« Fières de nous »

Justine et Kim n’éprouvent pas trop de mal à digérer leurs récents exploits.

Lors d’une rencontre croisée réalisée dans le cadre du Sanex Trophy de Knokke-le-Zoute, elles n’ont cessé de clamer leur bonheur d’être restes ce qu’elles ont toujours voulu être : des filles comme les autres.

Quand vous entendez ou que vous lisez que vous êtes 5e et 6e joueuses mondiales, vous réalisez que c’est de vous que l’on parle?

Justine Henin: Non, pas encore trop. Il faut du temps pour réaliser tout ce qui se passe. Mais ce classement, cela change pour les gens mais pas pour nous. Cela dit, c’est assez difficile de se dire qu’il n’y a que quatre joueuses devant mais concrètement, cela ne modifie en rien la personnalité. Je ne lis plus la presse, donc, cela facilite les choses. Je vais encore mettre du temps pour digérer tout ce qui vient de se passer mais, d’un autre côté, il faut peut-être se dire que c’est assez normal, logique, que je sois cinquième joueuse mondiale.

Kim Clijsters: Je pense la même chose. Pour nous, le classement ne change rien mais il est évident que nous sommes devenues des joueuses très connues alors qu’il y a encore un an, peu de gens savaient qui nous étions. Cela change notre vie car on nous arrête dans la rue et on nous demande des autographes beaucoup plus souvent.

Vous estimez que vous êtes à votre place où que ce classement arrive un peu trop tôt dans votre carrière?

Justine: Je crois que les choses n’arrivent jamais trop tôt. Si Kim et moi avons ce classement, c’est parce que nous avons fait des gros sacrifices depuis que nous sommes toutes petites. Et, depuis le début de l’année, nous avons réalisé de tellement bonnes performances que nous devions nous retrouver aussi haut dans le classement.

Vous avez pourtant l’habitude de dire que vous aimiez prendre le temps d’emmagasiner de l’expérience. Or, depuis quelques mois, tout va très très vite.

Justine: Oui, c’est exact mais cela veut sans doute dire que j’ai beaucoup gagné sur le plan mental et en maturité. Tout m’a fait grandir très vite et les événements tennistiques récents constituent des expériences supplémentaires par rapport aux objectifs fixés.

Vous avez toujours rebondi plus ou moins rapidement sur des événements plutôt négatifs. En voyez-vous d’autres que vous auriez rencontrés au cours des semaines passées?

Justine: A vrai dire, il y a peu de choses qui ont été négatives à Wimbledon. Mais il y a toujours beaucoup de choses à travailler, au niveau de mon jeu par exemple. En dehors de cela, il va falloir que je réagisse de manière aussi positive que lorsque les choses allaient moins bien. Quand on n’est pas au top, ce n’est pas trop compliqué de faire mieux. Maintenant, ce ne sera pas aisé de faire encore mieux qu’à Paris ou à Londres.

Comment ont évolué les relations entre vous deux? Allez-vous voir les matches de l’autre et, si oui, dans quel état d’esprit le faites-vous?

Kim: Ce n’est pas si évident d’aller voir jouer Justine car, à Wimbledon, je disputais le double. J’ai heureusement eu la possibilité de voir quelques jeux de sa finale et j’appréciais de la voir jouer. Elle a vraiment développé un très bon tennis. Ce n’est vraiment pas difficile de la regarder, je le fais d’ailleurs avec plaisir.

Justine: Il faut dire que les choses ont évolué. Lorsqu’il y a un ou deux ans, l’une d’entre nous jouait contre l’une des meilleures joueuses mondiales, il s’agissait DU match de l’année. Maintenant, ce n’est plus pareil car nous commençons à rencontrer régulièrement les Top 10 ou les Top 5. On a donc l’habitude de ce genre de confrontations et quand j’ai l’occasion de suivre Kim à un tel niveau, je suis très fière car je constate que nous avons très bien progressé en assez peu de temps.

Aucune jalousie entre elles.

Il n’y a pas de pincement au coeur?

Justine: Certainement pas de manière négative. Je n’étais, par exemple, pas du tout jalouse ou envieuse du fait que Kim jouait la finale de Roland Garros et moi pas. Mon coeur bat donc plus vite lorsque Kim joue car nous avons une très bonne relation, tout le monde le sait. Nous sommes rivales, c’est évident, mais cette rivalité n’existe que sur le terrain. En dehors, nous ne le sommes pas du tout. D’ailleurs, quand nous nous parlons, nous n’abordons pas du tout des aspects tennistiques. Nous parlons de tout autre chose.

Kim: Nous sommes deux adultes aujourd’hui et nous sommes donc tout à fait capables de savoir que si nous sommes concurrentes sur le court, il n’en est pas de même en dehors.

Si vous n’aviez pas été à deux à ce niveau là, pensez-vous que vous auriez évolué moins rapidement?

Justine: Pour ma part, j’en suis persuadée. Nous avons la chance d’être deux jeunes au top ce qui nous permet de mieux nous comprendre puisque nous vivons des expériences semblables. La présence de Kim constitue également une très forte motivation. Quand elle a été en finale à Roland Garros, je me suis dit que, moi aussi, je voulais un jour disputer une finale de ce niveau. Nous gravissons les échelons ensemble, ce qui est très agréable.

