FINALE BIS

Samedi prochain, l’Excel retrouve Zulte. Plus au stade Roi Baudouin, mais au Gaverbeek. Deux des acteurs de la finale se livrent.

C’était le 13 mai dernier : Zulte Waregem et l’Excelsior Mouscron s’affrontaient au stade Roi Baudouin dans une finale de Coupe de Belgique à la fois inattendue et inédite. Le stopper et capitaine Stefaan Leleu (36 ans) avait ouvert la marque, l’attaquant bosniaque Adnan Custovic (28 ans) avait égalisé et l’avant Tim Matthijs (22 ans) avait donné le coup de grâce aux Hurlus dans les derniers instants de la partie. Samedi prochain, les deux équipes se retrouveront au stade Arc-en-Ciel.

Six mois plus tard, quels souvenirs gardez-vous de la finale ?

LELEU

 » Cela restera, probablement à tout jamais, le plus beau souvenir de ma carrière. J’avais déjà été champion en 3e Provinciale avec Brakel, le club d’où je suis originaire (entre Ninove et Audenaerde), et deux fois en 2e Provinciale (avec Brakel et Zottegem). J’avais aussi remporté le tour final de D2 avec Courtrai et j’avais été à deux reprises champion de D2 (avec l’Antwerp et Zulte Waregem). Mais c’est la première fois que je remporte un trophée majeur. On n’a pas disputé cette finale au meilleur moment : Salou Ibrahim était blessé (il a finalement pu jouer avec un masque), et en championnat, l’équipe ne tournait plus aussi bien qu’au début, mais on a su concentrer tous nos efforts sur la Coupe de Belgique. On a commencé à croire à un possible triomphe lorsqu’on a éliminé le Standard en demi-finales. On savait que l’autre demi-finale opposait Charleroi et Mouscron, et qu’on aurait donc notre chance. Je veux dire par là : on savait qu’on n’affronterait pas une équipe du calibre d’Anderlecht ou de Bruges, avec tout le respect que je dois aux Zèbres et aux Hurlus. L’option que nous avons prise s’est révélée payante, mais on a eu un peu de chance aussi. Je dois reconnaître que la pièce aurait pu tomber des deux côtés. C’était la consécration d’une magnifique saison « .

CUSTOVIC

 » Pour moi aussi, cette finale restera un beau souvenir, même si au bout du compte, la déception prévaut. J’aurais tellement aimé entrer dans l’histoire de l’Excel, en contribuant à la conquête du premier trophée du club. Les circonstances de la défaite accentuent encore davantage l’amertume. On était en train de prendre l’ascendant et je pensais sincèrement que, dans les prolongations, on allait finir par émerger car on était plus frais, physiquement. En outre, peu de temps avant le but de Tim Matthijs, l’arbitre avait omis de siffler un penalty pour un tirage de maillot de Frédéric Dupré sur moi, bien plus évident que celui de Sébastien Grimaldi sur Habib Habibou, voici dix jours à Charleroi. J’aurais préféré perdre 3-0, sans discussion. Car, vu le scénario du match, je ne peux que nourrir des regrets « .

Vous souvenez-vous de votre but ?

LELEU

 » Bien sûr, d’autant que je ne marque pas souvent. La saison dernière, j’ai inscrit trois buts, dont un en finale de la Coupe. Matthijs avait tiré un coup franc du côté gauche. J’étais monté et Marcin Zewlakow m’avait suivi. Je ne pensais pas que j’allais toucher le ballon, mais j’ai tout de même pu le reprendre : à moitié de la tête, à moitié de l’épaule. L’essentiel est qu’il soit allé au fond des filets. C’était un but chanceux, je dois le reconnaître, mais il m’a procuré une joie intense. Voir son nom qui s’inscrit sur l’immense marquoir du stade Roi Baudouin, c’était pour moi une sensation inconnue « .

CUSTOVIC

 » J’ai égalisé après une heure de jeu. Je ne me souviens plus du joueur qui a adressé une passe dans l’axe, mais je sais que j’ai contrôlé le ballon. J’ai alors vu Marcin Zewlakow qui se démarquait sur la droite, je lui ai cédé le cuir, le gardien Peter Merlier a repoussé l’envoi, Marcin a récupéré le ballon, a centré et je me suis trouvé au bon endroit au deuxième poteau pour reprendre de la tête. L’Excel s’est alors montré supérieur à son adversaire, jusqu’à cette 90e minute fatidique et ce but de Matthijs « .

Si c’était à refaire, que changeriez-vous ?

