours. On continuera de la sorte certainement encore une saison mais après ? L’année prochaine, le manager Luc Dhaenens sera déjà au club à plein temps. Moi, je pense qu’avec le budget qui est le nôtre, l’idéal serait que les joueurs travaillent le matin mais pas l’après-midi. Cela nous permettrait d’avancer l’entraînement à 16 h au lieu de 17 et de conserver de l’énergie. En D1, travailler toute la journée et jouer au football en soirée, c’est difficile. Surtout quand on a trois matches en une semaine ! A ce moment-là, la question se pose aussi pour moi mais je ne sais pas encore dire si je quitterai totalement mon job à la police fédérale. Cela dépendrait de l’offre que l’on me ferait. Finalement, on a grandi trop vite ( il sourit) !  »

3. L’ambitieux

Son boulot est particulièrement apprécié en Belgique au point de soulever l’intérêt des grands clubs.

 » Je n’ai pas de managers et je n’ai eu aucun contact avec Anderlecht. Même si j’avais reçu une proposition claire, je n’aurais pas donné suite. J’ai un contrat avec Zulte Waregem jusqu’en 2009. Je dois être correct avec le président Willy Naessens qui me fait confiance depuis 12 ans et qui m’a donné la possibilité de travailler en D1. Je suis un entraîneur avec une vision. Ici, tout le monde la connaît. J’ai choisi tous mes collaborateurs. Pour moi, Auxerre est un exemple. En France, il y a quatre grandes équipes issues des grandes villes et chaque année, les Bourguignons se mêlent à la lutte pour l’Europe. En Belgique, je voudrais imiter ce succès et inscrire Zulte Waregem dans le sub-top. Je ne manque pas d’ambition. Je suis un entraîneur de 3e Provinciale qui a réussi à se hisser en D1, en 20 ans. Je suis réaliste : personne n’a réussi ce que j’ai réalisé. Cependant, je dois rester les pieds sur terre et il sera temps de partir quand j’aurai atteint mon objectif avec Zulte Waregem « .

4. Le perfectionniste

Au lieu de se laisser baigner par la douce euphorie du moment, Dury continue à aller de l’avant :

 » Mon succès m’a toujours motivé pour faire encore mieux. Dans la société, on n’est jamais arrivé et cela ne sert à rien de regarder en arrière. Cependant, il ne faut pas croire que je surfe sur le bonheur depuis mes débuts d’entraîneur. J’ai été limogé à Tournai (89-90). J’en ai tiré des leçons mais cela ne signifiait pas que j’étais un mauvais entraîneur pour autant. J’analyse toujours les matches et je souligne les erreurs commises même après une bonne prestation. Je ne trouve pas normal que l’on se soit fait piéger deux fois en contres par La Louvière récemment. Dans le même ordre d’idées, tout le monde a mis en exergue notre bonne prestation contre Anderlecht, malgré la défaite. Moi, j’ai retenu notre mauvaise deuxième mi-temps et j’ai vu des joueurs qui n’étaient pas en position. Quand on militait en D2, on venait d’accrocher le tour final lorsque j’ai décidé de miser sur des jeunes. Ce fut une erreur car on n’a fini, l’année suivante, que cinquième. J’ai réfléchi à cela et j’ai attiré Stefan Leleu, Tony Sergeant et Ibrahim Tankary. On a été sacré champion avec 13 points d’avance. C’était la bonne option même si le défi de terminer cinquième avec des jeunes était plus difficile que celui d’être champion avec des anciens joueurs de D1 « .

5. L’entraîneur

 » Si mon équipe a atteint ce niveau, c’est en raison des automatismes acquis à l’entraînement. Il s’agit de toute une série de petits détails. Frédéric Dupré n’avait jamais été aligné au poste de back droit. Il évoluait dans l’axe ou au milieu défensif. C’est un grand talent mais il n’est pas encore capable d’organiser la défense comme peuvent le faire Tjorven De Brul ou Leleu. Mon aile droite est donc très forte mais pour cela, il a fallu travailler la complémentarité entre Dupré, Nathan D’Haemers et Ludwin Van Nieuwenhuyze, le médian défensif. Quand Dupré monte, Dhaemers doit adapter son comportement et Van Nieuwenhuyze doit le couvrir. Quand Ibrahim Salou reçoit le ballon, il doit le donner à quelqu’un et s’il n’y a personne, alors, il peut y aller. Quand une personne est en possession de balle, cinq autres savent comment réagir. C’est la moitié de l’équipe ! Beaucoup d’entraîneurs insistent sur le bon positionnement en perte de balle. Moi, j’affirme que c’est en possession de balle qu’il faut être bien positionné. Comme cela, si on perd le ballon, tout le monde est à sa place. Autre point : je n’ai jamais bridé un joueur sur le plan offensif. S’il a envie de monter, il peut le faire du moment que mon losange défensif, ce que j’appelle le Rest Verdediging, assure la couverture. Pendant de nombreuses semaines, on a travaillé le pressing et le jeu dans de petits espaces et grâce à cela, on parvient maintenant à développer un football rapide et technique « .

