FLAMME ROUCHE

Très énervé durant le match de Roulers, le coach liégeois Dominique D’Onofrio est apparu toujours aussi sportif mais néanmoins chloroformé par la déception à la conférence de presse d’après match. On a souvent entendu le même type de déclarations de sa part sur le thème de l’inefficacité devant le but adverse :  » Quand on n’est pas capable de marquer un but lors de matches pareils (…) Il nous manque quelque chose devant (…) Cette saison on a trop souvent dû se contenter d’un nul blanc…  »

Une ritournelle trop bien connue.

Il y a un an, vous aviez décidé d’arrêter avant de rempiler pour une saison supplémentaire. Le match de vendredi prochain, contre La Gantoise, sera-t-il votre dernier à la tête du Standard ?

Je l’ignore. Aucune décision n’a encore été prise. Ni dans mon chef, ni dans celle de la direction. Il était prévu qu’on se revoit à la fin de la saison. Dans mon esprit, la situation n’est pas comparable à celle de la saison dernière. A l’époque, j’avais pris moi-même la décision, pour diverses raisons, de ne pas prolonger la collaboration. Le Standard a essayé d’engager Eric Gerets et Trond Sollied, mais n’y est pas parvenu. La direction a estimé qu’elle ne pouvait pas trouver, en Belgique, un autre entraîneur qui connaisse aussi bien le Standard que moi. A sa demande, j’ai donc accepté de rempiler. Je ne l’ai pas regretté. Au contraire : j’estime que nous avons fait de l’excellent travail. Et si, dans quelques jours ou quelques semaines, la direction me demandait de continuer, je n’y verrais aucune objection. Non, aucune.

Quel bilan tirez-vous de cette saison ?

La saison n’est pas encore terminée. Le bilan définitif, on ne pourra le dresser que le week-end prochain. Mais pour moi, le positif l’emporte nettement sur le négatif. L’objectif premier, qui était d’être européen, a déjà été atteint… et pour la Ligue des Champions. On a rivalisé avec les meilleurs tout au long du championnat : que ce soit Anderlecht, Bruges, Genk ou La Gantoise. Je retiens aussi qu’on a donné beaucoup d’émotions aux supporters. Et ceux-ci ont apprécié, puisqu’on est passé de 8.000 à 16.000 abonnés. On a aussi obtenu le Soulier d’Or. Depuis combien de temps le Standard n’avait-il plus reçu une telle récompense individuelle ? Le dernier Soulier d’Or Rouche, c’était Eric Gerets en 1982. A une journée de la fin, on est toujours dans le coup pour le titre. Si l’on m’avait proposé un bilan pareil, il y a huit mois, j’aurais signé des deux mains. Mais forcément, l’appétit vient en mangeant, et après avoir trôné en tête du classement durant de longues semaines, on serait déçu si l’on terminait seulement deuxième.

Des satisfactions et des regrets

Si vous perdez le titre, où l’aurez-vous perdu ?

Pas à Anderlecht, contrairement à ce que beaucoup de personnes semblent penser. On l’aurait notamment perdu à domicile, dans des matches contre Beveren (1-3), Roulers (0-0) et La Louvière (1-1), et dans deux défaites en déplacement, à Mouscron (2-1) et au Brussels (3-1). Avec un peu plus d’application et de concentration dans ces matches-là, on aurait pu compter sept ou huit points de plus. Certains diront que nous avons aussi perdu des points contre Zulte Waregem en… Coupe de Belgique. C’est vrai que notre excellente campagne en Coupe de Belgique nous a coûté cher, au niveau de l’énergie dépensée, des blessures et des suspensions. La plaie se serait plus facilement cicatrisée si nous avions atteint la finale… mais ce ne fut même pas le cas.

Ces points perdus à domicile contre des sans grade résultent-ils d’une difficulté à faire le jeu ?

