Fin malheureuse

Arrivés en fin de contrat à Mouscron, ils ont été priés de se chercher un nouvel employeur.

Depuis samedi soir, et le dernier match de championnat à La Louvière, la page mouscronnoise est tournée pour Axel Lawarée et Giovanni Seynhaeve. Enfin, presque: il reste encore quelques entraînements et un match amical ce vendredi à Renaix avant de pouvoir partir en vacances. Le premier aura passé trois ans au Canonnier. Le second, … dix-huit saisons, puisqu’il avait signé sa carte d’affiliation à 6 ans et qu’il en a aujourd’hui 24. Ils sont arrivés en fin de contrat et le club ne leur a pas proposé de prolongation.

Quel est aujourd’hui le sentiment qui vous habite?

Lawarée: D’une certaine manière, je suis heureux qu’on ne m’ait rien proposé. Depuis un certain temps, je ne voyais plus mon avenir à Mouscron. A partir de ce moment-là, le fait d’être en fin de contrat est un avantage. Je crois que, si j’avais été obligé d’encore respecter un contrat existant, j’aurais pété les plombs. J’ai eu mon compte et j’aspire à changer d’air. J’étais arrivé à Mouscron plein d’espoirs. On m’avait vanté le caractère familial du club et le discours d’Hugo Broos m’avait plu. Il avait remué ciel et terre pour convaincre le Standard de me libérer à un prix abordable. Il me tenait en très haute estime. Malheureusement, j’ai eu la malchance de me blesser. Sur le coup, j’ai toujours bénéficié du soutien de l’entraîneur et des dirigeants. C’est après, lorsqu’il s’est avéré que mon rétablissement prenait plus de temps que prévu, que cela s’est gâté. Ce n’est pas ma faute s’il y a eu des complications après mon opération. On m’avait laissé le libre choix du chirurgien. J’avais opté pour le Professeur Delcourt, que je connaissais. Est-ce cela qui m’a été reproché? Je ne me suis jamais présenté en retard à l’entraînement et je n’ai jamais ménagé mes efforts pour revenir. C’était compter sans la fatalité. C’est vrai que, lorsque j’ai été réopéré par le Docteur Martens, il n’y a plus eu de problèmes, mais ces complications auraient pu survenir avec n’importe quel chirurgien. Après cette péripétie, j’ai vraiment senti un revirement dans la manière dont Hugo Broos me considérait. Quand on n’entre plus dans ses plans pour une place de titulaire, c’est très difficile à vivre. Il s’est passé d’autres choses, mais je n’ai plus trop envie de m’épancher là-dessus. C’est le passé. J’ai déjà la tête ailleurs. J’ai tourné la page depuis un certain temps, puisque j’ai bien senti qu’Hugo Broos ne comptait plus sur moi pour les derniers matches de championnat. Contre le Standard, il n’avait aligné qu’un attaquant de pointe: Marcin Zewlakow. Il n’y avait aussi qu’un attaquant sur le banc: votre serviteur. Croyez-vous qu’il m’ait fait monter? Il ne m’a même pas demandé de m’échauffer.

Seynhaeve: En ce qui me concerne, ce n’est pas une page mais un chapitre qui se tourne. Le premier chapitre de ma carrière, puisque je n’avais jamais connu d’autre club. J’éprouve un gros pincement au coeur, mais comme pour Axel, je ressens également un certain soulagement. J’avais, moi aussi, l’impression de ne pas être considéré à ma juste valeur. On m’a parfois reproché, parce que je suis un enfant de la maison, de prendre les choses trop à la légère. Rien n’est plus faux. Mais, parce que je suis Mouscronnois, on s’imaginait que j’étais déjà très content d’être là, même sans jouer, à deux cent mètres de mon appartement, et que je ne fournissais pas beaucoup d’efforts. C’est tout juste si l’on ne me taxait pas de dilettantisme. C’est une étiquette qui m’a été collée depuis longtemps et dont j’ai du mal à me défaire. Débarquer dans un autre club, sans étiquette et sans à priori, ne me fera peut-être pas de tort. Je suis surtout déçu de la manière dont tout cela s’est terminé. J’avais pu disputer quelques rencontres, en fin de saison, parce qu’il y avait des blessés dans le secteur défensif, mais mon dernier match à domicile, contre le Standard, fut presqu’une humiliation. Il y avait des joueurs qui ne s’étaient pas entraînés de toute la semaine parce qu’ils avaient été victimes d’ennuis physiques. Moi, j’étais à 100%. Mais ce sont eux qui ont joué. Lorsqu’Alexandre Teklak a ressenti une gêne en début de match, Hugo Broos m’a demandé de m’échauffer. J’ai couru pendant 80 minutes le long de la ligne de touche. Je suis entré au jeu à… trois minutes de la fin. Vous parlez d’une récompense?