6. Le psychologue

 » Il faut être clair avec un joueur. Je ne peux pas lui faire croire qu’il va débuter une rencontre si cela n’est pas le cas. Il risque d’être déçu. Il faut lui donner la confiance et surtout être correct avec lui. Quand moi, je ne sais pas qui je vais aligner pour le prochain match, c’est que je n’ai pas fait mon travail ! Chaque jeudi, on prépare la rencontre suivante et on se focalise sur l’adversaire. Je leur explique comment le contrer en donnant à chacun une mission facile. Je suis également le responsable du climat dans lequel baigne le club. Je n’en suis qu’à ma première année en D1 mais cela fait 20 ans que je suis à la tête d’une équipe et c’est partout la même chose. Je ne suis fâché que deux ou trois fois par an. Je tente d’instaurer une bonne atmosphère mais quand je dis – C’est comme cela, cela doit être comme cela. Je pars du principe que quand un joueur se sent bien et rigole, il va bien jouer. Je veux donc une bonne mentalité dans les vestiaires et un bon capitaine. J’adapte aussi mon discours. J’avais dit aux joueurs, un mois avant le match contre Bruges, qu’ils auraient un week-end de libre s’ils réalisaient 7 sur 12. On a gagné le premier match avant de perdre à Saint-Trond et Beveren. On devait prendre quatre points contre Bruges. C’était impossible évidemment ! Je leur ai quand même laissé le week-end et ils ont réalisé un match extraordinaire contre Bruges. Je peux aussi citer une autre anecdote. Un jour, Leleu avait oublié l’heure du rendez-vous. On l’a pris sur l’autoroute et il a dû payer six bouteilles de champagne. Il était heureux d’avoir cette sanction. Pour moi, le football est un jeu et il faut éprouver du plaisir. Les amendes ne constituent pas une solution « .

7. L’organisateur

Pour préparer ses entraînements, Dury a mis au point un système en début de saison :

 » On a façonné une semaine modèle divisée en quatre parties : échauffement, technique, condition et phases stratégiques. Et tout cela rentre dans un cycle de six semaines : deux semaines de base, deux de capacité et deux d’explosivité. Quand on est le lundi de la cinquième semaine : chacun sait comment on va travailler « .

8. La nouvelle star

Dury est devenu la nouvelle coqueluche de la presse flamande. On le voit partout dans le paysage médiatique du Nord du pays.

 » Parfois, je consacre dix à quinze heures par semaine aux journalistes. Le lundi suivant la victoire au Standard, j’ai donné sept interviews et lorsque mon nom a circulé pour succéder à Anderlecht, mon téléphone n’a pas arrêté de sonner. Que voulez-vous que je fasse chez les Mauves ? Cela me flatte mais je dois encore apprendre beaucoup. Je n’ai pas encore le vécu et l’expérience du haut niveau. Cet engouement pour moi, cela me plaisait au début mais je me comprenais pas pourquoi. Après notre première victoire à Gand, Studio 1 voulait absolument m’avoir sur son plateau. J’y suis allé tout en me demandant quand même pourquoi on invitait un entraîneur qui n’avait remporté qu’une victoire en D1 ! « .

9. Le sportif

 » J’ai trois passions : la course à pied, le mountainbike et le squash. Je fais tout cela une fois par semaine. Ma famille organise, chaque week-end, une sortie en vélo mais je n’y vais jamais. Je préfère courir ou rouler seul. Cela me permet de me vider l’esprit et de me garder en condition. Comme je suis en forme, je peux travailler encore plus. Je ne suis presque jamais fatigué. Je vais souvent sillonner la campagne de ma région, près d’Hulste ou alors je vais du côté de Wortegem-Petegem. Je fais souvent ces activités le matin d’un match. Par contre, il ne faut pas me demander de jouer les plombiers ou les électriciens. Je n’ai pas le temps et je n’y connais rien « .

10. Le visionnaire

 » Mon évolution a toujours été guidée par trois mots : vision, communication et organisation. Si je suis satisfait du parcours effectué, je sais que j’ai encore un long chemin à parcourir. En D1, quand tu commets une faute, la presse est là. Il faut toujours avoir et poursuivre une vision. Ne jamais paniquer, ne jamais avoir peur et rester calme « .

STÉPHANE VANDE VELDE

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