Fils de boucher

Comme joueur, il était tellement dur qu’on l’a renvoyé dans le but!

Passé professionnel à l’âge de 20 ans, il fut la doublure de Geert De Vlieger en équipe nationale Espoirs. En 1998, après sept ans passés à Waregem, il signa à Mouscron où il est aujourd’hui considéré comme un des meilleurs gardiens du pays, spécialiste des penalties: cette saison, il en a arrêté quatre sur cinq. Il dit avoir un truc mais ne se prend pas pour Jean-Marie Pfaff, même s’il sera peut-être du voyage au Japon, comme troisième gardien.

Mais ce qui vous tient le plus à coeur, c’est la victoire en Coupe de Belgique, non?

Franky Vandendriessche: J’ai quitté l’école à 18 ans, avec un diplôme A2 en comptabilité pour entrer à l’armée. En décembre, j’ai profité de la règle des trois étrangers pour devenir réserviste à Waregem. C’était la grande époque de ce club et j’ai décidé de tout faire pour m’imposer. Depuis ce jour-là, je n’ai plus bu une seule bière!

Vos parents vous avaient appris à travailler dur.

A la boucherie, on travaillait sept jours sur sept. Le week-end, mon père et mon frère se levaient à trois heures du matin, même après être venus me voir jouer la veille. Et moi, quand j’ai congé, je travaille dans le jardin ou je donne un coup de main à des amis. Je me dis chaque jour que j’ai de la chance de jouer au football. C’est pourquoi, quand j’ai été blessé, j’ai suivi les cours d’entraîneur. Je n’ai cependant pas de grandes ambitions. Je préférerais entraîner les jeunes et les gardiens de Mouscron. Je suis encore sous contrat jusqu’en 2005. Je n’aurai alors que 34 ans et j’aimerais encore jouer plus longtemps puis rester au club.

Il y a quatre ans, quand je suis arrivé, beaucoup se sont demandé ce que je venais faire ici. J’avais passé trois ans en D2 et plus personne ne me connaissait. Mais René Verheyen, qui m’avait lancé à 19 ans, avait conseillé à Hugo Broos de me faire confiance. Je suis arrivé comme deuxième gardien, derrière Feys. Lorsque celui-ci s’est blessé, Broos a dit qu’il ne chercherait pas de remplaçant, alors que je n’avais pas encore joué. Ça m’a mis en confiance.

Deux blessures graves

Deux blessures graves ne vous ont pas arrêté.

J’ai d’abord été blessé aux ligements croisés du genou droit le 19 mars 2000, à Beveren, alors que nous luttions pour une place européenne. Jusque-là, je n’avais jamais raté un entraînement. Je devenais fou. Heureusement, il y eut l’été et je n’ai loupé que sept matches. Le 20 août 2000, cependant, je me suis reblessé à Bruges, dans un contact avec Vermant. Exactement la même blessure. On a dit que j’avais repris trop vite mais c’est faux: c’est le hasard. Ce soir-là, j’ai cru que ma carrière était terminée mais le Dr Labrique, qui m’a opéré, m’a rassuré. La rééducation fut cependant encore plus pénible car je savais ce qui m’attendait et je doutais beaucoup, malgré les appels au calme du médecin et de l’entraîneur. Celui-ci me comparaît à Vital Borkelmans, qui s’était toujours soigné et se remettait très vite. Moi, je n’arrivais pas à relativiser, je craignais de perdre tout le fruit de mon travail. J’ai repris les entraînements le 2 janvier mais l’entraîneur m’a interdit de jouer avant le mois de mars. Il ne voulait pas prendre de risque. Moi, dès le mois de février, j’allais le trouver chaque semaine pour lui demander de pouvoir jouer en Réserves.

Etait-ce important?

Je pense que oui. Le match d’un gardien, c’est 90% de concentration. Aujourd’hui, je reconnais que l’entraîneur avait raison: Kurt Vandoorne se débrouillait bien et, à partir du mois de mars, j’ai rejoué en Réserves. En principe, je devais y rester jusqu’en fin de saison car Broos m’avait promis que je serais titulaire à la reprise. C’était dur à accepter mais il le fallait. J’étais content que Kurt joue bien. Comme cela, le club n’achèterait pas de troisième gardien. Puis Kurt s’est blessé à la mi-avril et j’ai pu disputer les cinq derniers matches.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres…

Non puisque l’entraîneur m’avait promis que je serais titulaire la saison suivante.

Detrem’ descend dans le vestiaire

Vous avez très mal entamé ce championnat. Il y avait du grabuge, l’entraîneur était discuté. Comment expliquer qu’un tel revirement ce soit produit à partir du mois d’octobre?