Pas du tout. D’ailleurs, le Standard est l’équipe qui a forcé le plus de coups de coin. Et de très loin : 30 ou 40 de plus qu’Anderlecht ! Pour cela, il faut forcément jouer dans le camp de l’adversaire, que je sache. Contre La Louvière, on s’est créé au moins 15 occasions. Je me demande encore comment les Loups sont parvenus à égaliser, alors qu’ils jouaient à dix contre onze. Contre Beveren, on s’est créé 19 occasions… et on a perdu. On n’a donc pas rencontré de difficulté à la construction, mais plutôt à la concrétisation. Avec le jeu qu’on a développé cette saison, on aurait dû marquer dix buts de plus… mais le ballon n’entrait pas. Mémé Tchité a réalisé une saison formidable, mais il s’est parfois retrouvé seul devant. La blessure d’Igor De Camargo nous a coûté cher.

A l’inverse, si vous gagnez le titre, où l’aurez-vous gagné ?

D’abord, le Standard possède la meilleure défense du championnat. Et des trois clubs du trio de tête, c’est l’équipe qui présente le meilleur bilan à l’extérieur. Le Standard s’exporte bien. J’estime aussi, quoi qu’en penseront certains après la défaite à Anderlecht, qu’en cas de titre, on aura gagné le championnat contre les grands. Bruges a été battu 2-0 à Sclessin, Anderlecht et Genk 1-0. On a partagé 1-1 au stade Jan Breydel et on a gagné 0-1 au stade Fenix. Je trouve également, même si je sais que certains ne partageront pas mon avis, que le Standard a été régulier. Avant le déplacement au Parc Astrid, nous restions sur une série de 12 ou 13 matches sans défaite. Si ce n’est pas de la régularité, je ne sais pas ce que c’est. Mais un seul match, à Anderlecht, semble avoir effacé toutes les bonnes impressions des semaines précédentes.

 » Le plan de jeu était bon  »

Précisément, sur ce match-là, on vous a reproché certains choix. Et notamment, celui d’avoir ramené Christian Negouai dans l’entrejeu alors qu’il venait de livrer quelques bonnes prestations comme attaquant. N’avez-vous pas été trop frileux ?

Expliquez-moi, dans ce cas-là, comment on a pu élire Daniel Zitka comme l’homme du match. Même Pär Zetterberg a déclaré que le gardien tchèque avait livré une toute grande prestation. Et Michal Zewlakow a confirmé les dires de son capitaine, le lendemain, lors de l’émission Studio 1. C’est paradoxal, non ? J’ai revu le match à la vidéo et je l’analysé. J’admets qu’on aurait pu faire mieux. Mais j’ai rarement vu Anderlecht aussi peu à son affaire. J’ose penser que la réplique que lui a offerte le Standard y était pour quelque chose. Je persiste à penser que le plan de jeu qui a été élaboré était judicieux. Vedran Runje n’a pas eu une intervention difficile à réaliser. Christian Wilhelmsson n’a pas pu adresser un seul centre. Michal Zewlakow et Olivier Deschacht n’ont pas dépassé la ligne médiane. Yves Vanderhaeghe a bénéficié de beaucoup de liberté, mais a-t-il été dangereux devant le but ? Et Pär Zetterberg lui-même, hormis son remarquable coup franc, n’a pas été transcendant. Mais le vainqueur a toujours raison. Et Anderlecht a mérité sa victoire.

 » On est sortis renforcés du mercato  »

On a souvent reproché un manque de stabilité au Standard. Cette saison, le mercato fut plus calme. Néanmoins, Ivica Dragutinovic, Mathieu Beda et Mathieu Assou-Ekotto sont partis, alors que Jorge Costa, Siramana Dembele et Igor De Camargo sont arrivés. Sans mettre en cause la qualité des joueurs, n’avez-vous pas dû recommencer une partie du travail ?

