Fin de carrière remise

Bruno Govers

S’il est encore loin de son meilleur niveau, l’Anderlechtois (30 ans) a au moins recouvré le bonheur de jouer au Sporting.

Où en est De Bilde, six mois après son retour au Parc Astrid? C’est l’une des plus grosses questions que les supporters du club bruxellois et du « ket » se posent.

La parole à l’intéressé: « Je n’ai toujours pas recouvré l’intégralité de mes moyens. Pour le moment, je dois me situer, à peu près, à 70% de mes possibilités. Je pensais que deux mois me suffiraient pour éprouver à nouveau mes meilleures sensations. Ma première sortie en championnat, face à l’Antwerp, m’avait d’ailleurs conforté en ce sens, dans la mesure où j’avais pris à mon compte les deuxième et troisième buts du Sporting ce soir-là. Après cette toute bonne entrée en matière, je me croyais relancé. Malheureusement, il m’a fallu très rapidement déchanter. Sitôt passés les premiers moments d’euphorie, au cours desquels j’avais carburé à l’enthousiasme, mon corps m’a abandonné. Ce n’était sans doute pas tout à fait anormal dans le chef d’un élément, comme moi, qui venait de prendre quasiment une année sabbatique en Angleterre. Certes, je m’étais toujours entraîné à Sheffield Wednesday puis à Aston Villa, mais dès l’instant où je me trouvais sur une voie sans issue aux Iles, je ne me faisais évidemment plus violence de la même façon que mes coéquipiers. Cette absence d’intensité, je l’ai subitement vérifiée quelques semaines après mon retour. Dès l’automne, je n’avais plus le moindre dash. De surcroît, mon organisme s’est ressenti aussi de la débauche d’efforts accomplis, sous la forme de petits bobos divers. Aujourd’hui encore, ma cheville gauche me fait toujours souffrir. Mais le plus dur, pour moi, c’est de retrouver le rythme adéquat. Je croyais que la différence en matière de vitesse d’exécution, entre les footballs anglais et belge, me permettrait de compenser plus aisément cette lacune. Je m’étais donc trompé.

« J’ai accusé le coup à Alost »

Qu’est-ce qui demeure perfectible?

Au plan de la condition générale, j’ai à peu près résorbé tout mon retard. Je me souviens que lors de mes débuts, contre les Glasgow Rangers, je n’avais guère plus de dix minutes dans les jambes. Lors de notre dernier match à domicile, contre Mouscron, j’ai tenu pour ainsi dire l’intégralité du match sans problème. Ce n’est toutefois pas tant l’endurance que l’explosivité qui reste, à mes yeux, une préoccupation. En début de saison déjà, je réalisais les bons jaillissements, parvenant à décrocher l’adversaire au prix d’un brusque changement de rythme. Mais dès que je devais progresser, balle au pied, après une telle action, j’avais toujours la surprise, désagréable, de me faire rejoindre à la course par celui qui était commis à ma garde. Cette faculté de conserver l’avantage, je ne l’ai pas encore complètement retrouvée. Je suis cependant sur le bon chemin. Je sais que si je continue à m’appliquer, je résorberai peu à peu ce retard. En vérité, si je persévère à la même cadence, j’ai l’impression qu’au même titre que Nenad Jestrovic, pour des raisons complètement différentes, je serai pleinement opérationnel, moi aussi, pour l’entame du second tour du championnat. Aujourd’hui, j’en suis pleinement convaincu. Il y a deux mois, par contre, j’avais encore des doutes à ce sujet. Je me demandais si j’allais revenir à mon meilleur niveau. Et, surtout, si le jeu en valait la chandelle.

Est-il vrai qu’après le match Alost-Anderlecht, fin septembre, vous avez songé à tout plaquer?

J’étais en plein désarroi, je le confesse. Quelques jours plus tôt, j’avais loupé la conversion d’un coup de réparation au Real Madrid et voilà que la même mésaventure me survenait devant mon ancien public. Avant cette joute, j’avais déjà encaissé un premier coup dur en étant réserviste. Compte tenu de l’évolution du score dans ce match que l’équipe avait finalement emporté par 1 but à 5, j’aurais espéré que le coach me fît monter plus tôt au jeu. En tout et pour tout, je n’ai malheureusement eu droit qu’à quelques minutes. Ce fut assez, toutefois, pour mettre un ballon sur la latte, gâcher un penalty et, par-dessus tout, être pris en grippe par une frange des inconditionnels de l’Eendracht. Ce que j’ai entendu à mon propos et, davantage encore, à propos des gens qui me sont chers, comme ma mère, dépassait les bornes. A un moment, l’arbitre m’a même demandé si je voulais qu’il interrompe la partie temporairement. Mais c’eût été apporter plus d’eau encore au moulin de tous ces détracteurs. Après la partie, dans l’intimité des vestiaires, j’ai accusé le coup. Et je me suis effectivement posé la question de savoir s’il était nécessaire de continuer sur cette voie. Au cours des jours qui ont suivi, j’ai d’ailleurs eu une discussion à cet égard avec Aimé Anthuenis. Et c’est lui qui m’a convaincu de ne pas me laisser abattre. Je lui en suis reconnaissant.

