Flanc gauche encombré

Une certaine abondance de biens nuit-elle à Sclessin?

Avant de se rendre à Strasbourg, tout baignait dans l’huile pour les Rouches. Les résultats positifs s’enchaînaient. L’enthousiasme guidait l’avancée liégeoise. Surtout, la défense faisait montre d’une telle herméticité qu’elle semblait taillée pour affronter de rudes campagnes. Il a suffit, semble-t-il, d’une première période affligeante en Alsace pour qu’un minuscule grain de sable devienne montagne. La belle mécanique, mise à mal par un sociétaire de la D2 française, a explosé face à Lokeren.

O.K! La phalange waeslandienne est la bête noire des Standardmen. Cependant, il serait trop simple de se réfugier derrière le signe indien pour expliquer un devoir bâclé, cochonné, inconsistant. Dans le vestiaire liégeois, le providentiel « jour sans » était abondamment invoqué. Seul Eric Van Meir a renoncé à la langue de bois. Il n’y est pas allé par quatre chemins. Alors en stage avec les Diables Rouges, l’arrière central du Standard évacuait péniblement sa méchante humeur: « Je n’ai pas accepté ce transfert pour participer à un tel gâchis. Montrons-nous prudents. Vigilants. Voilà un bon moment que je stigmatise un manque de sérieux. Certains de mes équipiers m’énervent. J’espère seulement qu’ils ne le font pas exprès de jouer aussi mal…. »

Lourd de sens. De sous-entendus. Pesant. Van Meir n’ira pas jusqu’à citer des noms. Ce n’est un mystère pour personne qu’il vise Blay et Enakarhire. Comment pourrait-il en être autrement? Ce n’étaient pas des défenseurs professionnels croisés par les Lokerenois sur leur chemin mais des zombies!

A vrai dire, lorsque Dragutinovic déclare forfait, le flanc gauche s’ouvre à tous vents. Michel Preud’homme n’ayant aucune solution de rechange valable, on comprend dès lors mieux son attitude catégorique concernant les rumeurs de départ de Drago en direction de Marseille dès décembre prochain. Si tel devait être le cas, les fouineurs de service auraient intérêt à se mettre en chasse. Et à flairer de bonnes pistes. A défaut, les nobles aspirations seront rangées au frigo. Une fois de plus!

« Pas simple de maçonner une formation solide dans la mesure où chaque année, une demi-douzaine de joueurs s’en va, d’autres arrivent. Les automatismes construits patiemment disparaissent. La tâche repart à zéro. Cela demande du temps. Evidemment, ce n’est pas notre problème. Nous sommes des ouvriers. Nous n’avons pas à nous immiscer dans la gestion du club ».

Celui qui s’exprime ainsi est l’un des derniers grognards: Didier Ernst. Fidèle d’entre les fidèles. A lui, on peut rarement reprocher quoi que se soit. Tomislav Ivic l’a remarquablement dépeint en disant: « Ernst est quasiment le seul ayant le droit de passer à coté de son sujet. Car il va invariablement jusqu’au bout de ses forces. Ce garçon ne triche jamais ». Ni sur le terrain, ni en dehors. Observant le triste chenal actuellement traversé par les siens, il avoue: « Lors de la visite de Lokeren, j’ai été médiocre. Franchement à coté de mes pompes. Il ne sert à rien de nier l’évidence ».

Le tout, à présent, est de tenter de savoir pourquoi l’orchestre a présenté une telle cacophonie à ses fidèles. Si le problème était simple à résoudre, Preud’homme aurait apporté les retouches utiles depuis belle lurette.

Walem-Meyssen-Dragu: Depireux est sceptique

Attentif à l’actualité du Standard, Henri Depireux remarquait depuis plusieurs semaines déjà un déséquilibre des forces. L’ancien de la maison mettait le doigt sur une étonnante profusion de richesses entassées dans le même coin. Or, abondance de biens nuit en tout.

« J’aime beaucoup Walem, Meyssen et Dragutinovic », reconnaît Depireux. « Trois bons joueurs. Par contre, je m’interroge concernant leur complémentarité. Ils recherchent spontanément, naturellement, une portion de terrain identique pour s’exprimer. Ce trio évolue à certains moments sur quelques mètres carrés. Ne finissent-ils pas par s’annuler mutuellement? »

Bonne question. Harold Meyssen ne l’élude pas. Il dit: « Le bloc ne bouge pas harmonieusement. Notre placement laisse à désirer. J’en suis conscient. Nous devons élaborer un schéma efficace. Malheureusement, la période des matches amicaux se situe loin derrière. Le temps presse. Des rendez-vous importants se profilent. Le loisir n’est plus offert de procéder à des essais avant de débusquer la recette idéale. Pourtant, il faut apporter des changements. Il devient impératif de dessiner une formule gagnante ».