C’est grâce au président. Après une dizaine de matches, il est venu nous voir à l’entraînement. Nous craignions le pire pour l’entraîneur mais il a dit directement que, si Broos s’en allait, il démissionnerait aussi. Et il s’en est pris à nous. Nous y sommes tous passés, l’un après l’autre. On nous a remis à notre place et nous étions tous sous le choc. Pour le match suivant, le président nous a obligés à partir au vert, sans même en parler à l’entraîneur. Je suis convaincu que ce fut le tournant de la saison. Le président avait raison: le groupe n’était plus uni.

Vous êtes le capitaine et un clubman: ne pouviez-vous rien y faire?

C’était difficile, ne serait-ce qu’à cause de la barrière de la langue. Et puis, ce n’est pas mon genre de taper du poing sur la table. Je suis trop gentil pour ça. Je suis content que le président soit intervenu. Evidemment qu’il n’y avait rien à reprocher à l’entraîneur puisqu’il n’avait pas changé.

Si vous n’aviez pris ne fût-ce que neuf points au cours des cinq premiers matches, vous joueriez pour le titre…

Vous pouvez le dire, même avec six ou sept points (il soupire). Je reste persuadé que le premier match, à Alost, nous a coûté cher. Nous avons perdu face à une équipe de Juniors. Au repos, l’entraîneur a effectué trois changements et presque tout le monde l’a mal pris.

La personnalité de Mbo

Vous avez réussi une belle série de matches sans défaite. C’est du solide!

Depuis janvier, l’entraîneur nous dit de prendre match par match. Au GBA, à trois jours du match de coupe contre St-Trond, il a aligné l’équipe-type et nous a interdit de lever le pied. Aujourd’hui, nous sommes finalistes de la coupe et nous pouvons encore rêver de la troisième place. Si nous formons un groupe, nous sommes plus forts qu’au cours des trois saisons précédentes. L’équipe des Tanghe et Vanderhaeghe était très efficace mais celle-ci est plus équilibrée. Le retour de Mbo nous a fait du bien parce qu’au moment où nous risquions de sombrer dans la monotonie, le président a montré qu’il y croyait encore. Et puis, Mbo, c’est une personnalité dans le vestiaire.

Robert Waseige n’a pas encore de troisième gardien pour la Coupe du Monde…

André Van Maldeghem, qui fut mon entraîneur et est aujourd’hui scout à la fédération, m’a confié que j’étais suivi mais cela ne m’empêche pas de dormir. A Waregem j’ai appris que, plus on pense à autre chose, moins bien on joue. Evidemment, si on me le demandait, j’irais à pied au Heysel.

Pensez-vous honnêtement mériter autant votre place que Moons ou De Wilde?

Il n’y a qu’un gardien incontestable: De Vlieger.

En Asie avec les Diables?

Vous ne vous sentez pas inférieur à Herpoel ou Moons?

(Ennuyé) Que puis-je répondre? Je ne me suis jamais entraîné avec eux. Fred se débrouille bien depuis quelques années et je n’ai pas le droit de dire que je suis meilleur. Mais je ne me sens pas inférieur, non. Les prestations de l’équipe jouent un grand rôle. Lorsque Herpoel s’est blessé avant les barrages, on a opté pour Moons parce que Genk avait bien entamé le championnat et que Mouscron sortait d’un zéro sur quinze. Maintenant, nous jouons bien et ça joue en ma faveur mais Genk sera peut-être champion?

Waseige peut-il emmener De Wilde, qui a déjà 37 ans?

Pourquoi pas? Hormis Gillet et Deelkens, et encore, aucun jeune ne perce. De Wilde a déjà sauvé Anderlecht quelques fois cette saison. En Belgique, il est toujours le meilleur, le plus mûr. Je pense que Ronny Gaspercic est hors circuit car il n’a pas joué cette saison. Financièrement, il a fait le bon choix en allant à Séville. Personnellement, je ne pourrais jamais me contenter d’une place de deuxième gardien, même si je gagnais trois fois plus. Nous sommes très bien soignés, ici. Nous avons même un dentiste et nous sommes toujours payés dans les délais. Je suis un clubman et l’équipe nationale ne peut pas m’enlever cela, même si je sais que c’est maintenant ou jamais.

Quand même: un fils de boucher de Waregem parmi les meilleurs joueurs du monde…

Un paysan… Mais Vanderhaeghe et Tanghe sont des types simples aussi. Il faut relativiser tout cela. Je suis déjà content d’être ici. Il y a dix ans, je n’aurais jamais osé imaginer cela. Alors, quand on me parle de l’équipe nationale, je réponds qu’il ne faut pas dire n’importe quoi.

Frank Buyse,

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