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 » FINIR SA FORMATION À L’INTER, C’EST UNE GARANTIE DE SUCCÈS « 

Ils sont jeunes, Belges et sous contrat à l’Inter Milan. Rencontre avec Senna Miangue et Zinho Vanheusden, deux ados partis en Italie pour y apprendre leur métier de défenseurs.

Sur une grande banderole au bord du terrain synthétique, Giacinto Facchetti, un des emblèmes du Grande Inter des années 60, semble veiller sur le centre de formation qui porte son nom. Cette saison encore, Mister Inter a été témoin d’un véritable miracle : avec Senna Miangue, parti à Cagliari pendant la trêve, Zinho Vanheusden et Xian Emmers, trois Belges ont joué plusieurs matches avec l’équipe des baby Inter.

La dernière fois qu’autant de Belges ont joué ensemble en espoirs dans un grand club européen, ça doit être à l’époque de Jan Vertonghen et Toby Alderweireld à l’Ajax. À la différence près qu’en Italie, la Primavera est une véritable institution.  » C’est là qu’on devient un homme « , dit Senna Miangue.  » Celui qui perce dans cette catégorie est prêt pour la Serie A.  »

 » Les matches sont même retransmis en direct à la télévision « , ajoute Zinho Vanheusden.  » La préparation est très professionnelle. On regarde des parties de matches des adversaires, on étudie leurs phases arrêtées, on apprend à neutraliser leurs meilleurs joueurs… On prépare le match pendant plusieurs heures par semaine.  »

Stefano Vecchi, l’entraîneur de la Primavera, ne semble pas commode.

SENNA MIANGUE : Il exagère parfois mais, la plupart du temps, il a raison d’être strict avec nous. Il nous prépare au monde impitoyable du football professionnel. Vous me croyez si vous voulez mais, la saison dernière, il m’a crié dessus lors de chaque match.

ZINHO VANHEUSDEN : Ça fait partie du jeu mais, au début, ça m’a posé des problèmes. En Belgique, on ne me faisait jamais la moindre remarque car j’étais le chouchou de l’entraîneur. Puis j’arrive ici et je me fais enguirlander dans une langue que je ne comprends pas. C’est dur. Depuis, je maîtrise l’italien et, si l’adversaire me provoque, je ne me laisse pas faire. Mon insulte favorite, c’est cazzo, le nom qu’on donne au sexe masculin. Mais la plupart du temps, j’insulte en néerlandais ou en français. (grimace)

L’ITALIE, LA MEILLEURE DESTINATION POUR UN DÉFENSEUR

Lorsque vous êtes passés à l’Inter, toute la Belgique s’est dit qu’elle perdait encore des talents au profit d’un club étranger plus riche.

VANHEUSDEN : Mon transfert a même fait la une d’un journal mais j’ai aussi lu pas mal de conneries. On a dit que l’Inter m’avait donné beaucoup d’argent et que mes parents avaient dû payer eux-mêmes une partie du transfert. À l’époque, j’étais en vacances mais ma mère a été très perturbée par tout ça. J’ai reçu pas mal de messages sur Facebook et j’ai dû créer un compte réservé uniquement à ma famille et à mes amis.

MIANGUE : Je ne suis pas venu ici pour l’argent. Quand on joue au Beerschot et qu’on apprend qu’on intéresse l’Inter, on ne pense pas au pognon. On a attendu longtemps avant d’accepter et, finalement, l’Inter a été le seul club à m’offrir un package complet.

VANHEUSDEN : Pour vous donner un exemple : grâce à l’Inter, je suis des cours dans une école privée très chère que des joueurs de l’AC Milan fréquentent aussi. C’est le club qui paye tout. Les joueurs de l’Inter sont placés dans l’ouate : on a moins de devoirs et on a droit à des congés supplémentaires lorsqu’on part avec l’équipe nationale.

MIANGUE : Cette saison, je ne suis pas allé plus de cinq fois à l’école. Par manque de temps. À l’Inter, je m’entraînais chaque fois le matin et je ne pouvais donc pas aller en classe.

Pourquoi un jeune joueur sur le point de percer au Standard signe-t-il à l’Inter ?