Quand un club a la chance de posséder deux joueurs d’une telle valeur, impensable d’en sacrifier l’un au profit de l’autre. Une réorientation des forces s’envisage-t-elle? Meyssen: « Nos adversaires savent à quoi s’en tenir. Ils bloquent notre couloir gauche. Cela devient facile pour eux de poser d’insolubles problèmes ». Effectivement. Dans ces cas-là, la construction devient laborieuse. Hésitante. Peu de ballons exploitables parviennent en zone de conclusion. Certes, Lukunku, se trouve sur le flanc. Toutefois, la blessure du bélier franco-congolais ne constitue pas l’excuse universelle.

Possédant le meilleur buteur de l’avant-dernier championnat, Aarst, auteur de 30 buts, on n’a pas le droit d’invoquer l’absence d’un tireur d’élite. D’autant que Vandooren est venu renforcer la division offensive en compagnie de Moreira. Sans parler de Goossens dont la forme ascendante lui a valu de réintégrer l’équipe nationale.

« Sans vouloir me disculper, je ne pense pas que notre manque d’efficacité est dû à un moindre rendement offensif », estime précisément Goossens. « En réalité, le surnombre survient trop lentement. L’animation de jeu est en cause ». Pourtant responsable au premier chef, Meyssen, l’un des distributeurs attitrés, abonde dans ce sens: « Je ne reproche rien à nos pointes. Ce ne sont pas ces joueurs qui galvaudent des occasions. Nous en créons trop péniblement. Voilà peut-être le plus grave ».

Un positionnement différent de Meyssen pourrait s’envisager. Pas nécessairement afin d’en faire un flanc droit. Toutefois, un coulissement en direction de l’autre aile apparaît à l’ordre du jour. Pas une vilaine idée. Avec son pied gauche meurtrier, le numéro 8 des Rouches pourrait arriver régulièrement en bonne position pour armer.

« Il s’agit d’une éventualité. Il en fut question lors d’une entrevue avec l’entraîneur. Je ne suis pas contre. Maintenant, la décision lui appartient. Quoi qu’il en soit, je le répète, une contrainte formelle impose un affermissement de nos schémas de construction. Quand nous scorons rapidement, le problème ne se pose pas. Par contre, dès l’instant où les circonstances imposent une domination, les lacunes deviennent criantes. Lokeren a porté un coup très dur. Car nous avons perdu tout notre jeu. Sans serrer les poings. Sans nous révolter. Sans nous battre. Je n’arrive pas admettre un tel renoncement ».

Meyssen pointe un manque d’ambition

Dans un premier temps, la tentation d’évoquer la fatigue se faisait tentante. Certains n’hésitèrent nullement à se planquer derrière cet argument invalide. Faut arrêter! Des pros, ambitieux de surcroît, sont conditionnés pour digérer un programme identique à celui-là. Si tel n’est pas le cas, le Standard n’a pas sa place au sein du concert européen.

« Justement! », se rebelle Meyssen. « Que croyez-vous? Si ce n’est pas pour remporter un trophée, je pouvais rester tranquillement au Casino Salzbourg. J’y gagnais bien ma vie. J’étais cool. Vivant sans la moindre pression. En signant au Standard je relève un défi. Que réclame le public? Que ses favoris aillent au charbon. Nos supporters ne sont pas des ingrats. Ils autorisent une défaite. Par contre, le relâchement est interdit. Normal! Peut-être, parmi mes partenaires s’en trouvent-ils manquant d’ambition. J’en sens certains dont le but ultime est atteint: jouer au Standard. Pas d’accord. Je veux gagner. D’abord viser le Top 3. Pourquoi pas disputer le titre? Porter la vareuse rouge implique un esprit de conquête ».

Au moment où deux places qualifieront nos meilleurs représentants pour la Ligue des Champions, le challenge vaut la peine d’être disputé. Or, des prétendants inattendus se font connaître. Outre Bruges et Anderlecht, inévitables, Genk et La Gantoise laissent entrevoir de sérieuses possibilités.

« Inquiétant », confirme Meyssen. « La performance gantoise m’interpelle: 21 sur 21, cela démontre une réelle valeur. Alost aussi a flambé, me direz-vous. Pas pareil. Genk, vainqueur à Bruges, nous prévient. Un succès tel que celui-là signifie quelque chose, d’autant que les Limbourgeois se montrent impériaux à domicile ».

Daniel Renard

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