FILIP ET ELS DE WILDE Harry Potter et berger de Lisbonne

Comment se sont passées vos deux années au Portugal?

Filip De Wilde (38 ans): Ce séjour a resserré davantage encore nos liens car nous nous sommes retrouvés en famille, sans amis. Nous avons fait beaucoup d’excursions. Nous avons découvert Lisbonne, Coimbra, des bâtiments historiques, des sites touristiques aussi. Nous y retournerons à la fin de ma carrière car jusqu’à présent, nous n’avons guère eu de vacances. Ici en Belgique, on est vite blasé, on ne visite pas grand-chose.

Grâce aux enfants, nous avons été rapidement intégrés. A l’école internationale, où ils côtoyaient des enfants originaires des quatre coins du monde, ils se sont fait des amis.

Vous habitiez la capitale…

Ce qui change tout. Si nous n’avions pas trouvé d’école, j’aurais dû partir seul. Els a hésité. Les deux aînés, Karsten (14 ans) et Rutger (12 ans), étaient déjà en primaire. Jana (9 ans) allait à la maternelle, ce qui était moins grave. Ils ont appris l’anglais en deux mois! Jana le parlait même sans accent. C’était beau à entendre.

Votre diplôme de comptable vous servira-t-il un jour?

Je l’espère. J’ai achevé mes humanités puis j’ai rapidement opté pour le football. A 18 ans, le choix est difficile. J’ai suivi des cours du soir en comptabilité. Je n’ai pas de pratique mais je connais la structure financière d’une entreprise ou d’un club, je sais comment le capital est formé, comment fonctionne la bourse etc.

J’ignore encore de quoi sera fait mon avenir au terme de mon contrat, dans un an et demi. Entraîner m’intéresserait car en vingt ans, j’ai accumulé beaucoup d’expériences et j’ai mes idées. Mais ma vie familiale serait pire. Ça pourrait aussi être le management ou une combinaison des deux.

Partagez-vous déjà votre expérience avec les jeunes?

Lorsqu’ils le demandent, souvent quand ils débarquent dans le noyau, qu’ils veulent un contrat ou un transfert. Je leur répète qu’il faut d’abord faire ses preuves, acquérir de l’expérience et que l’argent suit automatiquement. Hélas, certains débarquent avec leur manager et leur avocat alors qu’ils vont évoluer dans une équipe de jeunes!

Parfois, un gamin est encouragé par cinq ou six membres de sa famille. Les parents poussent trop vite leurs enfants. Les miens m’ont soutenu, notamment en me conduisant aux entraînements de Beveren, mais ils ont exigé que j’achève mes humanités. On dit qu’il y a trop peu de talents et dès qu’on en repère un, on le monte en épingle. Or, une carrière est aléatoire. Quand je passe la mienne en revue, je revois tant de carrefours où tout aurait pu foirer… Je m’en suis bien tiré mais tout aurait pu tourner autrement.

Une partie de votre coeur est-elle toujours à Beveren?

Non, plus vraiment. Je suis depuis trop longtemps à Anderlecht. Le club est dirigé par des étrangers qui ont amené très peu d’argent. Beveren aurait mieux fait de descendre en D2, voire en D3, et de conserver son identité.

Vous êtes passionné de lecture…

Je lis actuellement un livre sur New York. J’ai lu récemment Harry Potter et Sarah Mago, un ex-Prix Nobel. J’effectue aussi des recherches sur Internet, quand nous avons besoin de quelque chose. Et j’aime la pêche, mais je n’y suis plus allé depuis deux ans…

Filip est-il facile à vivre?

Els Plaetinck (37 ans): Oui… J’étais éducatrice. Nous nous connaissons depuis 17 ans. Nous avons évolué ensemble. J’ai arrêté de travailler à la naissance de Karsten mais je conserve ma liberté. Filip prend mon relais quand il le peut et il m’aide. Il sait cuisiner. Nous nous partageons le jardin: il tond la pelouse et taille la haie, je m’occupe des parterres. Je dois songer à sa carrière mais j’existe. Il ne ramène pas ses soucis à la maison. En fait, j’aimerais qu’il parle davantage mais il l’oublie parfois et j’apprends certaines choses par les journaux.

Vous partagez la passion de Filip pour la lecture…

Nous aimons aussi les films: un bon drame ou un thriller mais pas les films d’horreur ou trop violents. J’apprécie les romans historiques et les histoires d’amour. J’ai lu des romans sur la vie au Japon. Nous en avons acheté un sur une geisha. Ces femmes ont un rôle dans les cérémonies, elles apprennent des danses, jouent d’un instrument de musique. J’aime découvrir des aspects méconnus de la vie, d’autres civilisations tout en me délassant. Nous regardons le journal télévisé.

Des voix s’élèvent contre la violence à la télévision, d’autres rétorquent qu’on ne peut pas diffuser des programmes pour enfants jusqu’à 22 heures…

Nous contrôlons les programmes de nos enfants, dans la mesure du possible, et nous en discutons avec eux. Ils comprennent, si on leur explique que telle ou telle émission ne leur est pas destinée. De toute façon, nous regardons la télévision en famille. Le Journal diffuse aussi des images choquantes, comme celles de ce Taliban torturé puis tué. Ce qui se passe là-bas est terrible. (Filip: « On se demande comment c’est possible mais ça arrive chez nous aussi. Récemment, un supporter est mort, en Belgique, et on a continué à le frapper alors qu’il gisait à terre. ») Nous sélectionnons aussi les jeux vidéo: l’un d’eux consiste à éviter, en voiture, des piétons…

Etes-vous sévères?

Non, nous fixons des limites, que nous repoussons progressivement, notamment pour l’aîné. Le tout est de savoir jusqu’où aller. Ce n’est pas facile. Nos enfants vivent dans un milieu protégé. Zele est paisible, ils rentrent manger à la maison à midi, ils sont à l’abri des tentations. La présence d’un des parents est très importante à nos yeux.

Aimeriez-vous qu’ils fassent du sport?

Karsten n’en pratique pas. Rutger joue au football, à Lokeren, mais pas en Nationaux. Nous l’y avons inscrit parce que la formation et l’encadrement sont meilleurs dans un grand club. Il joue aussi de la guitare et Jana pratique le tennis. Nous serions heureux qu’ils réussissent, nous les soutiendrons, mais la chance est minime. Surtout s’ils tiennent de moi! (Elle rit).

Vous n’êtes pas sportive?

Si, je m’entraîne trois fois par semaine: deux séances de course, une de fitness.

Aimez-vous le football?

J’ai appris à l’aimer. Un bon match m’intéresse. Je suis le jeu, oui, pas seulement Filip. Les enfants m’accompagnent aux matches à domicile. Ce sont de vrais supporters. La carrière de Filip est ainsi une affaire familiale. Bien sûr, j’entends parfois des remarques. Je n’y réagis pas. Les enfants n’en souffrent pas. A Zele non plus. Ici, les gens sont supporters d’Anderlecht ou de Bruges mais ils ne disent rien.

Vous aimez les animaux?

Nous avons adopté notre chien Mazzel à notre départ au Portugal, en guise de compensation pour les enfants! Au début, il était turbulent et il m’a donné du travail. Mais il est gentil et il monte la garde.

Pascale Piérard

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