Vous partagez vos expériences?

Justine: Non, nous ne parlons jamais de tennis ensemble.

Vous parlez de quoi?

Kim: Cela, on va pas le dire.

Justine: C’est personnel.

Pas de pression financière.

Vous dites que vous êtes rivales sur le terrain mais, en dehors, il y aussi certains secteurs ou vous pourriez être concurrentes. Y-a-t-il une pression de l’argent?

Justine: Je ne m’occupe pas du tout du sponsoring. D’une part parce que j’ai autre chose à faire et, d’autre part, parce que je suis entourée, comme Kim, de personnes compétentes capables de gérer mes affaires sans que je me fasse de souci. Ce qui est chouette, c’est que mes proches s’entendent très bien avec ceux de Kim, ce qui facilite évidemment les choses.

Kim: Pour moi, il n’y a pas une pression de l’argent. Je n’ai jamais joué pour cela, pas plus que pour passer à la télé. Je ne vais donc pas changer ma relation par rapport à cela aujourd’hui. Quand je suis sur un terrain, je ne pense qu’à mon match et pas du tout au chèque que je pourrais toucher au terme de celui-ci.

Vous êtes tout de même consciente que vous pouvez être la tête d’une importante quantité d’argent?

Kim: Oui mais il ne faut pas non plus oublier que nous devons également en dépenser énormément. Le fait de gagner beaucoup d’argent ne change rien du tout. A nouveau, je ne joue pas pour gagner de l’argent et le fait d’en gagner ne change strictement rien à ma personnalité. Je ne vais pas, tout d’un coup, m’acheter dix ou quinze voitures, juste parce que j’en ai les moyens.

Justine: Il faut dire aussi que nous vivons toutes les deux d’une manière normale. Quand j’ai fini un tournoi, je rentre dans mon petit appartement pour mener une vie saine. Nous n’avons pas une vie de star, même si les gens pensent que nous en sommes. Il est important de connaître la valeur des choses et l’argent ne remplacera jamais ce qui peut manquer dans une vie. Pour ma part, l’argent est loin d’être ma principale motivation.

Dans votre entourage, il y a certainement des gens qui apparaissent uniquement parce que vous être à la tête de quelques millions.

Justine: Oui, mais je me suis créé une sorte de carapace pour me protéger de ce style d’individus. Et puis, je sais qui est à mes côtés depuis le début et je reconnais ceux qui sont là uniquement parce que j’ai un nom et que je représente quelque chose. Je commence à avoir un certain feeling et je sens assez bien ceux qui ne s’intéressent à moi que parce que je m’appelle Henin.

Kim: Il est évident que certains personnes tentent de m’approcher uniquement parce que je suis Top 10 mais ce n’est pas très compliqué de les repérer.

Quand vous entendez les Williams parler de retraite, cela vous ouvre les yeux sur le fait que vous êtes les plus jeunes parmi les meilleures mondiales.

Justine: Avant tout, je pense que si les Williams parlent de retraite, cela ne veut pas dire qu’elles vont réellement arrêter. Maintenant, il ne faut pas se leurrer : chacune des joueuses du top veut garder sa place. Moi, je ne veux pas jouer en fonction des autres joueuses mais bien uniquement en pensant à mon jeu à moi.

Comment détrôner le supertop?

Il y a encore des joueuses qui vous impressionnent?

Justine: Oui, Venus Williams m’a fait une très forte impression. Il y aussi Capriati, Hingis et Serena Williams qui restent des filles très fortes. Nous sommes cinquième et sixième mais ce sera très compliqué d’aller les détrôner car elles sont très puissantes et très expérimentées. Nous disposons toutes les deux des armes pour les battre mais il ne faut pas oublier que ce sont de véritables championnes

Et derrière?

Justine: Il peut y avoir des surprises à tous les niveaux. Dans le Top 20, il y a plein de filles qui peuvent nous surprendre. Et puis, il y a aussi des périodes. Si on regarde Mauresmo, on constate qu’elle a connu un très bon début de saison et qu’elle traverse maintenant une plus mauvaise période mais elle peut revenir à n’importe quel moment. Il faudra aussi se méfier de Dokic. Il s’agira d’une bagarre au quotidien car, derrière, il y des jeunes joueuses venant surtout de l’Est, qui ont beaucoup de talent et qui visent les mêmes objectifs que nous.

Vous évoquez Mauresmo: vous avez peur de connaître le même genre de trou?

Justine: Je ne pense pas à ce genre de choses. Nous sommes des êtres humains comme tout le monde. Les victoires et les défaites font partie de notre vie de joueuse professionnelle, on doit vivre avec cela. Il ne faut donc pas craindre ce genre de passages à vide. Ce que l’on doit faire, c’est essayer de continuer à avancer comme on le fait depuis quelques temps.

Vous avez une bête noire?

Justine: Je ne pense pas. J’ai bien été battue trois fois par Lindsay Davenport et deux fois par Monica Seles mais, avec le temps, je devrais être capable de les battre.

Kim: Non, j’ai aussi perdu trois fois contre Davenport et je n’ai jamais battu Seles mais je ne pense pas que l’on puisse parler de bête noire.

Bernard Ashed

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