VANHEUSDEN : J’aurais pu rester au Standard et je serais actuellement réserviste en D1 mais je voulais compléter ma formation de défenseur et il n’y avait pas de meilleur choix pour ça que l’Italie. Sur le plan défensif, il me manquait quelque chose. En Belgique, j’aurais été un bon défenseur. En Italie, je dois devenir un grand défenseur.

MIANGUE : Je pense la même chose. À 15 ans, je m’entraînais déjà avec les espoirs mais j’étais trop mou. Je devais m’endurcir, jouer à l’italienne.

L’Italie, c’est La Mecque des défenseurs ?

MIANGUE : Les jeunes de notre âge rêvent de Premier League mais je ne peux que conseiller l’Italie aux jeunes défenseurs qui veulent apprendre leur métier ! Avant, je ne pensais qu’à attaquer et à faire des combinaisons. Aujourd’hui, je comprends qu’on peut encaisser un but parce qu’on est mal placé d’un centimètre.

VANHEUSDEN : J’ai découvert un autre monde. Au Standard, je faisais ce que je voulais, je jouais uniquement sur mes qualités footballistiques. J’ai très rapidement appris à utiliser mon corps, à me placer sur un centre, à choisir le moment de monter… Il est parfois très difficile d’assimiler toutes ces informations mais on sait qu’elles servent à quelque chose.

L’INTER, UN NOM QUI OUVRE DES PORTES

L’Inter n’a pourtant pas la réputation d’un club qui lance beaucoup de jeunes.

VANHEUSDEN : Ça vaut pour tous les clubs italiens.

MIANGUE : Ici, les jeunes défenseurs doivent être très patients. Il y a des exceptions : Romagnoli se débrouille bien à l’AC Milan et Rugani, de la Juventus, impressionne par sa présence. Mais c’est vrai qu’en général, les entraîneurs italiens aiment avoir des joueurs expérimentés derrière.

VANHEUSDEN : C’est difficile de se hisser en équipe première de l’Inter. Mais avoir ce nom sur son CV, ça ouvre des portes.

MIANGUE : Etre diplômé de la Primavera de l’Inter, c’est une garantie de succès. Je serais très heureux si je pouvais percer à l’Inter la saison prochaine mais je sais qu’en ayant été formé en Italie, je peux jouer n’importe où en Europe.

Ça a été difficile, en pleine adolescence, d’abandonner votre famille et vos amis pour une aventure italienne pleine d’incertitudes ?

MIANGUE : Ma première saison… (il marque un temps d’arrêt) Je n’ai pas pu jouer pendant huit mois en raison d’une pubalgie. Là, j’ai vraiment eu l’impression que mon monde s’écroulait. Parfois, je voulais rentrer chez moi et j’appelais ma mère. Je lui disais qu’elle me manquait, je la suppliais de venir me chercher. Je me suis parfois senti très seul.

VANHEUSDEN : Je n’ai jamais été vraiment seul. Senna s’est tout de suite occupé de moi, comme un grand frère. Je lui en serai éternellement reconnaissant (Senna le prend dans ses bras). Avant qu’il ne parte à Cagliari, on se voyait presque tous les jours. Mon père a aussi joué un rôle important dans mon intégration. Que ce soit à domicile ou en déplacement, je ne pense pas qu’il ait loupé un seul match. L’an dernier, il faisait même Hasselt-Milan en voiture. Il assistait au match puis, le soir, on allait à San Siro voir jouer l’Inter et le lendemain, il repartait. C’est fou, non ? Maintenant, il prend plutôt l’avion. Je dois dire que, quand je le vois au bord du terrain à l’échauffement, je me sens tout de suite mieux.

MIANGUE : Johan était là lorsque j’ai effectué mes débuts contre Palerme. J’entends encore Frank De Boer me dire : Senna, tu vas entrer. Je tenais un bidon d’eau et je tremblais tellement sur mes jambes que je n’arrivais pas à boire. C’était le premier match à domicile de l’Inter et le stade était plein à craquer. Je stressais à fond. La deuxième fois, contre la Juventus, j’étais plus relax. Je suis entré en même temps que Gonzalo Higuain. Je l’ai regardé mais il ne m’a pas calculé… (il rit). Quelques secondes plus tard, j’étais nez à nez avec Dybala. Après le match, j’ai fait des selfies avec quelques joueurs de la Juventus. Les cars des deux équipes étaient l’un près de l’autre et je me suis dit que j’étais encore un gamin, que je pouvais me comporter comme un fan.