CUSTOVIC

 » L’entame du match. On était beaucoup trop timoré au départ. Pour beaucoup de joueurs, c’était une première finale. Ils étaient impressionnés par le stade, par l’enjeu… A la mi-temps, l’entraîneur nous a dit qu’on n’avait rien à perdre et c’est seulement en deuxième mi-temps qu’on s’est complètement libérés. Si on avait d’emblée pris le taureau par les cornes, l’issue aurait peut-être été différente « .

LELEU

 » Rien puisque la tactique utilisée s’est révélée payante. Nathan D’Haemers était blessé, ce qui a permis à Matthijs de jouer à droite. Ibrahim a joué en pointe, dans un système en 4-5-1 qui nous a souvent bien réussi la saison dernière. A lui seul, Ibrahim mobilisait deux défenseurs. Cela permettait à d’autres joueurs de s’infiltrer depuis l’arrière « .

Cette finale a-t-elle changé quelque chose pour vous ou pour votre club ?

LELEU

 » La conséquence de notre victoire, c’est la qualification pour la Coupe de l’UEFA. C’est une expérience nouvelle pour beaucoup et cela ne va pas sans poser quelques problèmes d’organisation au niveau du boulot : je dois travailler chez moi en soirée ou le dimanche, pour récupérer les heures perdues lors de nos déplacements, mais je le fais avec plaisir car c’est une aventure qu’on n’a pas l’occasion de vivre chaque année. A un moment donné, on a pensé que cette qualification européenne constituait plutôt un cadeau empoisonné, mais cela ne s’est pas vérifié… même si, en championnat, on a abandonné quelques points à notre portée, avant ou après une confrontation européenne. Je dois reconnaître qu’à certains moments, on s’est davantage concentré sur les rendez-vous européens que sur les confrontations habituelles du championnat de Belgique. Mais que voulez-vous ? Ce sont des matches très spéciaux pour nous. On a aussi eu de la chance au tirage au sort : on a évité les déplacements lointains et fastidieux, et on a hérité d’adversaires très intéressants. Contre l’Ajax, on risque d’être le centre d’intérêt de toute la Belgique du football. Et qui sait si l’on ne forgera pas un nouvel exploit ? On est de moins en moins sous-estimé en Europe. Je sens aussi que nos adversaires du championnat de Belgique prennent plus de précautions lorsqu’ils se déplacent au Gaverbeek. C’est, toutes proportions gardées, ce que l’on peut appeler la rançon de la gloire « .

CUSTOVIC

 » Personnellement, je n’ai pas changé. Je suis toujours le même Adi qu’il y a un an, qu’il y a dix ans… C’est-à-dire, un gars qui se bat sur le terrain et se donne à fond pour l’équipe. Certains m’ont parfois taxé d’individualiste. Ils pensaient que j’étais trop obnubilé par l’idée de conserver mon beau ballon doré dans le dos de mon maillot. S’il m’est arrivé d’oublier un partenaire, c’était involontaire. Certes, j’ai été très fier de porter ce ballon doré. Mais cela m’a aussi procuré une pression supplémentaire, car en qualité de meilleur buteur, les supporters et les partenaires attendaient que je marque chaque semaine. Or, j’ai toujours répété que je n’étais pas un vrai buteur. Pour l’instant, je traverse une période de moindre conjoncture et j’espère que la réussite me sourira à nouveau. Car c’est surtout une question de réussite. En début de saison, mes coups francs rentraient, aujourd’hui plus. Le système de jeu avec trois attaquants me convenait très bien, avec Bertin Tomou qui gardait le ballon, Demba Ba qui percutait et moi qui tournais autour d’eux. J’ai inscrit cinq buts pendant la période où Demba était encore là et ce n’est pas un hasard. Demba entrevoit heureusement le bout du tunnel, et je pense qu’en janvier, on pourra de nouveau compter sur lui. Une victoire en finale aurait-elle changé quelque chose pour l’Excel ? Qui peut le dire ? Peut-être des sponsors se seraient-ils intéressés à nous, mais ce ne sont jamais que des hypothèses. Aujourd’hui, j’entends comme tout le monde que la situation du club n’est pas rose. Cela m’inquiète, même si je continue à être payé. Depuis deux ans, c’est toujours le même refrain : on cherche des solutions sans trouver la solution miracle. Nous, joueurs, sommes peu informés. Je constate toutefois qu’il faut souvent vendre au mercato. Je viens de resigner jusqu’en 2009, mais si je dois partir pour sauver le club, je partirai. A regrets car je me sens parfaitement intégré ici. Mon fils est né à Lille. J’espère qu’il obtiendra la nationalité française – celle de sa mère – plus facilement que moi. Bien que j’ai vécu sept ans en France, mon dossier coince. Je suis fier d’être Bosniaque, et je répondrais avec beaucoup de fierté à une éventuelle convocation du sélectionneur qui se fait désespérément attendre. En plus, je dois demander un visa chaque fois que je me rends à l’étranger et ce n’est pas pratique « .