En règle générale, les joueurs s’intègrent souvent fort bien au Standard. C’est vrai que le mercato nous avait parfois coûté des points lors des années antérieures, mais c’était surtout parce que les joueurs arrivés n’étaient pas prêts physiquement. Cette année, c’était différent. Les joueurs étaient capables d’entrer directement dans l’équipe, je m’en suis rendu compte lors du stage hivernal au Portugal. Jorge Costa avait un peu perdu le rythme des matches, mais il n’avait jamais arrêté de travailler. Siramana Dembele avait joué jusqu’au dernier moment à Setubal. Idem pour Igor De Camargo au Brussels. Ces trois joueurs furent autant de renforts. L’apport de Costa a fut prépondérant, et il a eu bien du mérite car Dragutinovic était l’un des meilleurs arrières centraux gauches du championnat. On connaissait le joueur, et pourtant il a été critiqué au départ car on se demandait ce qu’il venait faire au Standard. Dembelé s’est directement fondu dans le moule et est devenu l’un des meilleurs médians récupérateurs de Belgique. Il a une intelligence de jeu largement au-dessus de la moyenne. Et il oriente facilement le jeu, il est capable de monter avec le ballon au pied et sait prendre ses responsabilités. En plus de son talent, il est très réceptif et très humble. Il nous a tous rassurés, car, je l’admets, on s’est posé des questions quand Assou-Ekotto est parti. De Camargo s’est, lui aussi, intégré à la vitesse de l’éclair. Il était le complément idéal de Tchité. C’est d’ailleurs dans cette optique-là qu’on l’avait engagé. Il connaissait bien le championnat de Belgique et on se doutait qu’il allait bien s’entendre avec les Brésiliens de l’équipe. Et de fait : après deux semaines, on avait l’impression qu’il était au Standard depuis deux ans.

Point noir : le Standard est l’équipe qui a récolté le plus de cartons jaunes et rouges…

On a été catalogués comme l’équipe la plus méchante. Mais beaucoup de cartons jaunes ont été attribués pour rouspétances. Lors du match à Anderlecht, le Sporting a commis plus de fautes que le Standard.

 » Le Standard est sur la bonne voie  »

Mais avant ce match, plusieurs joueurs adverses avaient été blessés face au Standard. Cela a-t-il joué dans la tête de vos joueurs, qui n’ont plus osé mettre le pied ?

C’est possible. La presse avait fait ses choux gras de ces blessures. Psychologiquement, cela a pu trotter dans les têtes. A Anderlecht, j’avais des agneaux sur le terrain. Le football est un sport de contact et il y a parfois des blessés. Mais le Standard en a été victime. Milan Rapaic a été victime d’une agression contre Zulte Waregem et il ne s’est pas plaint. La saison dernière, Wamberto avait aussi été victime d’une agression à Genk. Cela lui a coûté six mois d’indisponibilité. J’ai l’impression que lorsqu’un joueur du Standard blesse involontairement un joueur adverse, on en fait tout un foin.

Certains ont été jusqu’à affirmer que le Standard jouait mieux sans Sergio Conceiçao, parce que l’équipe était plus sereine. Vous ne partagez probablement pas cet avis ?

Evidemment que non. Son absence nous a porté préjudice, au même titre que la blessure d’Igor De Camargo et la suspension d’Oguchi Onyewu. Même si le Standard a des joueurs pour les remplacer, il ne possède pas un noyau de 30 joueurs. Au contraire d’Anderlecht et de Bruges, on n’est pas capable d’aligner deux équipes de valeur sensiblement équivalente.

C’est à ce niveau-là que le Standard doit encore progresser ?

Pas seulement. On doit progresser à tous les niveaux. Nos moyens sont inférieurs à ceux d’Anderlecht et de Bruges, mais on travaille bien. Certains continueront à s’impatienter aussi longtemps qu’on n’aura pas reconquis le titre, mais je suis persuadé qu’on est sur la bonne voie.

Certains affirment que, pour le Standard, c’est la saison ou jamais parce qu’Anderlecht et Bruges n’ont pas été aussi performants que les saisons passées.