Si vous ne vous êtes pas imposé à Mouscron, est-ce la faute à pas de chance ou à certaines personnes?

Seynhaeve: Les blessures ont joué un grand rôle, c’est clair. Elles ne m’ont pas épargné et je suis resté longtemps sur la touche. Il y a eu un grand tournant dans ma carrière: ma blessure au genou, en décembre 1998. J’étais en train de m’imposer et tout s’est effondré. En fin de saison, l’Excelsior a engagé deux défenseurs de renom: Michal Zewlakow et Alexandre Teklak. Ils m’ont barré la route. La concurrence était subitement devenue très féroce. Mais, contrairement à ce que pensent certaines personnes, j’estime pour ma part que mon échec ne se résume pas uniquement aux blessures. Il y a eu des périodes où j’étais tout à fait apte à jouer et où j’ai dû me contenter du banc, parce que d’autres joueurs étaient mieux considérés que moi.

Lawarée: En dix ans de carrière, j’ai été blessé une seule fois. Malheureusement, mon indisponibilité s’est prolongée durant un an et il a fallu que cela se passe à Mouscron. Le public s’est sans doute forgé une certaine opinion de moi. Les journalistes, peut-être une autre opinion. Et les dirigeants, une troisième. Moi, je sais ce qui s’est réellement passé. Des situations extra-sportives ont sans doute exercé une influence. Avec mon épouse, j’avais fait un choix de vie. Etant donné qu’elle n’était pas nommée, nous avions convenu que nous ferions tous les deux un effort. Elle continuerait à travailler à Liège et ne me rejoindrait à Mouscron que le week-end. De mon côté, je ferais la route jusqu’à Liège durant le jour de congé en semaine. Cela n’a apparemment pas été apprécié. Un jour, l’entraîneur me l’a reproché devant tout le groupe de joueurs. Selon lui, cela signifiait que je n’étais pas heureux à Mouscron. Or, cela n’avait rien à voir. Chacun en pensera ce qu’il en voudra. Hugo Broos jouit d’une réputation enviable, en Belgique et même à l’étranger. Je me vois mal, moi qui ne suis qu’un petit joueur de D1, lui faire la leçon. Mais j’en ai gros sur le coeur. J’ai la chance d’avoir une femme et deux enfants adorables qui m’ont fait oublier bien de choses. Maintenant, je me tournerai vers d’autres horizons, où ce sera forcément mieux… puisqu’il est impossible que cela aille plus mal pour moi.

L’image du club sympathique, familial et humain que véhicule Mouscron correspond-elle à la réalité?

Lawarée: Je ne me suis pas trompé sur la nature du club. Mouscron est effectivement un club fabuleux lorsqu’on a la chance d’y jouer. Mais lorsqu’on n’entre plus dans les plans d’Hugo Broos, c’est différent. L’entraîneur n’est pas un adepte du dialogue. Une discussion en tête-à-tête est possible, mais ne débouche généralement sur rien. De mon côté, j’ai peut-être été trop gentil. J’ai toujours tout accepté… jusqu’à ces six derniers mois, où je me suis senti considéré comme un moins-que-rien. Là, je ne me suis plus privé de dire ma façon de penser. Et cela n’a sans doute pas plu à certaines personnes. Le président? Il m’a remis à ma place après mon transfert raté à Ravenne, en janvier. Après, il s’est calmé. A une reprise, dans une autre circonstance, il s’est pourtant montré très agressif, verbalement, vis-à-vis de moi. Je ne m’y attendais pas du tout. C’était en arrivant au stade, au lendemain d’un match que nous avions perdu et que… je n’avais pas disputé. Je n’en dirai pas plus, mais je n’ai pas oublié car j’ai été vexé.