Comment vivez-vous l’aventure européenne de Zulte Waregem ?

LELEU

 » C’est magnifique de penser qu’on pourrait passer l’hiver sur la scène européenne. Et inespéré aussi : lorsque j’ai quitté l’Antwerp pour Zulte Waregem, un autre club de D2, je n’aurais jamais imaginé me retrouver un jour en Coupe de l’UEFA « .

CUSTOVIC

 » Je félicite les Flandriens pour leur beau parcours. Ce qu’ils réalisent est exceptionnel. Mais je ne me dis pas que j’aurais pu être à leur place. C’est surtout la finale perdue qui me reste en travers de la gorge. L’Europe s’est déjà présentée à deux reprises aux Hurlus : un petit tour et puis s’en vont. Deux ou trois tours, si tout va bien. De toute façon, on n’aurait pas remporté la Coupe de l’UEFA « .

Un mot sur votre adversaire ?

LELEU

 » Avec Zulte Waregem, on pratique généralement une défense de zone. Pendant la finale, je me suis donc retrouvé opposé soit à Marcin Zewlakow, soit à Adnan Custovic qui est un très bon joueur. J’en avais déjà eu un aperçu lors du match qu’il avait joué chez nous, en championnat. Il avait dû quitter le terrain sur blessure, mais durant la période qu’il avait passée sur la pelouse, il m’avait posé des problèmes. Lors du retour au Canonnier, il était absent. Le jour de la finale, il était très fort : très remuant, très rapide, très fort techniquement. Il a un bon tir et un bon jeu de tête. Bref, c’est un attaquant complet. Et aussi un joueur très correct. J’ai d’ailleurs entendu que Zulte Waregem s’était intéressé à lui, lorsque le club cherchait un successeur à Salou Ibrahim « .

CUSTOVIC

 » J’ai aussi entendu qu’il y avait eu de l’intérêt. L’affaire ne s’est pas concrétisée, mais je ne regrette pas d’avoir resigné en Mouscron. C’est un club qui m’a fait confiance depuis ma venue, et cela ne m’est pas arrivé souvent au cours de ma carrière. J’ai souvent eu des entraîneurs qui me faisaient confiance pendant deux ou trois matches, puis qui me rangeaient au placard à la moindre contre-performance. A Mouscron, je suis toujours titulaire. Stefaan Leleu ? C’est un joueur dur, doté d’une grande expérience, à l’image de toute la défense de Zulte… Mais il y a toujours des possibilités pour passer « .

Comment se présente le match de samedi ?

LELEU

 » Notre parcours en championnat n’est pas aussi brillant que celui de la saison dernière. Les fatigues résultant de nos matches européens en sont, en partie, la cause. Mais en partie seulement. On a aussi eu beaucoup de blessés. Notre flanc gauche Stijn Meert a été sur la touche durant la quasi intégralité de la saison. Cédric Roussel n’a pas été épargné par la poisse non plus. On a dû revoir notre système, nous adapter au 4-4-2 qu’on a d’ailleurs conservé malgré le retour de Cédric. Contre Mouscron, on a intérêt à gagner. L’an passé, on avait battu l’Excelsior à trois reprises : 4-1 chez nous, 0-1 au Canonnier et 2-1 en finale de la Coupe. Bien sûr, cela ne signifie rien : une saison n’est pas l’autre « .

CUSTOVIC

 » Nous aussi, nous avons besoin de prendre des points. Sans être directement menacés, nous constatons que d’autres équipes reviennent sur nous. On reste sur un bilan de 4 sur 21 en déplacement, mais on éprouvait déjà des problèmes la saison dernière en dehors de nos bases. On doit être capables de mieux jouer à l’extérieur. La saison dernière, on avait perdu 4-1 au stade Arc-en-Ciel. C’était une période où tout allait mal, on était passé complètement au travers de ce match-là et on avait payé cash toutes nos erreurs. Aujourd’hui, on se connaît mieux. L’an passé, 80 % de l’équipe avait changé, alors que cette saison, on s’est contenté d’ajouter quelques éléments qui se sont bien adaptés au groupe. Je pense que, samedi, je resongerai à la finale. J’ai toujours en tête ces images des joueurs de Zulte en train de lever la coupe, et nous qui les regardions comme des malheureux. C’est un match qui restera à jamais gravé dans ma mémoire. Mais je veux garder les bons souvenirs : j’ai disputé une finale, et je le raconterai certainement à mon fils, à mon petit fils peut-être « .

DANIEL DEVOS

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