En revanche, vous n’avez pas apprécié qu’il ne fasse pas appel à vous pour les besoins du déplacement à l’AS Roma.

Si j’ai maugréé, c’est parce que cette décision me fut communiquée par le délégué, Pierre Leroy, et non par le coach lui-même. J’estime que c’était à lui de m’en faire part mais la mesure, en soi, n’était pas illogique. Je revenais de blessure, à ce moment-là, et Aimé Anthuenis était simplement d’avis, à raison sans doute, qu’il valait mieux que je travaille ma condition en Belgique au lieu de faire nombre en Italie. D’après lui, le rendez-vous le plus important était encore à venir, lors du dernier match de poule contre le Lokomotiv Moscou. Et il valait mieux, bien sûr, que je sois opérationnel pour ce match-là. J’y ai bel et bien participé, mais le résultat n’a pas du tout répondu à l’attente. Avec le recul, c’est une frustration. J’aurais, bien sûr, aimé prouver quelque chose en Ligue des Champions. Or, au décompte final, le bilan aura été catastrophique. Non seulement le Sporting fut éliminé, mais je n’aurai pas été crédité, non plus, du moindre but ou d’assist dans cette compétition. C’est une grosse déception.

« Toutes ces suspicions me dépassent »

Après cette rencontre, Aimé Anthuenis prononça le mot de sabotage devant le groupe. Et il en fut de même, dit-on, après le match Anderlecht-Lokeren, perdu 3-4 alors que l’équipe menait 3 à 0 après un quart d’heure.

A 1-2, et plus encore à 1-3 face aux Russes, il était quand même normal que l’entraîneur jette toutes ses forces dans la bataille. Et il s’y est bel et bien résolu, en ce sens que le RSCA a terminé cette partie avec toute son armada offensive sur le ground. Au lieu de scorer, ce furent cependant les Moscovites qui profitèrent des boulevards pour accentuer la marque à 1-4 d’abord, et ensuite à 1-5. Personnellement, je n’ai pas compris que l’entraîneur ait nourri des doutes quant à ce verdict. Sa tactique, dictée par les circonstances, était tout simplement une arme à double tranchant. Quant à la rencontre de coupe, face à Lokeren, c’était un accident de parcours, aussi incroyable qu’il n’y paraisse. S’il y avait vraiment eu intention, de notre côté, de balancer ce match, croyez bien que jamais, dans ces conditions, nous ne nous serions détachés à 3 à 0 au bout de quinze minutes de jeu à peine. Cette avance, obtenue au prix d’un football-régal, constituait la preuve que nous tenions absolument à nous réhabiliter. Idem contre Mouscron. A 0-1 à la mi-temps, le scénario-catastrophe était idéal. Mais que s’est-il passé à la pause: chacun a juré un bon coup dans le vestiaire et s’est dit que ce n’était pas possible de continuer de la sorte. Résultat des courses: nous avons renversé la vapeur. Dès lors, y a-t-il vraiment anguille sous roche? Je trouve réellement navrant que l’on ose parler de sabotage, dans de telles conditions. Certains ont manifestement l’imagination trop fertile. Il ne faut tout de même pas oublier que cette saison est très importante pour pas mal d’entre nous. Je songe notamment aux internationaux dans l’optique de la Coupe du Monde, voire de tous les autres qui n’ont aucune envie que le Sporting loupe le coche européen en fin de campagne. C’est pourquoi toutes ces suspicions me dépassent.

