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International arménien, le Standardman espère affronter les Diables la semaine prochaine à Erevan. Le couronnement d’une belle histoire familiale.

La scène se passe à Marseille, en juin 2005, à l’occasion de la Nuit des Césars franco-arméniens. L’ex- pilote de F1 Alain Prost rappelle ses souvenirs d’enfance et les terribles souffrances de sa grand-mère, Victoria, rescapée du génocide arménien en 1915 :  » Les qualités de travail du peuple arménien sont reconnues et j’en suis fier. Mon parcours m’a un peu écarté de mes amis arméniens mais en prenant de l’âge, je me rapproche chaque jour un peu plus de mes origines.  »

Hirac Yagan, le jeune médian défensif du Standard, parle fièrement d’un des plus grands pilotes automobiles de tous les temps. Puis, sur sa lancée, il cite d’autres noms célèbres, des artistes comme Charles Aznavour et des footballeurs : Youri Dkorkaeff, Michel Der Zakarian, Alain Boghossian, Eric Assadourian, etc.

A sa façon, Yagan veut rendre service à la terre de ses aïeux, indépendante depuis 1991. Il n’est pas né en Arménie et l’histoire des siens n’est guère banale. Les Yagan sont originaires de régions turques menant vers l’Arménie et à l’Irak :  » A Varto et à Silopi, ou dans les environs, les Arméniens n’avaient vraiment pas la vie facile. Il leur était interdit de s’exprimer en arménien, même chez eux. Mes grands-parents et mes parents parlent donc souvent turc. Moi aussi et j’ai perfectionné mon arménien dans des écoles de notre communauté à Bruxelles. Mon père avait 12 ans quand tous les Yagan s’installèrent en Belgique. Pour eux, la situation était intenable en Turquie. Il n’y avait pas d’avenir là-bas. Je ne sais pas pourquoi ils optèrent pour la Belgique mais en tant que chrétiens orthodoxes, nous avons des églises à Bruxelles. Ma famille a trouvé sa voie dans le travail de la fourrure ainsi que dans le bâtiment et l’immobilier. Enfant, je souffrais d’asthme et les médecins me recommandèrent la pratique d’un sport. Je me suis tourné vers le football. « 

Hirac est né à Etterbeek et passa quelques années de son enfance près de la Place Jourdan et de la célèbre friterie Antoine. Mais il n’abusa pas de sauce cocktail car le football prenait de plus en plus de place. Il avait 12 ans quand il fut repéré par le White Star Woluwé au Royal Racing Club Etterbeek :  » Anderlecht s’était aussi intéresse à moi et j’y ai même passé un mois pour savoir si je pouvais m’y adapter. En ce qui concerne le foot, pas de problème mais je devais traverser la ville pour me rendre aux entraînements. Mes parents travaillaient beaucoup et n’avaient pas le temps de me véhiculer. Je suis resté trois saisons à Woluwé où j’ai beaucoup progressé.  »

Tout bascula le 14 février 2008

Son talent n’échappa pas au Lierse, attentif lors d’un tournoi de jeunes à Chastre. Les Anversois expédiaient un minibus à Bruxelles pour transporter de jeunes talents. Cela devenait de plus en plus sérieux. En 2007, il signa au Standard où il progressa vite sous la direction de Christophe Dessy tandis que Michel Preud’homme l’invite parfois aux séances de travail du noyau A. Un pas de plus fut franchi la saison passée quand Laszlo Bölöni le lança contre Tubize (4-0). Le jeune homme remercia son coach en marquant le quatrième but de son équipe. Pour lui, tout bascula à partir de ce 14 février 2008. On le croyait turc et il évoqua ses origines arméniennes devant les caméras des différentes chaînes de télévision. Cela ne passa pas inaperçu. Un émissaire de la fédération arménienne le contacta.

Même s’il fit partie de diverses sélections de jeunes en Belgique, Yagan se rendit à Erevan pour la première fois de sa vie :  » L’appel de l’Arménie était irrésistible. Il était de mon devoir de rendre service au pays de nos origines. J’ai pris le vol Paris-Erevan. J’étais seul et j’ai eu le temps de m’interroger sur ce qui m’attendait. J’étais ému. Il y avait un comité d’accueil à l’aéroport. Je suis resté 15 jours là-bas. L’atmosphère était un peu distante car je parlais mieux turc qu’arménien. J’ai en tout cas découvert un pays magnifique à la croisée de l’Orient et de l’Occident. Quand j’étais gosse, mes petits camarades rigolaient en disant que je venais d’un pays qui n’existait pas. Non : l’Arménie existe… « 

Hirac fêta ses débuts avec les Espoirs contre la Turquie. Tout un symbole : en 1915, l’empire ottoman élimina 1,5 million d’Arméniens. Mais Yagan ne politisa pas son retour au pays :  » J’ai beaucoup de connaissances turques en Belgique, à Bruxelles, à Liège et au Standard. Le foot rassemble les gens, c’est important. Après cette rencontre face à la Turquie (2-5), j’ai évolué avec les A contre la Moldavie à Erevan (1-4). Le foot arménien se restructure. Ararat Erevan a connu ses heures de gloire mais c’est désormais le FC Punik qui donne le ton en tête d’un championnat à huit clubs. Il se glisserait facilement en milieu de D1 belge. Avec l’équipe nationale, nous sommes derniers ; chaque match permet de placer l’Arménie sous les spots. Je suis là pour aider dans mon rôle de médian défensif. En principe, je dois jouer avec les Espoirs contre la Suisse mais j’espère surtout affronter les Diables Rouges le 9 septembre à Erevan. « 

« L’appel de l’Arménie était irrésistible. « 

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