C’est encore un vision négative : on vit dans un pays où l’on recherche toujours le négatif avant le positif. Je trouve que l’on a vécu un très beau championnat. Le suspense a été intense. Ce fut une lutte à deux, et longtemps à trois, pour conquérir les écussons. Le Standard a évolué dans la continuité des saisons précédentes. On a toujours figuré dans le trio de tête, souvent à la première place. Si c’était la saison ou jamais, c’est parce que jamais, au cours des dernières années, on n’avait été aussi bien placé en vue de la ligne d’arrivée.

 » J’accepte la critique lorsqu’elle est fondée  »

Pour les raisons que l’on connaît, vous aurez toujours des détracteurs. Que répondez-vous à ceux qui affirment que le point faible du Standard, c’est son entraîneur ?

J’accepte la critique, à condition qu’elle soit fondée et qu’elle ne vise pas l’homme. Malheureusement, dans mon cas, elle a souvent visé l’homme. Je le regrette, mais je ne peux rien y faire. On a tendance à parler de moi uniquement lorsque le Standard a été battu. J’ai l’impression que Frankie Vercauteren, Jan Ceulemans et Hugo Broos ont été moins critiqués que moi. Lorsque le Standard gagne, c’est grâce aux joueurs. Lorsqu’il perd, c’est à cause de Dominique D’Onofrio. On analyse, alors, toutes les erreurs que j’aurais éventuellement pu commettre. Mais on omet d’effectuer cette analyse lorsque l’équipe a gagné. Je ne suis pas à la hauteur ? Sur quoi se base-t-on pour affirmer cela ? Si l’on excepte le match à Anderlecht, on n’a été battu par aucun des grands du championnat ! Un grand entraîneur doit faire des changements adéquats qui rapportent des points à l’équipe ? Je n’en ai pas fait, peut-être ? Mais je ne vais pas les citer, on pourrait encore me reprocher de me pousser du col. Et cela ne me ressemble pas.

Comment jugez-vous votre évolution comme entraîneur ?

Je ne me pose pas la question. Je travaille, j’avance et je sais ce que nous avons fait. Dites-moi : si j’avais été aussi mauvais, croyez-vous que j’aurais tenu quatre années comme entraîneur principal au Standard ? Ce n’est pas rien, tout de même !

On vous reproche aussi fréquemment de procéder par de longs ballons…

Une équipe doit jouer avec ses qualités. Anderlecht possède des footballeurs capables d’éliminer un adversaire sur une action individuelle ou par des passes redoublées. Les joueurs du Standard ont d’autres qualités : ils doivent aller au charbon, donner le maximum d’eux-mêmes. Cela ne les empêche pas de produire un bon spectacle. On a souvent assisté à de très bons matches à Sclessin, avec beaucoup d’intensité, beaucoup de rythme, et on a toujours essayé de marquer un but de plus que l’adversaire. Disons qu’au départ, le Standard est une équipe physique à laquelle on ajoute progressivement des ingrédients techniques, alors que dans le cas d’Anderlecht, c’est l’inverse : c’est, à la base, une équipe technique à laquelle on ajoute progressivement des ingrédients physiques. On veut parfois nous faire un procès d’intentions. J’ai l’impression que, lorsque Anderlecht procède par des longs ballons, on trouve que c’est une qualité, alors que lorsque le Standard le fait, c’est un défaut. Et, à l’époque de Trond Sollied, Bruges ne procédait-il pas également par de longs ballons ? Pour jouer avec ses qualités, le Standard doit évoluer sur toute la largeur du terrain. Il doit exploiter les qualités de Sergio Conceiçao et de Milan Rapaic au maximum. Lorsqu’on est parvenu à exploiter les flancs, avec en plus des pénétrations de la deuxième ligne, on a été performant. Quand Rapaic n’est pas à 100 % et que Conceiçao n’est pas là, c’est forcément un autre Standard…

DANIEL DEVOS

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