Fils rouges

D’un côté, il y a les points pris depuis quelques semaines (8 sur 21). De l’autre, ce siège de leader auquel les Standardmen s’accrochent.

Le premier bilan des play-offs est-il bon ou mauvais pour le Standard ? Difficile à dire tant les résultats peuvent être vus de façon positive ou négative. Prenons le point glané à Genk : un bon ou un mauvais point ? Bon si on tient compte du fait que le Standard était mené et se trouvait en infériorité numérique. Mauvais si on regarde l’apathie des Rouches jusqu’à l’exclusion et si on prend en considération la spirale négative de l’adversaire du jour, plus que jamais prenable. Et les play-offs ? Le bilan de 4 points sur 9 ne semble pas constituer le tableau de marche d’un futur champion. Néanmoins, le Standard a commencé les play-offs avec deux points d’avance et compte toujours deux points d’avance après trois journées, et ce même si Anderlecht et Zulte Waregem ont respectivement grappillé deux et cinq points.

A la sortie du stade, les supporters liégeois baignaient dans un certain scepticisme. Pourtant, il existe bien des raisons d’y croire. Ne fût-ce que la première place qui offre toujours la possibilité d’un joker. Ou l’incapacité des adversaires à profiter des faux pas des Rouches pour leur passer devant. Le Standard peut flancher mais ses adversaires aussi. Personne ne semble en mesure de dominer les play-offs. Chaque semaine, le favori change de peau : le Standard, le Club Bruges, Anderlecht et désormais Zulte Waregem. Mais quels sont les derniers pièges que le Standard doit éviter pour être sacré champion, mi-mai ?

1. Le rendement à l’extérieur

Les hommes de Guy Luzon ont prouvé durant la phase classique qu’ils étaient intraitables à l’extérieur. Parfois bien davantage qu’à domicile. Pourtant, depuis la victoire à Charleroi (le 15 février), le Standard n’a plus gagné à l’extérieur (défaite à Bruges, partage à Waasland Beveren, défaite à Zulte Waregem et partage à Genk). Comment expliquer ce changement ? A domicile, le Standard est porté par son public, ce qui compense les trous d’air éventuels (physiques, mentaux ou tactiques). A l’extérieur, le moindre défaut se paie cash. A Genk, les Liégeois sont entrés dans la rencontre à la 40e minute de jeu : ils étaient alors déjà menés d’un but et jouaient en infériorité numérique.

Or, on a l’impression que dans ces play-offs, l’équipe qui émergera sera celle qui prendra le plus de points à l’extérieur. Dans cette optique, à dix contre onze, ramener un point de Genk est précieux. Si le Standard demeure en tête au soir du lundi de Pâques, après la 5e journée et un déplacement à Bruges, il pourra envisager sereinement la suite de la compétition puisqu’il abordera le deuxième avec l’avantage de trois matches à domicile pour deux déplacements.

2. La mentalité

C’est ce qui semble le plus poser problème depuis un mois et demi. Où sont passés les lions du début de championnat ? A l’époque, c’est l’esprit de sacrifice et de jusqu’au-boutisme insufflé par Luzon qui avait permis aux Liégeois de commencer le championnat en trombe et de lancer leur saison sur des bases conquérantes. Bien plus que le jeu, dont la pauvreté posait parfois question, alors même que le Standard caracolait en tête (souvenez-vous du débat d’octobre et novembre). Or, que ce soit à Waasland Beveren, à Zulte Waregem ou à Genk, certains joueurs n’ont pas hésité à relever le manque de combativité du noyau.  » On manquait d’engagement, de combat physique « , affirmait Laurent Ciman en parlant de la première demi-heure à Genk.  » Qu’est-ce qui peut nous priver du titre ? Nous-mêmes « , ajoutait Frédéric Bulot.  » Tout dépendra de notre détermination. Si on se focalise sur nos objectifs et qu’on donne tout, on y arrivera. A-t-on toujours cette niaque ? Il y a des matches plus délicats que d’autres mais la mentalité est toujours bien présente.  »

Pourtant, un certain agacement transpirait dans les couloirs de la Cristal Arena. William Vainqueur semblait agacé de devoir boucher tous les trous, seul. Laurent Ciman, qui n’avait pas vu Siebe Schrijvers dans son dos, regrettait le manque de communication de ses défenseurs et de son gardien.  » On peut éviter les deux buts avec un minimum de communication et de positionnement tactique « , lâchait le défenseur carolo. On n’entendait pas pareil discours il y a quelques mois.

Depuis quelques semaines, le Standard fonctionne moins en bloc équipe. On peut s’étonner de ne pas voir les deux attaquants combiner plus ensemble. On voit beaucoup d’espaces entre les lignes (ce qu’on ne percevait pas en première partie de saison) et des joueurs offensifs qui n’effectuent pas toujours leurs tâches défensives, ce qui déséquilibre l’équipe en perte de balle. A Genk, ce n’est qu’en infériorité numérique que tout le monde a montré de l’application à l’organisation et que les lignes se sont resserrées.

Comment expliquer que cette équipe dominée par Genk se soit révoltée après l’exclusion de Yoni Buyens ? Enervés par ce qu’ils considèrent comme une cabale de l’arbitre, les joueurs se sont alors rendu compte qu’ils ne pouvaient compter que sur eux pour prendre au moins un point. Le titre ne tombera pas tout seul dans les filets rouches. Il faudra aller le chercher et, ça, les Standardmen ne le comprennent pas toujours, bercés et éblouis par les louanges qui les abreuvent depuis des mois.

Le discours d’après-match, basé principalement sur la théorie du complot, a pour but de ressouder une équipe dans un format  » seul contre tous « . José Mourinho a prouvé qu’une telle stratégie pouvait fonctionner à merveille.

3. La fatigue

Curieusement, alors que beaucoup percevaient des signes d’écroulement physique depuis quelques semaines, le match contre Genk (même si cet adversaire ne semble pas le meilleur maître-étalon en ce domaine) a balayé certains doutes puisqu’on n’a pas vu de différence entre une équipe du Standard à 10 et celle de Genk à 11. Pourtant, lors des défaites contre Gand et à Bruges, les Rouches avaient été bousculés et n’avaient pu répondre sur ce point-là. Même chose en ouverture des play-offs face à Anderlecht. Les champions en titre avaient refait surface en deuxième mi-temps, le Standard n’ayant pas pu garder le rythme qui avait permis d’étouffer Anderlecht en première. Ce jour-là, les joueurs avaient admis avoir souffert physiquement et terminé la rencontre épuisés mais ils avaient mis ce coup de bambou sur le compte de la chaleur, paramètre valable mais qui aurait dû alors valoir pour les deux équipes. A Zulte Waregem, les Liégeois avaient de nouveau été dominés sur le plan physique.

Ce léger contrecoup physique aurait pu aisément se comprendre. Le Standard est sur le pont depuis la reprise européenne face au KR Reykjavik mi-juillet. Les Principautaires ont débuté plus tôt que n’importe quelle formation belge et ont disputé plus de matches que les autres candidats au titre. Mais peut-on réellement se servir du nombre de matches comme excuse valable ? Non. Pour cela, il suffit de se rappeler le discours des dirigeants et de Guy Luzon qui, en novembre, justifiait sa rotation (largement responsable de l’échec retentissant en Europa League) par l’accumulation des matches et par la nécessité d’arriver frais aux play-offs. De plus, les statistiques montrent que cette rotation a limité les conséquences de la fatigue sur le noyau rouche. Comme notre cadre le démontre, les joueurs du Standard ont beaucoup joué mais ils ne sont pas les seuls. Les cadres de Zulte Waregem ont été bien plus présents sur le terrain. Quatre joueurs de Francky Dury (Karel D’Haene, Sammy Bossut, Davy de Fauw et Thorgan Hazard) ont disputé plus de minutes de jeu que le joueur le plus utilisé du Standard (Eiji Kawashima). D’Haene compte ainsi 492 minutes de plus à son compteur que le premier joueur de champ du Standard, Jelle Van Damme. Soit l’équivalent de plus de cinq matches ! Sept joueurs de Zulte ont dépassé les 3.000 minutes de jeu, contre seulement cinq au Standard.

Par contre, par rapport à ses concurrents traditionnels, il est clair que les chiffres parlent en défaveur du Standard. Seuls deux Brugeois (Matthew Ryan et Timmy Simons) ont dépassé les 3.000 minutes de jeu, pour un à Anderlecht (Cheikhou Kouyaté). Michy Batshuayi, le quatrième joueur le plus utilisé du Standard, a été impliqué dans 43 matches, pour seulement 28 à Bjorn Engels (le quatrième joueur le plus utilisé de Bruges) ou 32 à Guillaume Gillet (le quatrième joueur le plus utilisé d’Anderlecht). Une dizaine de matches supplémentaires (même s’ils ne sont pas disputés dans leur intégralité), ça use mentalement et physiquement. Et n’est-ce pas davantage une lassitude mentale qui guette les Standardmen, qui ne voient pas la fin d’une longue saison ?

Du côté du Standard, la gestion de la saison a tenu compte de ces paramètres physiques et le préparateur physique, Carlos Rodriguez, digne héritier de Guy Namurois en la matière, refuse de parler de baisse de régime.  » C’est un sujet qui revient beaucoup ces derniers temps dans les médias et je ne sais pas trop pourquoi « , affirme-t-il.  » Sur quoi se base-t-on ? Si je regarde la prestation à Genk, on ne peut pas tenir ce discours. Même chose à Zulte Waregem. Et lors de la deuxième mi-temps à Anderlecht, en volume de sprint, les chiffres montrent que les joueurs ont effectué 400 mètres de plus. Moi, en termes de critère physique, je ne vois pas de baisse de régime en deuxième mi-temps. Les statistiques me le prouvent.  »

Pour contrer la lourdeur de la saison, les joueurs reçoivent pendant les play-offs un programme complètement individualisé.

4. Pouvoir imposer sa tactique

Il a suffi d’une petite phrase lancée par Emilio Ferrera pour relancer le débat.  » Le Standard a mieux joué à dix qu’à onze ? Pas étonnant. Leur jeu consiste à envoyer de longs ballons.  » Très réducteur mais lourd de sens. Le jeu du Standard ne surprend plus l’adversaire qui le connaît désormais par coeur. Si la tactique ne fait plus la différence, tout repose sur les individualités liégeoises. Or, quand celles-ci sont cadenassées, le Standard ne paraît pas avoir de plan B. Reste que quand le Standard impose sa vitesse et son rythme, il n’a pas besoin d’avoir un plan B tant le plan A est efficace. Le titre passera donc par l’efficacité à étouffer l’adversaire par le pressing et la vitesse. ?

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

Les joueurs du Standard sont sur le pont depuis mi-juillet mais ont joué beaucoup moins que les joueurs de Zulte Waregem.

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