Films animaliers et ALLERGIE AU STADE

Où avez-vous rencontré Awa ?

Aruna Dindane (23 ans) : C’était lors d’une fête, chez nous, en Côte d’Ivoire. Ca remonte déjà à 1999. Awa avait à peine seize ans mais je tiens à dire qu’elle ressemblait plus à une femme qu’à une enfant. Elle était comme maintenant (il rit). On avait une amie en commun. On s’est rencontrés grâce à elle. Et voilà !

Quand vous avez quitté l’Académie, Awa ne vous a pas accompagné. Comment s’est passée cette période où vous étiez ensemble mais pas physiquement ?

ça a été dur pour tous les deux, bien sûr. Mais il fallait faire des choix. Je suis venu ici pour faire carrière. Je n’ai évidemment pas hésité. Malgré tout, un tel déracinement passe par des moments douloureux, de solitude. Heureusement, Awa m’a rejoint pour vivre en Belgique en octobre de l’année passée.

Cela signifie donc que Bouba, votre fils de 13 mois, est né en Côte d’Ivoire. Vous étiez là pour l’accouchement ?

Il était impossible que je puisse assister à cet événement. Awa et moi, on était évidemment très triste de cette situation mais il fallait l’accepter.

Quand avez-vous vu votre fils pour la première fois ?

Une dizaine de jours après sa naissance, j’ai reçu une photo. Ça m’a fait tout drôle. Mais ce n’est qu’à mon retour en Côte d’Ivoire, à peu près trois mois après que j’ai enfin pu le prendre dans mes bras. Ça n’a pas eu lieu à l’aéroport. Je ne voulais pas qu’Awa vienne avec l’enfant à ma descente d’avion.

Quand vous l’avez pris dans vos bras la première fois, vous avez pleuré ?

Eh bien non. J’étais très ému mais je n’ai pas pleuré. Je crois bien que la chose qui me fait le plus pleurer, c’est l’injustice. Sous toutes ses formes. Quand je vois une injustice terrible à la télévision, par exemple, là oui, il m’arrive de pleurer.

Avez-vous une passion en dehors du football ?

Oui, j’adore regarder les documentaires avec les animaux. ( Awa intervient :  » Il fait ça à longueur de journées. Il ne regarde que ça.) C’est vrai que j’adore ça. Quand j’allume la télévision, je cherche toujours des images d’animaux.

De quels joueurs ivoiriens de notre championnat vous sentez-vous le plus proche ?

Il y a Zokora à Genk et puis, bien sûr, beaucoup de joueurs de Beveren. Je suis fort proche de Péhé, de Romaric qui est venu seulement en début d’année. J’étais assez bien lié à Gilles Yapi Yapo parti à Nantes, depuis lors.

Nous avons l’impression que vous êtes, si pas plus agressif, en tout cas plus nerveux quand vous jouez contre Beveren que contre n’importe quelle autre équipe.

C’est vrai. Ce n’est pas facile du tout pour moi, les matches contre Beveren. Jouer contre ceux avec qui tu as tout appris, c’est très bizarre. J’ai joué avec eux pendant sept ans et, là, ils sont tous contre moi. Je vis cette situation assez mal.

Vous avez connu de nombreux problèmes avec les arbitres lors de vos premières saisons. Cette mauvaise habitude a désormais complètement disparu. Etes-vous plus épanoui aujourd’hui, notamment depuis la présence d’Awa à vos côtés ?

Sûrement, oui. Mais la sagesse vient avec l’âge. Concernant les arbitres, je tiens à dire que j’ai aussi eu parfois de la malchance, comme lors de ce fameux coup de coude involontaire qui a touché l’arbitre et dont tellement de gens ont parlé. En plus, c’était lors d’un match contre Beveren, justement. Comme quoi…

En plus d’Awa et de votre fils, vous vivez avec votre s£ur et il se fait que vos parents sont en visite chez vous. Vous êtes très famille ?

Bien sûr, mais mes parents sont essentiellement là pour des soins. En Belgique, on a la chance d’avoir une infrastructure médicale exceptionnelle. Je suis heureux de pouvoir en faire profiter toute ma famille.