Seynhaeve: Mouscron n’est plus tout à fait le club familial qu’il était en D2, c’est logique. Avec les ambitions qu’il nourrit, on exige désormais du rendement. Sportivement, on est placé dans les meilleures conditions. Pour un footballeur professionnel, Mouscron c’est le top. Les infrastructures sont de première qualité. On a tout à notre disposition. Le côté humain n’est pas absent. Le président Jean-Pierre Detremmerie m’a proposé de venir travailler au Futurosport, la saison prochaine. Si je ne trouve rien d’intéressant, ou que je joue dans un club où l’on ne s’entraîne que le soir, cette proposition serait éventuellement susceptible de m’intéresser. Mais j’aspire tout de même à autre chose. Le problème, à Mouscron, c’est que les semaines sont difficiles à vivre lorsque l’entraîneur ne croit plus en vous. Ce qui m’a déçu, par exemple, c’est qu’en 1998, lorsque j’avais disputé l’intégralité du premier tour, Hugo Broos m’avait avoué qu’il était très content de moi et qu’il allait revoir mon contrat à la hausse. Une semaine plus tard, je me suis blessé et après cela, je n’ai plus jamais rien entendu. Pour moi, une parole est une parole. Je ne l’ai pas fait exprès, de me blesser. Aujourd’hui, je crois que je suis toujours l’un des joueurs mouscronnois ayant le plus petit contrat. Je suis certain d’une chose : où que j’aille, je serai mieux payé qu’à Mouscron.

Que retiendrez-vous de positif de votre période mouscronnoise?

Lawarée: Les amitiés que j’ai nouées. Les supporters ont toujours été très sympas avec moi. Lors du match contre le Standard, ils avaient déployé des banderoles pour me remercier et me souhaiter bonne chance. Cela m’a fait plaisir. Je n’oublierai pas tous ces gens-là, qui m’ont déjà demandé de venir les saluer lorsque je serais de passage, la saison prochaine. Je serai toujours le bienvenu et j’espère que ces contacts perdureront longtemps. J’ai trouvé à Mouscron une deuxième ville d’adoption, où il me serait très agréable de vivre… sans le football.

Seynhaeve: Le plus beau moment que j’ai vécu à Mouscron, ce fut sans doute mon premier but en D1, contre le Standard, immortalisé par la photo où Gonzague Vandooren vient me congratuler et qui est devenue l’emblème du Futurosport. Il y a aussi eu cette période où j’avais disputé l’intégralité du premier tour, en 1998. J’étais au sommet de ma forme. C’était avant ma blessure. Dans les moments difficiles, j’ai pu bénéficier du soutien des supporters qui ont toujours été derrière moi. Je l’ai beaucoup apprécié également et le comportement de toutes ces personnes à mon égard figurera parmi les bons moments que j’ai passés.

Les mauvais moments?

Seynhaeve: Toutes mes blessures sont forcément à ranger au rayon des mauvais souvenirs. L’annonce de la non-reconduction de mon contrat fut aussi un moment douloureux. Tout comme le jour où Georges Leekens m’a mis à l’écart. Il ne m’avait jamais vu jouer, et alors que j’avais fait toutes mes classes comme demi défensif, il m’a dit: -Toi, tu es un défenseur! J’ai eu beau essayer de le raisonner, il n’a rien voulu entendre. Ensuite, il m’a relégué dans le noyau B. Le départ de Georges Leekens pour l’équipe nationale m’avait sauvé. Gil Vandenbrouck et Geert Broeckaert, qui m’avaient connu dans les catégories d’âge, étaient allés me rechercher. Lors du stage à Rota, Gil Vandenbrouck m’a confié qu’il appréciait mes qualités de footballeur -ma faculté à jouer des deux pieds notamment- et qu’il trouvait dommage que je doive partir. Mais ce n’est pas lui qui décide.

Lawarée: Les mauvais moments, ce sont tous ceux que j’ai vécus depuis que mon sort est scellé.

Resterez-vous supporter de Mouscron?

Seynhaeve: Oui, pour les amis que je conserve encore ici. Pour le club, peut-être moins. Je n’oublie pas que l’Excelsior m’a beaucoup apporté, mais je suis trop déçu par la manière dont tout cela s’est terminé.

Lawarée: Si l’Excelsior pense que la politique qu’il mène est la bonne, tant mieux. Je serai très heureux si le club réussit à se hisser vers les sommets, pour tous les gens que j’ai connus et que j’ai appris à apprécier. Mais, pour le reste, ce n’est plus mon problème.

Daniel Devos

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire