Fils du soleil

Si vous sondez son âme, vous verrez vite qu’humainement, le Grec est très fort.

Si le soleil est indispensable à son bonheur, il doit être malheureux en Belgique? Faux. Alexandros affirme qu’en son for intérieur, le soleil brille toujours. « Je suis toujours heureux. Pourquoi être malheureux, d’ailleurs? Il faut être fataliste. C’est la manière dont on réagit aux choses de la vie qui déterminent votre bien-être. Si vous êtes bien dans votre peau, un événement négatif ne peut vous déséquilibrer ».

Certes, l’homme est libre et donc responsable de ses joies et de ses chagrins mais cette belle théorie n’est-elle pas difficile à mettre en pratique?

Alexandros Kaklamanos: Je savoure chaque instant de ma vie. Comme tout le monde, je suis parfois stressé, surtout quand il s’agit de vie et de mort. Je l’ai vécu il y a un an, quand mon père a été gravement malade, mais la vie continue et je devais faire mon boulot ici. Je suis calme, peut-être trop au goût de certains, des personnes qui ne parviennent pas à gérer une situation qui me laisse froid.

Votre femme est comme vous?

Non, elle est Athénienne et très différente. Elle veut tout maîtriser. Si elle reçoit une facture, elle s’en acquitte le jour-même. C’est un comportement stressant. Je n’aime pas ça. Ce qui doit arriver arrivera. La facture peut être payée demain ou après-demain. J’essaie de me simplifier la vie. Vous aurez compris que ma femme règle beaucoup de problèmes elle-même! (Il éclate de rire).

Pourquoi avoir prolongé de trois ans à La Gantoise alors que vous étiez libre en juin?

Comme je pouvais signer ailleurs dès le 1er janvier, La Gantoise a voulu conclure un contrat. Si je n’avais pas accepté, elle ne m’aurait peut-être plus aligné. Elle m’a placé sous pression. J’ai dit: -OK, je ne joue plus pendant quatre mois puis je partirai. Elle aurait alors perdu de l’argent. J’ai proposé de rester, sous certaines conditions, qu’elle m’a accordées.

La saison passée, vous deviez partir parce votre contrat était trop plantureux.

C’est ce qu’on a dit mais Patrick Remy, le nouvel entraîneur, ne m’alignait pas alors que j’étais le meilleur buteur de l’équipe. C’est moi qui voulait partir mais ce n’était pas facile: il n’y avait pas que Gand.

« La Gantoise paye toujours »

Mais aussi Milan Mandaric et son agence de management, First Star?

Oui, je n’ai rien signé avec eux mais j’ai quand même eu des problèmes car il y avait un accord entre First Star et La Gantoise. C’est incroyable, les montages qui existent en Belgique, pour ce genre de choses. Mandaric avait six ou sept joueurs à Charleroi. A son départ, plus aucun joueur n’a été aligné! A huit matches de la fin, on m’a écarté pour épargner les deux millions, dus au-delà de mon 21e match. Si le club ne m’employait plus, il ne devait qu’un demi-million. Charleroi, c’était un nid de problèmes, sur le plan financier. La Gantoise paie un peu tard mais elle s’acquitte de ce qu’elle doit.

Appartenez-vous toujours à First Star?

Non, Gand a trouvé une solution. Si j’étais parti librement, Mandaric aussi aurait perdu de l’argent. La Gantoise l’a donc dédommagé. Un peu vaut mieux que rien du tout.

Mandaric vous a acquis pour 10 millions à l’Olympiakos. A-t-il perdu de l’argent?

Je ne pense pas: il a empoché de l’argent quand j’ai rejoint Charleroi, puis Gand et maintenant encore.

La Gantoise veut peut-être vous vendre maintenant?

Pourquoi pas si une offre qui convient au club et à moi-même arrive? Le football, c’est du business. Le temps où on jouait par amour pour ses couleurs est révolu.

Votre contrat mentionne-t-il un prix?

Non. Michel Louwagie est trop malin pour faire avec moi ce qu’il a fait avec Ole-Martin Aarst. Sinon, je reste trois ans. Indépendamment de mon bon contrat, je me plais ici. Nous formons une famille, nous ne nous battons pas à l’entraînement comme à Charleroi et en Grèce. Le club est bien organisé, honnête avec nous, les supporters m’apprécient.

Patrick Remy n’est pas marrant.

Ceux qui ne jouent pas sont mécontents. Ce fut mon cas aussi quand il ne m’alignait pas. Il est un peu strict au goût de certains, qui estiment être assez professionnels pour savoir ce qu’ils peuvent faire ou non. Ce n’est pas un problème pour moi. Vraiment pas. J’ai connu un entraîneur comme lui en Grèce: ne pas téléphoner dans le vestiaire, rester à table jusqu’à ce que tout le monde ait fini, etc. No problem.

Il trouvait que vous ne travailliez pas assez.

Quand on ne joue pas, on n’a pas le coeur à l’ouvrage et on travaille moins bien.

« J’ai été franc avec Remy »

Il vous a préféré Hossam.

Parce qu’il fallait monnayer Hossam. Si nous évoluions avec deux attaquants, l’autre Français, Lempereur, m’était aussi préféré. Je crois qu’il a marqué un but en six mois. Je suis allé trouver Remy. Il m’a reproché de ne pas travailler assez à l’entraînement, de n’être qu’à 40% alors que je devais être entre 80 et 100%. J’ai rétorqué qu’il n’y avait pas que l’entraînement. Il s’agit de gagner les matches. Un jour, on est à 100%, le lendemain à 40, 50%. Quand on travaille avec plaisir, on le fait mieux. Il en va ainsi, dans la vie. Si on m’accorde une certaine liberté, je suis encore meilleur. Si votre patron regarde par-dessus votre épaule quand vous rédigez vos articles, en vous demandant d’accélérer, en disant que ce n’est pas bon, vous devenez fou, non? Au début, Remy était comme ça. Sans arrêt. J’ai demandé à Louwagie que l’entraîneur me laisse un peu tranquille.

On a aussi accusé Remy de se mêler de la vie privée des joueurs. Vous fumez. Ça ne le dérange pas?

Remy ne s’occupe pas de notre vie privée. Je suppose qu’il sait que je fume mais il n’a jamais rien dit. Croyez-vous que je sois le seul joueur dans ce cas? Je ne fume jamais au club, par respect. Pourtant, j’ai passé quelques jours en Italie et là, les joueurs fument partout, même en présence de leur entraîneur. Ce n’est pas bon, pour de multiples raisons. Ce n’est déjà pas donner le bon exemple aux jeunes.

Fumez-vous beaucoup?

Même pas un paquet par jour. Entre 10 et 15 cigarettes, des légères. Beaucoup de grands joueurs fument. Comme Cruyff. Il aurait été encore meilleur sans ça! (il rit)

Le rectangle est votre royaume. Vous avez besoin de l’équipe pour prester. Ne seriez-vous pas meilleur au sein d’une équipe qui exerce un pressing plus haut et qui surgit plus souvent dans le rectangle?

C’est plus facile si nous alignons deux attaquants. Si nous formons un trio, je me retrouve souvent seul devant car, en fait, les ailiers pensent surtout en termes défensifs et reviennent de trop loin. Nous pouvons mieux mais l’entraîneur a sa mentalité, sa vision et nous devons l’accepter. Lui dire quelque chose ne sert à rien: s’il change quelque chose, c’est parce qu’il le veut bien. Toutefois, quand nous menons, tout le monde recule. Il y a parfois une brèche de 230 mètres entre moi et les autres. Je ne sais pas à quoi c’est dû. Pas à des consignes de l’entraîneur, d’après ce que je sais. Il arrive que ses consignes ne soient pas appliquées. Mais qui paie l’addition? L’entraîneur, car un club ne peut remplacer tous ses joueurs.

Remy va donc voler?

Le limoger maintenant ne serait pas bon pour l’équipe, là, à 10 matches de la fin. Nous devons le suivre, éviter les problèmes et nous concentrer sur notre objectif: nous classer le mieux possible. Ensuite, à la direction de prendre la meilleure décision: continuer avec Remy ou pas.

« Comment m’adapter véritablement? »

Qu’auriez-vous fait si vous n’étiez pas devenu footballeur professionnel? Vous auriez loué des parasols à Rhodes?

J’aurais eu un job dans le tourisme. Une de mes soeurs travaille dans un hôtel, mon frère loue des motorbikes. Mon père travaillait la peau des loups.

Qui s’intéresse à ça, à Rhodes?

Les touristes, surtout scandinaves, étaient fous de ces jackets.

Que ferez-vous au terme de votre carrière?

Vous êtes comme ma femme, elle ne pense qu’à ça! Je réponds: easy, nous avons le temps d’y réfléchir. Un magasin de souvenirs à Rhodes, qui sait? Ou alors, nous devons acheter un immeuble à Athènes et le transformer en parking, car trouver un emplacement n’est pas évident!

Qu’emporterez-vous de Belgique?

Beaucoup de souvenirs. Jusqu’à présent, le point d’orgue de ma carrière est mon titre avec l’Olympiakos et mes deux saisons à Gand. J’ai gommé le reste de ma mémoire. A mon arrivée, il pleuvait, il faisait froid. J’espérais que ces trois années passeraient vite mais prendre congé d’une série de gens qu’on connaît depuis cinq ou six ans n’est pas facile, sachant qu’on ne les reverra sans doute jamais. Je me souviendrai aussi qu’un étranger a une belle vie en Belgique, même s’il n’en connaît pas la langue.

Avez-vous changé?

Herman Vermeulen m’a dit que je devais me conformer aux lois belges. Il a raison, j’essaie, mais… je m’inspire de certaines choses, pas de toutes.

Vous vous levez plus tôt?

En trois ans, j’ai appris à me lever à neuf heures pour m’entraîner dans le froid mais je suis toujours incapable d’aller dormir tôt. Jamais avant minuit. En Grèce, l’entraînement débutait à trois heures de l’après-midi, je me levais à 11 heures, voire midi. Je pense faire mon boulot ici. Evidemment, si je joue mal, j’entends: -Tu t’es encore couché trop tard, tu as fait ça et ça. Je ne me retourne plus là-dessus. Le football n’est pas un travail mais un hobby, pour moi, quelque chose qui me procure du plaisir.

Avez-vous un rêve?

Jeune, on rêve de devenir un grand joueur d’un grand club, d’un championnat prestigieux, d’être international. Maintenant, je pense à avoir des enfants, ce qui est plus facile.

Habitez-vous en appartement?

Non, une maison avec jardin, ce qui est difficile dans les grandes villes. A Athènes, il n’y a que des appartements. Il faut rouler 150 kilomètres pour trouver une maison avec jardin.

On vous imagine mal tondre la pelouse.

En effet, quelqu’un s’en charge pour moi (il rit).

Christian Vandenabeele, ,

« Il ne faut pas limoger Patrick Remy maintenant »

« J’essaie de me faciliter la vie et d’en savourer chaque instant »

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