L’un de vos objectifs, en revenant chez les Mauve et Blanc, était précisément de vous rapprocher des Diables Rouges…

L’équipe nationale, ce n’était pas ma priorité. Dans un premier temps, mon retour en Belgique, et à Anderlecht en particulier, était essentiellement dicté par l’envie de retrouver la joie de jouer. Depuis mon plus jeune âge, le football m’a toujours procuré énormément de plaisir. Cette satisfaction-là, hélas, s’était complètement érodée en Angleterre. De fait, je me suis complètement trompé d’histoire d’amour là-bas. Le jeu, tel qu’il est pratiqué aux Iles, n’était nullement taillé sur mesure pour moi. A la limite, je le vomissais. Mon seul bonheur, à Sheffield Wednesday, c’était mon compte en banque. Si seul l’argent avait eu de l’importance, à mes yeux, la solution de facilité eût été que j’aille au bout de mon contrat chez les Owls. Il me restait deux saisons à accomplir là-bas. J’aurais fort bien pu être payé rubis sur l’ongle en me tournant les pouces. Mais c’eût été un gâchis. Il aurait vraiment été dommage, à 30 ans à peine, que ma carrière s’en aille à vau-l’eau. Et c’est pourquoi j’ai fait passer mes ambitions et la réalisation de mon potentiel avant les considérations matérielles. Aujourd’hui, même si j’ai conscience de ne pas avoir encore exprimé toutes mes qualités, je n’en suis pas moins content de ce choix. Car je suis sur la bonne voie. Après six mois, ma faim de football, qui s’était singulièrement amenuisée en Angleterre, est revenue. Je ne suis pas rassasié, tant s’en faut. Et c’est le plus important pour moi. A présent, dans un deuxième stade, il m’incombe de rehausser mon niveau de jeu. Si j’y arrive, qui sait si je n’entrerai pas en ligne de compte pour le Japon. Mais je ne veux pas tirer de plans sur la comète. Dans l’immédiat, c’est au Sporting que je dois me réaliser.

« J’ai livré mes meilleurs matches en décrochage »

Depuis votre retour au Parc Astrid, vous avez non seulement voyagé entre le banc et la pelouse, mais vous avez également bougé de place au sein de l’équipe: tantôt vous avez été aligné en pointe, tantôt en tant que deuxième attaquant, tantôt encore comme faux ailier gauche, comme ce fut le cas à St-Trond. N’aspirez-vous pas à plus de stabilité dans l’espoir de redevenir complètement vous-même?

Même si je n’ai pas toujours été d’accord avec les choix de l’entraîneur, je ne peux quand même pas lui donner tort d’avoir procédé à certains essais. A mon retour, il est sûr que je manquais quelque peu de body et de tranchant pour officier en pointe. A l’analyse, je pense avoir livré mes meilleurs matches en décrochage d’un véritable target-man, comme Seol par exemple. Au cours des derniers matches, vu la disponibilité d’Ivica Mornar, il était normal que le coach cherche une solution de nature à pouvoir nous utiliser tous les trois. C’est la raison pour laquelle j’ai été invité à coulisser sur l’aile gauche à un moment donné. Ce n’est peut-être pas ma meilleure position mais pour le bien de l’équipe et pour moi-même, je m’en accommode. Il est important que je dispute le plus de matches possible pour retrouver le bon rythme.

Personne n’a compris votre remplacement, en cours de partie, face à Lokeren, en championnat. Ce fut peut-être votre meilleur match depuis votre retour au Parc Astrid.

Beaucoup auraient aimé qu’un élément créatif, tel qu’Alin Stoica n’en relaye pas un autre, comme moi, capable éventuellement par un coup d’éclat d’ouvrir un match. Mais le coach avait fait un choix, en matière d’équilibre des forces dans l’équipe, qui lui avait joliment réussi quatre jours plus tôt à St-Trond, où il s’était prononcé pour la première fois en faveur d’une défense à cinq, de deux demis récupérateurs et de trois éléments à inclinaison offensive. Pour ne pas rompre cette balance, il fallait bien qu’il retire un de ceux-là s’il voulait introduire le jeune Roumain. Son choix s’est porté sur moi et je dois l’accepter même si j’avais l’impression de ne pas avoir démérité. On n’en serait évidemment pas arrivé là si le Sporting n’avait pas eu besoin d’un cinquième arrière… Mais il ne s’agit que d’une mesure temporaire. Pour Anderlecht, quatre arrières, c’est amplement suffisant. Quand le team aura trouvé une stabilité au niveau de ses composantes, il sera très fort, j’en suis sûr.

Comment expliquez-vous qu’Anderlecht, club au potentiel de loin le plus riche en Belgique, ne fasse pas meilleure figure en championnat?

Nous sommes beaucoup trop nombreux à l’entraînement pour faire du travail valable. La meilleure séance de préparation de la semaine est toujours celle du vendredi. Ce jour-là, en comité restreint, on règle les derniers détails du match du week-end. Et on réalise toujours un travail probant. Cette mesure devrait être d’application les autres jours aussi. On y gagnerait en fluidité et cohésion. Ce n’est pas tant la qualité des joueurs que l’absence de liant qui explique notre parcours en dents de scie cette saison. Si nous ne voulons pas nous retrouver les mains vides, c’est à cette tâche que nous devrons nous atteler.

Bruno Govers

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