MAILLOT, RESTO, PHOTO

Zinho, ça t’a fait quelque chose de voir Senna jouer en équipe première ?

VANHEUSDEN : J’étais dans la tribune d’honneur avec mon père et avec Michèle, la copine de Senna. J’ai vu que Santon, l’arrière gauche, commençait à avoir des crampes et j’ai dit à mon père : Senna va monter, Senna va monter ! Quand ça a été le cas, j’ai vu Michèle pleurer. C’était un moment rempli d’émotion.

MIANGUE : Il a dû la consoler.

VANHEUSDEN : Je ne savais pas trop quoi dire et j’ai pris Michèle dans mes bras.

MIANGUE : Après le match, j’ai offert mon maillot plein de transpiration à Michèle. Deux ans plus tôt, je lui avais promis que mon premier maillot serait pour elle. Et comme elle était dans le stade ce jour-là, j’ai été obligé de tenir ma promesse. Mais je ne crois pas au hasard… Lorsqu’elle est rentrée en Belgique, elle a pendu le maillot dans sa chambre, sans le laver.

Et toi, Zinho, à qui offriras-tu ton premier maillot ?

VANHEUSDEN : Je n’y ai pas encore pensé. J’ai encore le temps d’y réfléchir. Il ne faut pas oublier que j’ai deux ans de moins que Senna. Bien sûr, Senna est un exemple pour moi mais je ne dois pas être impatient parce qu’il a déjà joué avec l’Inter en Serie A.

Pourtant, au fan shop de l’Inter, les gens ne le reconnaissent pas toujours.

VANHEUSDEN : Mais au restaurant, on le reconnaît.

MIANGUE : Et parfois, je dois dire : Voici Zinho, un futur joueur de l’Inter (il grimace). Ça me fait toujours bizarre quand quelqu’un traverse la rue pour me demander un autographe ou une photo. Il y a deux mois, j’étais sur le siège passager et ma mère conduisait. Soudain, j’ai vu un petit gamin qui me faisait signe et qui criait : Miangue ! Miangue ! J’ai ouvert la fenêtre et le gamin a pris une photo.

LE RÊVE : ENSEMBLE DANS L’AXE À L’INTER

Frank De Boer avait un faible pour vous.

MIANGUE : Faire débuter un gamin de même pas 20 ans en Serie A, il fallait oser. Au total, j’ai été titulaire une fois contre Bologne et deux fois en Europa League. Je suis très content d’avoir eu la chance de jouer à l’Inter mais je veux profiter de mon passage à Cagliari pour démontrer que je peux faire mieux encore. Des clubs belges étaient intéressés et je n’exclus pas un retour mais je trouvais qu’il était trop tôt pour faire marche arrière. Je me sens très bien en Italie et, à mon âge, il faut tenter d’amasser un maximum d’expérience à l’étranger.

VANHEUSDEN : Grâce à De Boer, j’ai aussi pu goûter au noyau A et j’ai vraiment ouvert les yeux. Quel joueur, ce Jovetic ! À l’entraînement, il a joué quelques fois avec mes pieds et j’ai mesuré tout le chemin qu’il me restait à parcourir.

Senna, ne serais-tu pas meilleur dans l’axe de la défense ?

MIANGUE : La saison dernière, avec la Primavera, j’ai souvent joué dans l’axe et ça s’est bien passé. Si vous me demandez ce que je préfère, je ne dois pas beaucoup réfléchir : j’aime monter balle au pied sur le flanc et centrer. Avec mes deux mètres, je n’ai pas le profil d’un arrière latéral moderne – aujourd’hui, il faut être petit et vif comme Jordi Alba, Marcelo et Alaba – mais ça ne doit pas m’empêcher de faire une belle carrière en tant qu’arrière gauche.

VANHEUSDEN : Avant certains matches, le coach a songé à nous aligner dans l’axe. Il nous a même fait jouer ensemble à l’entraînement le jeudi et le vendredi mais ça ne s’est jamais concrétisé.

MIANGUE : Zinho et moi ensemble dans l’axe de la défense, ça marcherait. Et qui sait : ça arrivera peut-être un jour à l’Inter.

PAR ALAIN ELIASY – PHOTOS BELGAIMAGE

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