Contrairement à ce qu’on a pu lire partout, vous n’êtes pas Ivoirienne…

Awa Haïdara (20 ans) : Effectivement, je suis de nationalité malienne mais j’ai grandi en Côte d’Ivoire.

Quelles sont les qualités et défauts d’Aruna ?

Je dirais que sa plus grande qualité, c’est la gentillesse. Il a un grand c£ur aussi. Pour ce qui est du défaut, c’est très facile : il adore me taquiner. Par exemple, il aime dire que je suis petite et tout ça. Mais si ça m’ennuie, je trouve quand même qu’il est souvent drôle quand il me taquine.

Vous étiez à peine arrivée dans notre pays qu’Aruna a remporté le Soulier d’Or. Dans quel état était-il le jour de la remise du trophée ?

Il était incroyablement stressé. Il devait faire son discours en flamand. Il l’avait bien préparé et, une fois sur la scène, il n’a rien pu dire. Il était vraiment très nerveux, il transpirait beaucoup. Même s’il a eu d’emblée 90 points d’avance sur le second, Walter Baseggio, dès le premier tour, il refusait d’y croire jusqu’au bout. Sans doute par superstition mais aussi par peur d’être trop déçu.

Quand il rentre à la maison après une victoire, est-il le même qu’après une défaite ?

Alors, là, pas du tout. C’est vraiment un autre homme. Il vit très, très mal les défaites. Il est abattu, triste. Il ne parle pas. Et ça dure parfois toute la semaine. En revanche, les jours qui suivent une victoire, il chante, il danse, il met la musique à plein volume, il est très souriant. Il y a vraiment deux Aruna, deux hommes différents en fonction du résultat du match qui a précédé. Heureusement, cette année, Anderlecht a très souvent gagné.

Est-il exigeant avec lui-même ?

Enormément. C’est pour ça qu’il est aussi souvent stressé. Il veut toujours faire mieux. Même en cas de victoire, il lui arrive de ne pas être satisfait, tout simplement parce qu’il n’a pas marqué.

Comment avez-vous vécu votre séparation ?

Très mal. C’était vraiment dur. Je suis contente de vivre enfin avec lui après toutes ces années où on était éloigné l’un de l’autre.

Ah bon ? Vous n’avez jamais vu Aruna jouer dans un stade belge ?

Non, je n’aime pas aller au stade. Je garde un mauvais souvenir des quelques fois où je suis allé le voir jouer. C’était en Côte d’Ivoire. Il se dégageait une forme de violence que je n’ai pas du tout aimé. Je me suis même sentie insultée. Les spectateurs étaient très agressifs. Il y en a même qui me reprochaient, à moi, le fait qu’Aruna ne joue pas bien. Ils disaient que je lui avais détourné l’esprit. J’en garde un tel mauvais souvenir que j’ai pris la décision de ne plus aller au stade.

Vous vivez dans une maison à Oudenaken, un village assez éloigné d’un centre urbain. Vous ne vous ennuyez pas trop ?

Oui, quand même, d’autant plus que je n’ai pas mon permis de conduire. Donc, je reste presque tout le temps à la maison. Je m’occupe du ménage, je prépare à manger… et je téléphone en Côte d’Ivoire.

Qu’est-ce qui était le plus dur à vivre ? Etre dans votre pays entourée de votre famille et de vos amis mais sans Aruna ? Ou alors être déracinée dans un autre pays, loin de votre famille et de vos amis mais avec Aruna ?

(Long silence) Je crois quand même que c’était plus dur quand j’étais séparée de mon petit chéri (elle rit). La situation parfaite n’existe pas. C’est comme ça. Je me rends compte, en tout cas, que nous sommes vraiment des privilégiés. Grâce au métier d’Aruna, on a pu vivre de façon tout à fait différente. Donc, même s’il m’arrive de vivre des journées difficiles loin de mes racines, je ne peux vraiment pas me plaindre.

Carlito Brigante

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